mardi 3 novembre 2015

Témoignage : Il m'a volé ma vie - Morgane Seliman


Morgane Seliman témoigne dans ce petit livre de 230 pages des quatre années d'enfer qu'elle a vécues avec un compagnon violent : coups, humiliations, qui s'abattent dès qu'elle se met en ménage et qu'elle est enceinte, séparation d'avec les amis, copains et parents, employeurs, isolement, négation de la violence, l'histoire courante d'une mise sous emprise, du vampirisme psychologique et du cannibalisme métaphysique (Ty Grace Atkinson) qui caractérisent les abuseurs.

Un vrai Prince Charmant  " :
Capricieux, affectivement immature, pervers narcissique, manipulateur, harceleur, atteint de troubles obsessionnels compulsifs, caractériel, haineux des femmes et de leur corps, intolérant aux refus et à la frustration, instable émotionnel, et bien sûr, irresponsable, le "compagnon" va vite se révéler être ce que tout le monde autour de Morgane sait, mais sans vraiment la mettre en garde, pire "ils étaient fous de joie. Ils pensaient que j'allais avoir une bonne influence sur Yassine" (la femme pansement, béquille) : en fait, un repris de justice violent et instable. Une grossesse non désirée, pain bénit pour la société qui n'a rien de plus pressé à faire que de contraindre les femmes à l'enfermement à la maison et à la reproduction, plus une infirmière "qui utilise la machine se trompe", lui fait écouter les battements de cœur lors d'une consultation pour IVG, après lui avoir passé un savon : "une vraie entreprise de culpabilisation". Vous y rajoutez la volonté de réussir sa vie amoureuse, de se conformer à tous prix aux injonctions patriarcales, et le tour est joué : ça va être une descente aux enfers. Très bien décrite par l'auteure.

La seconde moitié du livre témoigne de la volonté de s'en sortir -une autre sorte d'enfer-, des tentatives, des rechutes, et par dessus tout du manque de professionnalisme, du manque d'empathie, du je-m’en-foutisme des différentes instances chargées du maintien de l'ordre et de la sécurité des citoyens, mais moins des citoyennes enfermées dans le conjugo selon toutes apparences : gendarmes, policiers qui bâclent leurs dossiers et leurs enquêtes, avocats, juges, procureur de la République, personnel pénitentiaire sous influence du pervers, voisins qui ne mouftent pas quand une femme crie, juges d'application des peines... Moi je l'ai pris comme un réquisitoire ! Quelques morceaux d’ignominie :
Les gendarmes : "Quand je leur explique que je veux porter plainte, ils me répondent de les appeler quand je ferai l'objet de violences", alors que le Prince Cogneur lui prend ses clés et son portable juste avant de frapper. "Quand je dis que je souhaite porter plainte, ils m'informent que ce n'est pas possible parce que je n'ai pas de traces (ils ne sont pas médecins, pourtant, que je sache...) et que ça va encore plus énerver Yassine". Le pire et le comble : l'éloignement de la victime, pendant que l'agresseur, lui, conserve le logement, les clés, et...l'enfant ! "Ils sont en train de me mettre à la porte de mon domicile et de laisser un enfant aux mains d'un homme dont ils savent qu'il est violent. L'un d'eux  ajoute même : 
- Pour une fois qu'il est calme... Allez pas nous l'énerver un peu plus !".
Seule une association de femmes parviendra à des résultats : mise à l'écart (puisqu'il semble bien que c'est l'agresseur propriétaire de la femme et de l'enfant qui a TOUS LES DROITS y compris de vie ou de mort sur ses propriétés, croyance obscurantiste au lien biologique du sang oblige) ; le violent est finalement condamné à dix huit mois de prison DONT six avec sursis et mise à l'épreuve Ce qui a pesé dans la balance, ce sont les violences à l'égard des gendarmes au moment de son arrestation ". Les gendarmes ont une ITT plus importante que celle de Morgane. Avis aux maris violents, évitez de cogner sur les flics, ça coûte plus cher ! On se pince.

A la lecture de ce témoignage, il est clair que c'est la société le problème, pas les femmes battues. Tout est fait pour enfermer les femmes dans des "obligations" paradoxales et intenables : non, on n'a aucune obligation de "réussir sa vie" en trouvant un Prince Charmant de fiction, en se mariant et en enfantant, on peut la réussir autrement, non les mecs n'ont pas tous les droits, et non, vous ne les changerez pas, les filles, les hommes ne changent pas, ils sont immuablement tels que la culture les fait, n'essayez même pas !
Outre qu'il est grand public, je conseille la lecture de ce livre à tous les professionnels de santé, de justice et de police, pour que cessent ces mauvaises pratiques institutionnelles de mâle-traitance aux femmes, une bonne fois pour toutes. C'est indigne d'une société évoluée comme la nôtre.

Morgane Seliman et son fils vivent toujours caché.es quelque part, à l'abri de leur compagnon et père qui, lui, est de nouveau en liberté : il peut donc s'attaquer à une autre femme, car il n'a pas d'obligation de soins.

" En France, 129 femmes ont été tuées en 2013 par leur partenaire ou ex-partenaire intime ".

- Toutes les citations du livre sont en caractères gras et rouge -.

" Dans la pathologie de l'oppression, c'est certainement l'agent de l'oppression qui doit être analysé et transformé.C'est lui le responsable du développement et de la propagation du mal. "
Ty Grace Atkinson - Odyssée d'une Amazone

4 commentaires:

  1. Il est déjà difficile de faire reconnaître les violences physiques, mais pour les femmes dont les conjoints se contentent d'en rester à la manipulation et aux violences psychologiques c'est parfois plus difficile d'être prises au sérieux et trouver du soutien. Ce n'est pas rare qu'on leur dise qu'elles ont tout pour être heureuses, etc, sans se douter qu'elles sont des âmes captives.

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    1. Oui, pas mal apprennent à ne pas laisser de marques (c'est le cas dans le témoignage ci-dessus, il tape la tête aux endroits des cheveux, il la traîne par les cheveux...) et bien sûr, la violence psychique, la dévalorisation permanente aggravent les processus de destruction. Et c'est difficile à voir. Surtout quand les gendarmes se désintéressent de la question. C'est "privé", disent-ils.

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  2. http://www.sibillemariejose.com/2015/11/journee-de-la-violence-faite-aux-femmes-vive-sainte-catherine.html#ob

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    1. Si votre Catherine est de Sienne, je crois que c'est une fausse sainte. Elle aurait été créée par les pères de l'Eglise pour remplacer le culte voué à Hypatie d'Alexandrie, la mathématicienne philosophe grecque lynchée par Cyrille pour cause d'insoumission à sa croyance obscurantiste. Et refus de plier devant les mâles, ce qui est encore pire. Le 25 novembre journée dédiée aux violences de genre viendrait des trois soeurs Mirabal, assassinées par le régime de Trujillo et ses escadrons de la mort, selon ce lien en espagnol :
      http://www.ideal.es/sociedad/201511/25/celebra-internacional-contra-violencia-20151125165619.html

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