mercredi 30 mars 2011

Femmes puissantes à Hollywood

Hollywood va fêter son 100ème anniversaire : la Compagnie UNIVERSAL a été créée en 1912. C'est l'occasion de rendre hommage aux femmes de l'Industrie du cinéma américain qui n'arrivent plus à tourner dépassé 40 ans, hormis quelques exceptions qui confirment la règle : après 40 ans, votre sex appeal est dévalué, et la carnivore Hollywood préfère la chair fraîche. Je vais donc faire volontairement l'impasse sur les symboles sexuels : tout le monde les connait, c'est un rôle parfaitement convenu pour les femmes. Je précise aussi qu'il y a une différence historique fondamentale entre le cinéma américain et le cinéma français qu'il vaut mieux connaître pour apprécier les femmes productrices : le cinéma français est un cinéma de metteurs en scènes et le cinéma américain est un cinéma de producteurs : aux USA, le final cut (montage final) appartient aux producteurs tandis qu'en France, le metteur en scène garde jusqu'à la fin la haute main sur son film.  : exemple Blade Runner, chef d'oeuvre de Ridley Scott de 1982, dont la ridicule fin sortie en salle, imposée par la production, est désormais remplacée sur tous les DVD par le director's cut très noir voulu par Ridley Scott. Personne ne le regrette.  

Les mythiques : Greta GARBO est la Reine Christine (Rouben Mamoulian - 1933) : Typique film d'actrice, voulu par Garbo avec la complicité de son metteur en scène pygmalion, l'extrait de la fin ci-dessous, montre une Reine Christine androgyne par la coiffure et les vêtements, qui se relève vite après quelques larmes sur la mort de son fiancé (John Gilbert, qui a laissé moins de trace dans l'histoire du cinéma que Garbo) et va de
l'avant : "la mer est haute et le vent est avec nous" dit-elle en se mettant à la proue du navire !


Garbo, Greta (Queen Christina)_01 par lunwe

Marlène Dietrich et Joseph Sternberg dans The scarlet empress (L'impératrice Rouge 1934) : film d'actrice voulu par Dietrich et tourné avec la complicité de Joseph Von Sternberg, son réalisateur pygmalion et fétiche. Marlène Dietrich réglait elle-même les lumières du plateau, car elle s'estimait seule compétente sur la manière dont son visage prenait la lumière. Dans cette scène, elle passe en revue les troupes russes, et s'adresse aux soldats :



Les entrepreneures ou entreprenantes :
Mary Pickford (1892 - 1979) contribue à créer la compagnie United Artists avec Charles Chaplin ; elle est actrice, scénariste et productrice.


Ida Lupino (Ci-dessus crédit photo IMDB) : vous l'avez inévitablement vue dans High Sierra de Raoul Walsh avec Humphrey Bogart. Une magnifique blonde à tête bien faite. Une pionnière : au début des années 40 du XXème siècle, elle écrit, réalise et produit ses films ! J'adorais la voir à la télé dans le cinéma de Minuit de France 3 quand il n'était pas relégué à une heure du matin, programme à qui je dois une grosse partie de ma culture cinématographique pour ce qui concerne le cinéma d'avant les deux guerres, et celui des années 50 et 60.


Sigourney Weaver avec Ridley SCOTT : la série des Alien, dont Weaver rachète les droits pour exploiter et arrêter à son gré "la franchise". Inutile de vous dire qu'il n'y a qu'UN SEUL Alien : le 1er épisode, celui de Ridley Scott, sorti en France en 1979. Chef d'œuvre absolu à plusieurs niveaux de lecture : science-fiction, suspense et terreur pour les deux plus immédiats, mythologique, sexuel, symbolique et psychanalytique. Alien, le 8ème passager, titre erroné parce qu'il y a 9 passagers : le spectateur est bel et bien embarqué dans le vaisseau infernal avec l'équipage et le monstre. J'ai lu plusieurs fois que Ridley Scott (gros macho anglais qui a quand même mis en scène Blade Runner et Thelma et Louise dans les années 80 - en fait Scott est un génial metteur en scène des années 80, depuis il s'est enlisé dans des films plus conventionnels, hélas pour nous-) Scott donc, voulait un héros mâle pour jouer le rôle de Sigourney ; elle se serait imposée à force de le harceler tellement elle tenait au rôle. Et pour notre chance, elle l'obtient. Débarrassées que nous sommes donc de l'inévitable Bruce Willis, de son marcel maculé de cambouis à auréoles de sueur sous les bras, il va de soi que cela change tout : seule survivante parmi l'équipage (avec un chat !) de la redoutable bestiole qu'on ne voit jamais, elle terrasse le dragon après avoir, en qualité de commandante du navire, été trahie par un infernal robot à visage humain. Le monstre Alien, qui a besoin d'une gestation, a été ramené et accouché par un homme après un voyage hallucinant dans les décombres d'un vaisseau spatial imaginé par l'auteur français de BD Moebius ; toute la symbolique sexuelle est à l'envers : c'est une femme qui terrasse le dragon et c'est un homme qui accouche du monstre ! Jouissif. Sans Sigourney, Alien n'aurait été qu'un film SF catastrophe de plus, le tout venant de la production hollywoodienne.


Jodie Foster : actrice, productrice et metteuse en scène, Présidente du Jury des Césars 2011. Tout le monde se souvient de son époustouflante prestation dans Le silence des agneaux de Jonathan Demme en 1991 et de l'actrice de Taxi Driver de Martin Scorsese. Même si les films qu'elle dirige ou produit n'ont pas laissé une trace impérissable aux yeux des cinéphiles, elle fait honnêtement le boulot en refusant les rôles de poupées faire-valoir du héros. L'héroïne, c'est toujours elle. 

Les metteuses en scène :
Katrine Bigelow : Metteuse en scène de The hurt Locker, en français Démineurs, le dernier que j'ai vu.  La guerre vue par une femme qui dirige des hommes derrière sa camera. Je l'ai vu un après midi où je me suis fait deux toiles, ça permet de comparer ; je l'ai vu juste après District 9 de Neill Blomkampt (2009) : les critiques "vendaient" District 9 comme une métaphore du racisme car des extra-terrestres arrivent au-dessus de Johannesburg et demandent l'asile à la terre. Les terriens les enferment dans un camp-ghetto, genre township de Soweto où les étrangers doivent affronter le racisme des terriens. Le film évolue vers une guerre de libération avec gros guns phalliques et pétaradages assourdissants de mitraillettes, très pénibles quand on n'est pas un ado épileptique habitué aux jeux vidéos ! Je n'ai pas aimé.  En revanche, le film de Bigelow montre la réalité de la guerre en Irak avec des garçons qui risquent leur vie à chaque fois qu'ils désamorcent une bombe ; elle montre que la guerre n'est pas un jeu vidéo mais du sang et des tripes, et que les mecs appellent leur mère quand ils perdent un bras ou une jambe ! Plus tard elle montre la difficulté de réinsertion dans la vie de tous les jours de garçons shootés à l'adrénaline qui n'arrivent plus à mener une vie civile normale. Un vrai film solide sur la réalité de la guerre. Ses autres films les plus populaires : K19 le piège des profondeurs et Point break. Il faut remarquer qu'elle ne dirige que des hommes.


Sofia Coppola (photo ci-dessus). Metteuse en scène et fille de son père Francis Coppola ; elle a été élevée sur des plateaux de cinéma ; quatre films, deux chefs d'oeuvres selon moi (je n'ai pas vu Somewhere donc je n'ai pas d'avis !) :  je n'aime pas Virgin suicides où alors je suis passée carrément à côté de son charme, mais Lost in translation qui se passe à Tokyo et Marie Antoinette, film pop avec de la musique rock, sont deux grands films d'auteure.

Ma liste n'est certainement pas exhaustive, je donne mes préférées de façon totalement subjective. Elle peut sans doute être complétée. Mais dans ce milieu machiste, elles sont rares et sans doute doivent-elles faire de gros efforts pour s'imposer et durer. Je suis désolée de ne donner que la référence imdb, mais il n'y a pas d'équivalent en français de cette irremplaçable base de données du cinéma.

8 commentaires:

  1. Merci pour ces éclaircissements sur le fonctionnement des cinémas américains et français. On s'explique mieux du coup le style convenu et prévisible d'une grande partie des productions étasuniennes.

    Il n'est jamais bon que celui qui a l'argent soit aussi celui qui opère les choix artistiques. Dans le même ordre d'idées (argent/création), le mécénat d'entreprise, boosté par la loi Aillagon en France, est une plaie pour la création et l'indépendance artistique qui se voient contraintes aux compromis et à la standardisation voulues par celui qui a l'argent et qui n'a pour seul objectif que la rentabilité.

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  2. A Hypathie : comme Héloise j'apprécie tes infos sur le fonctionnement des réalisations/productions de film. Très intéressant.
    Et puis belle galerie de femmes qui donnent la pêche. Sigourney Weaver est ma grande préférée.
    Le film de Coppola "Somewhere" bof bof...il laisse un impression rare mais en même temps quel vide ! Mais c'est ce qu'elle a voulu représenter, en fait, et on voit qu'elle connaît le propos.
    Qu'un homme joue les accoucheurs de monstre, c'est bien normal. Fukushima, n'est-ce pas le genre de monstre dont savent accoucher les hommes?;)

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  3. @ Héloïse : à la genèse du cinéma américain, il y a la vision artistique des grands producteurs, -sans eux, pas de DW Griffith, pas de Fritz Lang...-, espèce sans doute en voie de disparition aujourd'hui. Et si ces femmes se lancent dans la production, c'est parce qu'elles refusent les rôles convenus et les carrières courtes. En France, elles deviennent metteuses en scène.
    @ Euterpe : j'aime beaucoup S Weaver aussi et Jodie Foster. On ne les voit pas assez à mon goût. Lost in translation aussi filmait l'incommunicabilité, l'ennui et le mal du pays, et pourtant on avait tout-e-s l'impression d'avoir vécu cela, d'où cette sensation d'universel ! Pour cela, je serais volontiers allée voir Somewhere.
    Oui, Fukushima est monstrueux...

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  4. Merci à Marie Favre, 9ème membre de mon blog.

    http://lecouplemixte.blogspot.com/

    http://cinquantainerayonnante.blogspot.com/

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  5. J'essaie encore de laisser un commentaire. J'ai comme l'impression que Blospot les refuse souvent.
    Je voulais juste te dire que dans Johnny Guitare, le merveilleux rôle féminin m'avait marqué quand j'étais ado. Je crois que l'actrice était Joan Cawford (un nom approchant).
    Et puis je viens de découvrir un blog où une pétition est à signer sur l'avortement:
    http://blog.entrailles.fr/

    ps: je viens te lire assez souvent, j'espère que mon commentaire passera.

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  6. @ hébé : ton commentaire passe parfaitement ! Et dans Johnny Guitare, c'est bien Joan Crawford qui joue le rôle féminin, bravo la culture cinématographique ! http://www.imdb.com/title/tt0047136/
    La pétition des "filles des 343" est relayée par Mademoiselle (blog.entrailles.fr) et par plein d'autres blogs féministes. Et encore merci de ton intérêt pour mon blog.

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  7. Très intéressant. Je ne connaissais pas la moitié des noms cités, il faut dire que je retiens très difficilement les noms des "vedettes". Ça me donne un autre aperçu des films en question, surtout Alien, qui aurait été en effet un navet de plus si on nous avait servi une nouvelle fois un Bruce Willis...

    Par contre votre acharnement contre les jeux vidéos et les stéréotypes complétements faux que vous faites passer, je ne comprend pas.

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  8. @ Thom : je suis une cinéphile mordue au point de reconnaître l'auteur d'un plan d'un film que je n'ai jamais vu, s'il est d'un metteur en scène que je révère, ex : Scorsese. Je n'ai rien contre les jeux vidéo, je n'ai pas aimé District 9, ses crépitements de mitraillettes, et je maintiens, ses gros guns phalliques. Depuis Stendhal, son héros Fabrice Del Dongo, et sans doute avant, on sait que la guerre n'est pas jolie. Merci de votre commentaire.

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