mercredi 11 novembre 2015

Des femmes riant seules avec des salades !

Je vous propose aujourd'hui la traduction d'un billet du blog Vegan Feminist Network " Women laughing alone with salads", blog administré par Corey Wrenn.


" Vous les avez vues des centaines de fois. Vous savez, la dame croquant dans une salade, les yeux brillants. Tête rejetée en arrière avec une jubilation hystérique, elle est surprise par le glorieux mélange de végétaux qui agrémentent son assiette. Le tract promotionnel de votre coopérative locale d'alimentation naturelle en est orné. Le site web de votre chaîne d'épicerie les utilise. Ainsi que les affiches sur les murs de la salle d'attente de votre médecin. Des tonnes d'organisations véganes les utilisent. Zut, je parie que si je vérifie bien, j'en ai probablement montré une pour illustrer un des billets de ce blog au moins une fois.

Des stocks de femmes... assises seules... avec une salade tellement hilarante, qu'elles ne peuvent s'empêcher d'exploser de rire et de délice.

L'absurdité de ces images a attiré l'attention d'Internet, avec pour résultat des imitations : une page Tumblr, et même une pièce de théâtre.

Manger une salade n'est pas particulièrement drôle. Ça induit rarement l'extase. Habituellement, c'est plutôt une expérience difficile consistant à introduire maladroitement des feuilles de laitue ans votre bouche. C'est souvent insatisfaisant : trop ou pas assez d'assaisonnement. En réalité, vous craignez qu'un bout de laitue reste coincé entre vos dents, et ça vous empêche de sourire d'une oreille à l'autre entre chaque bouchée. En général, manger de la salade est une activité ennuyeuse et ordinaire.

Quand votre salade n'arrête pas de faire des plaisanteries :
Mais manger de la salade est une activité de femme, et comme telle, elle doit être accomplie de façon à raconter une histoire particulière qui a une fonction quand on l'observe et la documente.

La théorie féministe végane nous dit que la nourriture -ce que nous mangeons et comment nous le mangeons- est fermement enracinée dans des normes de genre. La consommation de légumes (avec la salade comme omniprésent cliché) est un comportement hautement féminisé. Les codes publicitaires genrés montrent aussi de façon régulière une hyper émotivité chez les femmes. D'où découle qu'elles y sont portraiturées avec des réponses émotionnelles extrêmes et inappropriées. Ces représentations ajoutent l'émotivité, l'infantilité et l'immaturité, à l'habituelle compréhension culturelle de la féminité. Ces images renforcent le statut de subordination des femmes. Apparier des femmes hyper-émotives avec des nourritures hyper-féminisées compose une parfaite iconographie sexiste.


Bien sûr, on m'a opposé l'inévitable argument "les hommes aussi". Vrai, on nous montre des hommes s'excitant légèrement avec des salades, mais soyons honnêtes, ils sont moins fréquemment dépeints riant la tête rejetée en arrière, en sous-vêtements ou enceint.es ! La frivolité genrée de la consommation de salades est terriblement une affaire de femmes.


Quand on nous montrera des hommes -scénario improbable- mangeant une salade, prostrés dans un lit, en string blanc, alors, OK, on en reparle.

Ce billet est reposté simultanément sur le blog du Corey Wrenn. Je l'en remercie.

Corey Wrenn est professeure de sociologie et activiste éco-féministe de la cause animale. Elle anime le Vegan Feminist Network et Human-Animal Studies Images, entre autres activités.

16 commentaires:

  1. C'est affreux, je n'avais jamais fait attention à ça, mais maintenant que tu en parles, je ne regarderai plus jamais une photo de salade de la même manière!

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    1. Ça fait peur, hein ? Les femmes et les salades (au propre comme au figuré), une longue histoire...
      :D
      Plaisanterie à part, il s'agit d'un vrai matraquage culturel, et de dressage social.

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    2. Je viens de le voir, au fait, merci pour le partage sur SeenThis !

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    3. Un peu d'humour autour de ce cliché femmes/salades, lors d'un épisode d'une série que ma mère regarde un avocat/procureur apporte le déjeuner pour sa collègue et lui, une salade pour elle, un gros sandwich pour lui. Elle le regarde, lui fait tout un discours sur sa présomption sexiste qu'en tant que femme, elle mange forcément de la salade et part avec le sandwich, le laissant contempler la salade avec un air désespéré.

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    4. Le dysmorphisme de l'espèce (femme petite, homme grand, devenu standard culturel) viendrait de cette propension à affamer les femmes : on peut largement manger à satiété avec un menu végétarien composé de différentes céréales et légumineuses, mais la feuille de salade verte correspond mieux aux injonctions patriarcales sur la minceur idéale aux femmes, voire la maigreur, qui afflige les mannequins de haute couture. Et on vient nous parler de naturel à propos des principes de table chez les humains !

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  2. J'avais jamais fait le lien entre les photos de femmes et salade et cet hyper-émotivité. J'ai pas mal de documentation sur le virilo-carnisme, sur seenthis, à suivre par ici http://seenthis.net/tag/virilo-carnisme
    Je me dit qu'un tag pour documenté le #femino-végétarisme s'impose.
    Merci pour cet article @Hypatie et merci pour ton blog et ta sororité.

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    1. Oui, c'est le SeenThis du Monolecte ! La photo du petit garçon avec le brocoli montre que ça gagne les garçons, quoique là, c'est un enfant.
      Merci pour le lien : je suis passée un peu vite sur les réponses ce matin, je vais explorer à fond, il y a un lien intéressant vers un blog vegan libertaire rennais. Merci aussi pour ton intérêt pour mon blog et pour ton commentaire.

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  3. Tout à fait, je suis végétalienne et pas vraiment un idéal de minceur. J'avoue que le fait que je préfère les burgers et les plats en sauce à la salade n'aide pas :p

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    1. Moi pareil. Je connais des vegan filiformes voire ascétiques, mais pas mon cas. J'adore les pâtes et le riz :D

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  4. Merci beaucoup pour cet article qui permet de se rendre compte à quel point certaines choses ne nous choquent pas, alors même qu'on essaie de rester vigilantes ><

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    1. C'est aussi le rôle des féministes de déconstruire les mythes et injonctions patriarcales ;))

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  5. Merci de dénoncer ces stéréotypes débiles !

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  6. C'est plus ou moins dans le sujet.... Mais cest surtout la pub de Tena qui me choque.... Vous savez la femme cinquantenaire, encore pas mal, qui a une serviette pour fuite urinaire , qui se tord la cheville en sortant de la voiture
    le charmant et bel homme qui l'aide à se relever sans rien voir parce que malgré quelle se retrouve les fesses à l'air la serviette reste discrète... Beh on n'a jamais vu de pub pour les protections masculines.... Pourtant ça existe.... Du coup voila, je commence a voir ce genre de choses et a y faire attention.... C'est désolant.... Merci de le dénoncer!

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    1. Je n'ai pas trouvé la pub en question mais d'autres : les femmes sont toujours infantilisées ou humiliées dans les pubs, rarement en contrôle ; j'ai trouvé une pub américaine pour Tena Hommes : elle est ridicule d'allusions au contrôle et au pouvoir par un mec qui donne des ordres à tout le monde et qui marche sur l'eau. Voici le lien
      https://www.youtube.com/watch?v=324jDmadRUQ

      C'est la "stratégie des 1000 coupures", une guerre d'attrition : des petits coups de canifs sans arrêt dans les mollets ne tuent pas, mais affaiblissent durablement et empêchent de courir. C'est le but du système patriarcal. Réduire les femmes.

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  7. Pourquoi ne pas utiliser le sexisme le plus primaire et le transformer en force? Du style: "Les femmes ont quelques milliers d'avance sur les hommes, ou plutôt sur ces hommes-là, puisqu'elles ont compris bien avant eux - voir couverture de Causette novembre 2015 - que manger de la viande rend vraiment crétin en plus de détruire la planète ... Et pour tout vous avouer, je m'éclate vraiment devant les salades composées et la beauté des vieux légumes (regardez les panais par exemple, et passez une journée délirante).
    www.sibillemariejose.com

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    1. Ils font la guerre, ils tuent des animaux (chasse, élevage, pêche, combats de bêtes...) et les mangent. Ils nous font passer ça pour le summum de la civilisation : inversions patriarcales comme toujours.

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