Les attentats terroristes du 13 novembre à Paris ont fait apparaître le spectre de la femme kamikaze, phénomène minoritaire, mais bien présent dans les territoires contrôlés par les sectes islamo-facistes telles Etat Islamique ou Boko Haram pour ne citer qu'elles : femmes ou fillettes esclaves, envoyées à la mort parce que leur vie est déclarée valoir moins que la ceinture d'explosifs dont ces gourous machistes nihilistes leur ceignent la taille. Ou comme en Tchétchénie, où après une guerre destructrice, il ne reste plus d'hommes à sacrifier. Plus quelques suivistes européennes aliénées, séduites par l'idéologie totalitaire et sectaire des salafistes. Mais une femme kamikaze en France ? L'impensable se serait produit à Saint-Denis, et ce serait une première selon le chœur antique des experts sempiternellement mâles qui commentent les éditions spéciales des chaînes tout info. Une femme kamikaze, my god, mais où va-t-on ? Après plusieurs jours à mouliner la même mauvaise nouvelle, finalement, ce n'était plus aussi sûr : le corps "d'un très jeune homme ou d'une femme" reste non identifié, puis l'enquête progressant, on apprend qu'il s'agit d'une femme, Hasna Aït Boulhacen, mais que sa ceinture d'explosifs se serait déclenchée accidentellement, sans que ce soit parfaitement éclairci. Ce qui est certain en revanche, c'est qu'il n'y a pas eu de femme kamikaze sur le sol français, martèle le spécialiste d'Itélé. Ouf de soulagement du chœur antique masculin. La violence terroriste et nihiliste, le goût pour la mort restent des apanages masculins. Non dits, impensés, sous-entendus, mais universels. Tant que les femmes n'empiètent pas finalement, l'essentiel est sauvegardé. La fâme est toujours la consolatrice mère (ou future) de nos enfants. La "dissonance" est évacuée. Chacun.e dans son rôle de genre, les vaches sont bien gardées.
" L'anthropologie sociale a démontré que faire couler le sang était proscrit pour les femmes, soumises à l'écoulement incontrôlé et souillant du sang menstruel, quand il coule volontairement chez les hommes en raison de leurs activités guerrières ".
" Les hommes ne sont pas distingués par leur sexe, renvoyés à un neutre réaffirmant la norme du masculin dans l'exercice de la violence ". Fanny Bugnon dans Les amazones de la terreur.
Toujours après les attaques à Paris, ToysRus et JouéClub décident de retirer pistolets et mitraillettes de leurs rayons jouets de Noël. Notez l'explication donnée par les marques : ils ressemblent trop à des armes réelles, la police pourrait confondre ! Nulle mention de dressage au virilisme par une société patriarcale préoccupée de fabriquer des mecs qui ne soient pas "des tapettes", mais des gros durs conformes à ce qu'on attend d'eux, machistes et fiers à bras. Non émasculés. Tout entiers dans la sainte trinité en-dessous de la ceinture.
Mais, au fait, qu'en dit la littérature ?
" Chez nous, il n'y a que l'homme au fusil ou l'homme à la croix. A travers toute l'histoire, il n'y en a pas eu d'autre. "
" La chasse et la guerre sont les deux occupations principales de l'homme. D'un vrai homme. " - In La Supplication - Svetlana Alexievitch.
"La guerre n'a pas un visage de femme" ?
Après qu'elle se soit vu décerner le prix Nobel de littérature 2015, j'ai lu de Svetlana Alexievitch : La fin de l'homme rouge, La supplication -Tchernobyl, chronique du monde après l'apocalypse, et La guerre n'a pas un visage de femme. Soit environ 1200 pages sur les horreurs dont s'est rendu coupable le XXème siècle, siècle du crime industriel par excellence, un bloc de malheur russe. La fin de l'homme rouge est pour moi équivalent, vu le sujet traité, à 2666 de Roberto Bolaño et Les Bienveillantes de Jonathan Littell : ils décrivent tous les crimes d'un siècle qui a industrialisé le processus via la guerre, avec des centaines de millions de morts abattus et enterrés dans des fosses au milieu de forêts en Sibérie ou en Pologne. Les crimes de Staline : purges, dékoulakisation, goulags, puis bourbiers afghan et Tchétchène sont dans les témoignages de La fin de l'homme rouge.
La supplication publié en 1997 : Tchernobyl, la centrale nucléaire qui explose un jour d'avril 1986 en Biélorussie, dans un pays parano préparé, entraîné à se prendre les missiles nucléaires américains sur la figure, mais où la hiérarchie soviétique a été incapable de faire face au désastre nucléaire civil, à tel point que les bunkers de béton, les cachets d'iode et les combinaisons anti-radiations n'ont pas été utilisés ou même sortis de leurs emballages, les liquidateurs, chimistes, physiciens, médecins, simples soldats, témoignent avoir été envoyés à la mort quasi torse nu avec des pelles, des masques en gaze de coton, et beaucoup de coups de vodka derrière la cravate ! Au nom de "il faut sauver la Patrie communiste" -car eux aussi ont été enrôlés pour une guerre, avec triplement du salaire et avantages divers-, dans un pays où la vie humaine n'a aucune valeur, où n'existe aucune opinion publique. Le peuple russe incroyablement littéraire, philosophe, poète, éduqué, mais militarisé, sans esprit critique ou de contestation envers ses dirigeants machistes, puisque le pourvoir est toujours d'essence virile. Bel exemple d'hubris masculine que ce témoignage trouvé dans La supplication :
" J'ai lu quelque part que le personnel des centrales nucléaires traite les réacteurs de casseroles, de samovar, de cuisinières. Voilà de la superbe : nous allons cuire des œufs au plat sur le soleil " !
La guerre n'a pas un visage de femme est de même nature, un recueil de récits de femmes : "Dans l'armée soviétique, près d'un million de femmes ont servi dans les différentes armes. Il y avait parmi elle des tireurs d'élite, des pilotes d'avion, des conducteurs-mécaniciens de chars lourds, des mitrailleurs...", engagées volontaires de la deuxième guerre mondiale pour défendre la Patrie communiste. Une somme de témoignages, pas du tout une critique anthropologique ou sociale, ni a fortiori féministe -ce n'est pas le propos de l'auteure, d'ailleurs un brin essentialiste dans son titre-, en fait, un livre sur l'atrocité de la guerre, mais vue par les femmes qui ne rêvent que de reporter des robes, de rencontrer l'amour et avoir des enfants quand tout sera terminé. Comme rien n'a été pensé pour elles, elles s'entortillent les pantalons trop grands des mecs jusqu'au dessous des bras et elles portent des bottes pointure 46 alors qu'elles chaussent du 37 ! Elles n'en font pas un plat, puisqu'elles sont volontaires pour servir la Patrie ! La guerre est un phénomène total, elle a besoin de bras, de chair à canon, et puisque la vie humaine est abondante sur terre, pas de quartiers, pas d'économies. Une fois les guerres déclarées par les hommes terminées, les femmes sont priées de rentrer au gynécée, reproduire des soldats pour la prochaine.
La "Patrie" (littéralement le pays des pères) est un concept guerrier, bien éloigné des "home", "homeland" (vs fatherland) anglais, du "heimat" (vs vaterland) allemand, de la "maison", termes intimes pour désigner son chez-soi, sa matrie, le lieu où on a vu le jour, où on a passé son enfance. La Patrie est vampire, amatrice de chair et de sang, exigeante, dure, contrairement à la maison maternelle bienveillante où règne la sécurité de l'enfance.
" Les hommes jouent, et le jeu suprême, c'est la guerre " - Pierre Bourdieu. Par hommes vous aurez compris mâles, malgré l'imprécision entretenue par le français.
En guise de conclusion, je vous offre en cadeau bonus, la chanson Les Z'hommes d'Henri Tachan. Notez qu'elle n'a pas été écrite ni inspirée par des féministes radicales à poil dur, ce qui, du coup, la rend totalement casher du point de vue masculin, puisque c'est tellement mieux quand c'est eux qui le disent ! Avec des féministes à poil dur, ou même souple, il y a toujours un doute sur le fait qu'elles seraient incapables de taire un éventuel antagonisme.
Liens supplémentaires : Paola Tabet, anthropologue : les femmes n'ont pas accès aux outils ni aux armes - In La construction sociale de l'inégalité des sexes.
Et sur le blog d'Emelire, Le féminin l'emporte : Le gros mot est lâché.
J'ai vu une émission consacrée à ces femmes russes, toutes ne voulaient pas retourner à une vie civile consacrée au foyer mais comme vous le soulignez c'est bien là qu'elles ont été renvoyées, sans médailles ni reconnaissance, l'état ayant eu honte d'avoir recouru à leur service.
RépondreSupprimerA lire aussi, pour celleux qui aiment la fantasy Le régiment monstrueux de Pratchett, pas son meilleur d'après moi, mais il illustre bien le jusqu'au boutisme d'élites abruties de pouvoir et leurs conséquences.
Toutes ne souhaitaient certainement pas rentrer au foyer, mais les récits confiés à Svetlana Alexievitch ne parlent que d'amour et de nature merveilleuse sur fond d'horreur de la guerre et de pogroms. Comment elle arrive à faire de la littérature avec ça, c'est pour moi une énigme. Si je la rencontrais, je lui poserais la question : est-ce que vous réécrivez ces récits ou est-ce que vous les livrez bruts, en vous contentant de sélectionner les meilleurs ?
SupprimerA supposer qu'elle avait un objectif en publiant ce livre, vous dites vous-même que le titre paraît essentialiste, elle a certainement filtré d'une façon ou d'une autre les témoignages recueillis. Ceci dit l'échantillon des témoins a de fortes chances d'être biaisé de facto, les femmes en question doivent avoir dans les 80 ans, combien de survivantes de la guerre à avoir atteint cet âge et qui sait ce qu'il a pu advenir de celles qui protestaient un peu trop fort, les autres ont eu droit à des décennies de matraquage pour rentrer dans le rang. Pour le peu que j'en sais (l'histoire moderne et contemporaine n'est pas ma période préférée), l'URSS stalinienne n'était pas meilleure que la Russie de Poutine pour les femmes.
SupprimerVous avez raison, il y a un effet générationnel. Je ne pense toutefois pas que la Russie de Poutine soit mieux niveau prise de conscience que celle des soviétiques.
SupprimerDans tous les témoignages sur la campagne de Russie de la Wehrmacht que j'ai pu lire, les tireuses d'élite étaient terriblement craintes car redoutablement efficaces. Elles visaient juste du premier coup et se rendaient totalement invisibles + inaudibles. La plupart du temps elles se tenaient cachées dans les arbres et se confondaient avec eux. Ce n'est pas pour rien qu'elles s'appelaient "d'élites".
RépondreSupprimerMeilleure acuité visuelle, meilleure dextérité manuelle, finesse dans la compréhension/appréhension de la situation...; tous les industriels avec qui j'ai travaillé savent ça !
SupprimerPeux pas dire mieux :)) Belle idée, que les femmes servent de mesure à ce qui n'est pas tolérable, on aurait certainement un monde plus apaisé. La vidéo de cette chanson d'Henri Tachan m'a été proposée par une de mes abonnées twittas, que je remercie ici.
RépondreSupprimerCette émission parle de ce qu'on fait les femmes pendant les guerres (et pas uniquement des écrivaines comme le chapeau laisse penser)
RépondreSupprimerhttp://www.franceculture.fr/emission-secret-professionnel-le-secret-professionnel-des-femmes-parlant-de-la-guerre-2015-11-29
(...j'avais mis tachan sur mon fb il y a qqes temps, aussi, merci de l'avoir mis ici, je suis bien persuadée que cette chanson est peu connue!)
J'ai lu ton texte quand tu l'as sorti et, à retardement, sorry, je voulais proposer ici un article si d'aventure vous ne l'avez pas déjà lu (si oui, sorry encore)
Il me semble depuis lgtps que les guerres des hommes se jouent pour montrer kicékalaplusgrosse et, par extension ou à l'inverse comme point initial de cause, la dominance sur le cheptel 'groupe des femmes'.
Il se trouve que da*sh revendique de cette esclavage des femmes de façon tellement ouverte, éhontée, cruelle, que ça en est frappant (sauf pour les hommes… pardon de le dire comme ça, mais certains - beaucoup- ont plus été choqués de savoir qu'éventuellement des supporters de foutchebol auraient pu être touchés que de savoir ce qui arrive aux femmes par ces types que je n'ai même plus de mots pour les nommer)
Bref, je lis:
"Tu penses à la place des femmes dans la société ?
Nicolas Dessaux : Oui, l’une des caractéristiques essentielles de l’idéologie islamiste, c’est qu’elle est obsessionnellement contre les femmes. Dans le discours des jihadistes comme dans leurs interviews, c’est un motif récurrent. Lorsqu’ils dénoncent l’occident, ce n’est pas l’impérialisme qu’ils dénoncent, mais la liberté que les femmes y ont conquise. (...) Le contrôle social exercé sur les femmes, leur vie et leur sexualité, est compromis par l’irruption massive des antennes satellites et des téléphones portables, qui véhiculent un autre mode de vie. Le discours religieux apparait comme un moyen de rétablir l’ordre patriarcal, de protéger la domination masculine.
Déjà, après 1991, la mutation du baasisme en islamo-nationalisme avait accompagne une dégradation de la condition des femmes et la perte de nombreux droits. Dès le début des années 1990, au Kurdistan, ceux qui allaient devenir Al-Qaeda appelaient au meurtre des féministes, ce qui a couté la vie et l’exil à nombre de nos camarades du Parti communiste-ouvrier d’Irak. Dans la guerre civile en Irak, après 2003, les milices religieuses, sunnites comme chiites, s’attaquaient aux femmes qui travaillent qui exerçaient des fonctions publiques, qui refusaient de porter le voile, et jusqu’aux coiffeurs pour dames... C’est une véritable guerre aux femmes qu’elles ont menées.
La brutalité patriarcale de l’État islamique, dont l’esclavage sexuel de femmes issues des minorités non musulmanes est la forme extrême, s’inscrit dans ce contexte de contre-révolution patriarcale. La place des femmes dans la lutte armée au Kurdistan, dans la victoire de Kobane contre l’État islamique, est significative car l’un des enjeux centraux de cette guerre est la place des femmes dans la société. L’État islamique promet aux hommes de restaurer leur place dominante dans la famille, et multiplie les actes les plus outrageants les plus dégradants envers les femmes, pour le montrer. Il mobilise la religion pour légitimer ses pratiques. C’est pour cela que s’il on veut comprendre ce qui se passe, il faut partir de la pratique et non de la religion."
Rien qui m'étonne là, mais au moins est-ce dit clairement ici:
http://communisme-ouvrier.info/?Qu-est-ce-que-l-Etat-islamique
Merci pour ces liens : je vais écouter l'émission de France Culture parce que décidément, les récits de La guerre n'a pas un visage de femme ne présentent aucune critique sociale, ce qui m'a bien manqué. Hormis les anecdotes sur les uniformes trop grands, je pense que les mecs pourraient raconter à peu près les mêmes choses sur l'horreur de la guerre, qui est un phénomène absolument inhumain. Aucune Convention de Genève n'y peut rien. Pour ce qui concerne Daesch, effectivement, leur haine des femmes est minimisée ou passée sous silence par les medias comme toujours. Normal, la haine des femmes est le tissu culturel de toutes les sociétés patriarcales, mais c'est un non-dit. Nous en Europe on a réussi à leur raboter un peu les couilles, mais ce n'est pas le cas de société ultra-violentes comme celles des fondamentalistes religieux de toutes obédiences où les femmes ne peuvent avoir de paix relative qu'en s'effaçant au propre comme au figuré devant le machisme des mâles.
SupprimerFinalement, je viens d'écouter cette émission de France Culture : les femmes sont vues comme supplétives, remplaçantes des hommes absents, morts aux combats et leurs intérêts de genre s'effacent devant cette horreur masculine de la guerre (suffragistes anglaises). Paola Tabet a raison : le tabou suprême, les femmes n'ont pas accès aux armes ni aux outils ! Les revendications égalitaristes des féministes réformistes font qu'on trouve désormais des femmes dans les unités combattantes, avec tous les inconvénients de se retrouver dans des groupes mâles haineux des femmes (viols, harcèlement...) elles ne contestent jamais le fait que les femmes doivent s'y conformer en tous points aux standards patriarcaux "universels". L'humanité n'a toujours qu'un pôle, le masculin. Ce qui me donne envie de citer Valerie Solanas : "la masculinité, cette déficience...". ;))
Supprimervoilà, les femmes comme pis aller, mais qui restent l'enjeu de kicékalapplusgrosse, un truc de fou finalement, cette double facette sociale que les hommes s'imposent à eux-mêmes…
Supprimerles femmes dans les armées sont confrontées aux 2 parties (haha) en présence qui sont dans les 2 cas un danger pour elles...