samedi 21 octobre 2017

#BalanceTonHarceleur : enfin elles témoignent

L'affaire Harvey Weinstein producteur hollywoodien de cinéma indépendant accusé de multiples faits de harcèlements et d'agressions sexuelles sur des actrices est en train de délier les langues et sortir les femmes de la sidération où elles étaient. La campagne #balancetonporc, puis #BalanceTonWeinstein, #BalanceTonHarceleur #MeToo #MoiAussi sur les medias sociaux, permet aux femmes qui se sont tues si longtemps de sortir du silence : à moi aussi, c'est arrivé, moi aussi je veux dire, parler et signaler. Le spéciste #balancetonporc était encore dans l'occultation des coupables, les hommes, toujours impossibles à nommer, puisqu'elles préféraient se défausser sur un inoffensif animal leur servant à faire diversion, il est en effet difficile de nommer l'agresseur, puisqu'on vit avec lui, qu'il est potentiellement coupable ou complice d'agressions : en effet, comment penser que tant de femmes soient harcelées, alors que par ailleurs on aurait tiré tous les bons numéros chez soi, mari, amant, garçons adolescents, père ?

Et puis sont venues, en France, celles qui sortent du silencecelles que la crainte de la puissance de leurs agresseurs, leur statut social muselaient : la statue du commandeur, ex ministre, éminent juriste renommé et consulté, œuvrant en retraite dans le domaine social, insoupçonnable ; l'exégète d'un livre patriarcal "sacré", méprisant les femmes et controversé, mais tout de même, pour pas mal de croyants, faisant autorité dans sa discipline ; un cinéaste adulé et palmé à Cannes accusé par la chanteuse Bjork ; tous sont renvoyés au statut de prédateurs sexuels, quelle évolution ! Les hommes politiques fraîchement élus grâce au dévouement et à la compétence d'assistantes hyper efficaces, professionnelles et diplômées, mais précaires en CDD, et bien mal récompensées de leur excellence pourtant, dans l'ombre du grand homme. D'autres viendront que nous devrons écouter et croire.

Bien sûr, des aigris prétendront que concomitamment, elles viennent de publier et qu'elles ont des livres à vendre, mais moi je les crois ! Ils sont tellement puissants, tellement insoupçonnables ! Elles se sont tues si longtemps que leurs agresseurs étaient assurés d'une totale impunité et pour cela même, autorisés à continuer leur prédation. A ceux qui ne les croient pas : se met-on à hurler à l'agression sexuelle en pleine représentation de Wagner à l'opéra ? Qui pourrait croire qu'un "saint" homme qui prêche la "modestie" aux femmes serait un tel rustre brutal ? Et des artistes, donc ?

Malgré une trentaine de témoignage convergents venant du tout Hollywood, et d'actrices françaises ayant eu affaire avec Weinstein, la justice dit encore qu'il n'y a pas de preuves, et Weinstein va s'en tirer, comme DSK s'en est tiré au pénal, tout en étant curieusement condamné à un fort dédommagement au civil : ainsi va la justice patriarcale des agresseurs. Témoin, témoigner viennent du latin testes, testicules, il faut encore dans certains pays que deux ou trois hommes corroborent le témoignage d'une femme, la malédiction de Cassandre joue toujours en notre défaveur. Les gendarmeries et commissariats de police resteront encore des endroits maltraitants et mal accueillants aux femmes victimes de ces agissements malgré leurs propositions opportunistes*, la caste se défend, elle fait corps pour garder encore un peu ses douteux privilèges, mais le silence est rompu, les femmes parlent et, j'espère, n'arrêteront plus de parler. La terreur est en train de changer de camp. Il FAUT qu'elle change de camp, que les agresseurs ne soient plus jamais tranquilles après leurs forfaits. Il faut qu'ils soient dissuadés d'en commettre un de plus. Et pour cela, il faut que les femmes soient écoutées et entendues. Il faut maintenant que toutes les autres femmes n'aient plus peur d'entrer dans un commissariat et de se faire entendre de la justice. Espérons que le mouvement commencé ces derniers jours ne s'arrêtera plus.

* Je ne présage pas de ce qu'il se passe ailleurs mais c'est un peu des paroles verbales comme dit l'humoriste, et ce n'est pas drôle : insultée deux fois en bas de chez moi jeudi, je suis allée vendredi déposer au moins une main courante que j'ai voulu transformer en plainte : la policière m'a écoutée -rien à dire- mais elle a dû aller demander l'avis de son OPJ, qui a dit non, suggérant que je me tourne vers le Procureur de la République. Pas de main courante non plus : il y avait la queue. Bref, les méfaits masculins plus graves sont tels que les plaintes des femmes sont considérées comme secondaires, qu'on traite quand il reste du temps. Et comme il n'en reste pas... Nous sommes apparemment des sous-citoyennes, nos dossiers sont secondaires, la vertu ne paie pas. Il reste le free-lance.

4 commentaires:

  1. Bonjour. Juste un commentaire sur le sujet des "main courantes" impossibles : Il faut savoir que le problème concerne aussi les hommes qui souhaitent déposer des "mains courantes" pour des aggressions verbales ou physiques. Depuis Sarkozy, la Police a des objectifs quantifiables à atteindre et des budgets/des effectifs constamment revus à la baisse. Je dis ça...

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    1. Les insultes et éventuelles agressions que subissent les hommes ne sont pas comparables à celles subies par les femmes, sauf celles à l'encontre des hommes gays qui sont en fait de l'hétéro-sexisme, donc un sexisme. Pour le reste, les hommes doivent subir plus d'agressions dans la rue, ils restent les premières victimes des... hommes, certainement pas des femmes. Cela n'a donc rien à voir. Les femmes sont ciblées car femmes, occupant l'espace public dont les hommes sont propriétaires, comme chacune sait. Il suffit d'être une femme pour l'expérimenter. Que les hommes ne soient pas mieux reçus dans les commissariats n'est pas mon sujet. Mon sujet est les femmes harcelées dans l'espace public, et le traitement policier qui en est fait. Les situations des femmes et hommes ne sont pas symétriques. Votre remarque serait pertinente sur un sujet "accueil général dans les commissariats de police en France", certainement pas "accueil des commissariats sur le sujet harcèlement de rues". Mais merci de votre intérêt pour mon blog.

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  2. Vous êtes plus nuancée que beaucoup d'autres...vous parlez aussi des pères, maris et ados (les frères aussi jouent un rôle). Ensuite je trouve que beaucoup de textes que j'ai pu lire sur les violences faites aux femmes font l'impasse sur la dimension relationnelle : Le mari, conjoint, compagnon n'est pas devenu violent soudainement...il y a des hommes violents dont la violence latente est perçue et perceptible.On m'a souvent dit "tu es trop gentil, les filles aiment les bad boys". Ça interroge l'affectivité des femmes, leurs représentation de ce que "doit être " un homme, leur vécu familial et la relation au père et à la mère. Hors la volonté d"objectiver cette violence, d'en faire un objet d'étude social fait faire l'impasse sur beaucoup d'aspects je trouve.

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    1. Si les filles/femmes de votre entourage aiment les bad boys, changez votre entourage féminin. Vous pouvez fréquenter des femmes évoluées, affranchies des diktats patriarcaux. Il y en a. De plus, il n'y a aucune obligation à se mettre en couple, c'est encore un diktat patriarcal et sociétal :|

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