samedi 20 novembre 2010

Travaux publics, bricoles, bricolos, bricolage...

Été et automne : l'enfer en ville.


Attention : travaux ! Casque de chantier obligatoire.

Lors du débat sur les retraites, on a beaucoup parlé du "travail invisible" des femmes. Je me demande si en plus d'être invisible, il n'est pas aussi inaudible. Jugez-en d'après le boucan, les nuisances sonores et les pétaradages divers occasionnés par le travail masculin :

Forages, tailles d'arbres en topiaire sur des avenues entières, réfections de façades, implantation de grues, tontes de pelouses desséchées, taille de bordures, taille de haies, pose ou dépose de stores, éventration de rues, construction d'immeubles de bureaux -peu importe qu'il y en ait de vides partout, neufs et anciens, l'idée c'est d'occuper l'espace et de réduire la biodiversité "pullulante" !- démolitions, pose de câbles souterrains, rebouchage de trous, essais d'hélicoptères et d'avions de combat, ma liste n'est pas limitative et peut être complétée. La chute des feuilles en automne va voir arriver les souffleurs masculins qui ont avantageusement remplacé le balai, trop féminin sans doute. Je me suis laissé dire que le pictogramme "femme" en mandarin s'écrit comme "homme" mais en lui rajoutant un balai !

Si dans votre quartier, vous voyez arriver ça :


Ou ça 
vous pouvez commencer à vous faire des cheveux...et éventuellement demander asile à la famille ou aux amis. Vous savez quand elles arrivent, mais pas quand elles partiront, les managers des entreprises de travaux publics n'ayant pas l'habitude ni la courtoisie de s'excuser de la gêne occasionnée avec date de début et de fin du supplice ! Ils sont sûrement persuadés que, puisqu'ils œuvrent pour le bien public (ce qui reste à prouver), ils n'ont pas à s'excuser !

Mais le pire c'est vraiment ça :

La simple vue dans le quartier de ce bras articulé à nacelle, engin érectile qui monte, descend, se déplace, balance à droite et à gauche, se replie en position de repos, pendant qu'un homme (je n'ai jamais vu de femme l'actionner, il doit pourtant y en avoir quelques-unes dans les travaux publics, je veux dire AILLEURS qu'à la compta ou au secrétariat ?) manipule le panneau de commande électronique dans la nacelle, me fait devenir nerveuse au point d'appeler tous les syndics de gestion d'immeuble dans un rayon de 2 kilomètres pour savoir d'où ça vient et surtout QUAND ça s'en va ! Il sert à tout (donc à rien) : nettoyer des vitres, ravaler une façade, changer un store dont le boitier est extérieur, monter et descendre des charges, démonter une grue ; il fait un potin monstre et fume des vapeurs délétères qui empuantissent l'atmosphère ! J'en ai subi un pendant des semaines pour un ravalement de 150 mètres de façades dans mon quartier et une employée de l'agglomération devant mon exaspération m'avait répondu que "dans certains endroits il est impossible de monter des échafaudages" ! Sur du bitume et en ville : si ça ne s'appelle pas se moquer du monde ! Évidemment, après ce traitement, j'ai développé une espèce de syndrome post-traumatique qui fait que quand j'en vois un, j'ai du mal à rester calme. 

Voici l'automne, voici le souffleur-broyeur :



Chez moi, ils passent (ça doit être planifié 6 mois à l'avance -après tout les saisons sont fixes) juste après des pluies diluviennes de hallebardes, de cordes ou comme disent les anglais, de chats et de chiens pendant trois jours et que les feuilles sont bien incrustées dans le bitume !

Chaque saison à son instrument : l'été, c'est le taille-haie, plus bénin, mais tout de même :

 
N'oublions pas les machines qui font des carottages et des éventrations de sous-sol, ni les compresseurs qui fournissent l'énergie nécessaire.



J'ai lu dans la presse que pour faire pièce à la récession (causée faut-il le rappeler par des garçons -99 %- qui perdent leurs nerfs en la jouant Game Boy en compétition imbécile entre eux dans les salles de marché des banques -et, mauvaise nouvelle, RIEN n'a changé, ils spéculent en ce moment à la hausse sur les prix des matières premières blé, riz, soja qui constituent la ration alimentaire des femmes du Tiers-Monde et accessoirement la mienne !), les collectivités locales ont carte blanche pour soutenir le bâtiment et les TP en faisant toutes sortes de travaux, y compris en s'endettant. Chez moi, c'est clairement le cas, et avec une solide mentalité de chambre de commerce à la Homais, le pharmacien de Madame Bovary ! Interrogés toutefois sur leur capacité à prendre en compte l'environnement, j'apprends que oui, le Grenelle de l'environnement leur impose de faire du développement durable ; ils sont conscients de leur emprise sur l'espace en construisant des autoroutes et des voies de chemin de fer et ils font tout pour réduire cette emprise ; je dirais de prime abord comme ça que ça ne saute pas immédiatement aux yeux !

Je ne suis pas la seule à me plaindre : Virginie Despentes qui vit à Barcelone décrit dans Apocalypse bébé la frénésie travaux de la ville en prétendant qu'on y éventre les trottoirs juste pour voir ce qu'il y a dessous ! "Boucan intense, écrit-elle, les gens klaxonnent à tout bout de champ, des machines extravagantes éventrent les sols et exhibent les entrailles de la ville, à grand renfort de bruit. Ça ressemble à une coutume locale". 
Non, ce n'est pas local, c'est universel de mon point de vue. Ça ressemble à un désordre mental, une psychonévrose en phase maniaque (euphorique) ou à un syndrome de toute puissance : lutte contre la Nature leur ennemie, méchante qui ne nous veut pas de bien (Luc Ferry dixit) et qu'il faut dominer comme la Terre, les femmes et les animaux ! Cela doit mettre du baume sur ce qu'il faut bien appeler leur frustration congénitale : prouver qu'ils maîtrisent les éléments.

Quand on a tout essayé sur terre pour détruire les nerfs des électrices, il reste l'avion de chasse :


Il suffit de cliquer ICI pour voir les dégâts qu'en temps de paix, il provoque !

L'hiver promettant (la "crise" n'est pas finie contrairement aux adeptes de la méthode Coué) sa ration de décibels au moins égale voire supérieure à celle de cet été, il reste éventuellement la solution de se réfugier sous un cairn préhistorique ?



Dans "Stratégies de la framboise" Editions Autrement, une mine décidément, voici ce qu'écrit Dominique Louise Pélegrin (page 32) à qui je laisse la conclusion : "... ce jardin-là était extrêmement bruyant. Outre la pompe qui crachait du décibel en montant l'eau du puits le soir, on y trouvait une tondeuse électrique ahurissante construite à partir d'un moteur d'hélicoptère. Mon père était le genre de type capable de récupérer dans les poubelles d'un aéroport de quoi fabriquer une tondeuse, il avait tendance à toujours repartir de zéro, fabriquait ses outils lui-même, en commençant par la table sur laquelle il allait les visser, percer, couper, souder, marteler, et tutti frutti, en appelant de temps en temps l'un d'entre nous pour l'aider. J'ai lu bien plus tard que des tronçonneuses ou des tondeuses silencieuses ne se vendraient pas plus que des marteaux-piqueurs insonores. Les activités masculines ne valent que si elles sont signalées à l'admiration des foules par un niveau sonore adéquat".

Crédits photos : divers catalogues de machines et matériaux.

4 commentaires:

  1. Trop bien ton article ! Il ne se passe pas un jour depuis que les feuilles tombent des arbres en cette saison que je ne peste contre ces ridicules souffleuses hyperbruyantes et polluantes dont la stupidité n'a d'égale que les nuisances.
    Ou est passé le bon vieux rateau et pourquoi ces gens nous em... avec cet outil de cauchemar pour aller ensuite faire du "fitness" dans un centre de remise en forme parce qu'ils n'ont fait d'autres mouvements de la journée que de diriger une souffleuse pour qu'elle souffle dans la bonne direction tandis que manier un rateau leur aurait fait le plus grand bien et aurait épargné nos oreilles et nos poumons ?
    Et bien sûr pour tous les travaux que tu cites, c'est le même topo. Aussi inutile que nuisible. A croire que le mâle veut nous prouver par là combien il est lui-même inutile et nuisible. Si c'est ca, il y réussit à merveille !

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  2. Très juste ce billet, il faut qu'on les voie ET qu'on les entende. Ca me fait penser aux cyclos que les jeunes hommes trafiquaient, lorsque j'étais jeune moi aussi, pour qu'ils fassent plus de bruit dans les rues. Plus tard, c'est leur voiture qu'ils veulent bruyante par l'intermédiaire du moteur, du pot ou du sound-system installé qui projette une espèce de "musique" dont on n'entend que les basses et les percus. Bruyants et fatigants ...

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  3. Le cantonnier de mon village a un bon vieux balai pour les feuilles, qui de toute façon seront soufflées ailleurs au moindre coup de vent (90 km/h hier). Ca lui permet de taper la discute tout le long des trottoirs avec les gens qui passent:)

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  4. @ Héloïse : ça doit combler un vide existentiel...

    @ Euterpe et Angèle : tout a fait justes vos remarques, le souffleur est polluant, empêche les articulations de fonctionner et vous coupe du public ! Pire, il se le met à dos quand on vous a envoyé un gros nuage de poussière dans les naseaux parce qu'on ne vous a pas vue et entendue arriver !

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