mercredi 5 mai 2010

Publicité CHARAL : sexisme




Actualisation 9/5/08 :
Chez Luce lapin, de Charlie Hebdo, on peut aller voir le travail d'un photographe italien : attention, photos dures mais indiscutable travail d'artiste ICI (scroll down) !

"La mère lionne"
publicité Charal est de retour sur les écrans : voici son slogan "D'instinct une mère sait ce qu'il y a de meilleur pour le plus grand des carnivores !".


Pub Charal La Lionne - Coupsdepub.com par coupsdepub

Ce sont les mamans qui font les courses et la cuisine selon Charal ; le fait résiste bien historiquement et culturellement alors qu'une immense majorité de femmes occupent des emplois salariés et travaillent à l'extérieur ; ils jouent donc sur l'instinct de la mère, renvoyant pour ce faire les femmes à la nature, procédé vieux comme le monde, et ce sont les garçons (forts et musclés selon les codes de la société, en tous cas de celle dans laquelle Charal pense vivre, car il n' y a que des garçons qui passent à table dans ses films !) qui doivent manger de la viande, la prescription est moins impérative pour les femmes ; j'en veux pour preuve que lorsqu'on milite pour le végétarisme, on entend de la part des femmes l'objection permanente qu'elles seraient bien volontiers végétariennes s'il ne tenait qu'à elles mais elles "ne sont pas seules à la maison, elles ont des garçons qui font du sport !" (Je précise que c'est elles qui viennent nous le dire librement et spontanément sur nos stands et tables d'information). Ce qui me fait dire que l'idée que les femmes auraient moins besoin de manger que les hommes alors qu'elles portent les enfants et les nourrissent au sein dans pas mal d'endroits encore, est une idée très ancrée culturellement ! Et qu'en plus d'être cantonnées à la cuisine, elles ne sont pas maîtresses du lieu car elles doivent s'y farcir (ça m'a échappé !) les diktats culpabilisants de ceux qui savent mieux qu'elles ce qu'il convient d'y préparer ! Un comble !

Donc, comment persuader maman d'acheter de la viande aux garçons de la maison alors qu'elle-même serait plus tournée (toujours selon Charal) vers les légumes, les céréales et les légumineuses largement pourvues en protéines d'excellente qualité, soit dit en passant (selon moi,
cette fois) ? Mais en jouant sur son "honneur" de cuisinière, et son "instinct" de nourricière, responsable comme sont réputées être les mères lionnes !

La notion d'instinct est utilisée, alors que l'instinct maternel est largement contesté chez les humains en arguant par exemple, que chez les aristocrates des siècles passés, les femmes se payaient les services de nourrices, faisant du nourrissage maternel une question culturelle, adaptable selon les époques, les classes sociales et leurs prescriptions.


Mais ce n'est pas le premier film ouvertement sexiste de cette compagnie abattoir qui a besoin de nous fourguer sa marchandise ; je me souviens parfaitement avoir vu et entendu "Si vous voulez changer l'homme, changez d'abord ce que vous mettez dans son assiette" où une femme passait l'aspirateur (décidément !), et surprise, trouvait planquées sous les coussins du canapé des quantités de capsules de bière ! Le sexisme ici, frappait explicitement femme et homme. C'est peut être pour cela que je ne le trouve plus nulle part ? Il n'est même plus sur le site de Leo Burnett !

Dans le film "La course", ici l'homme bat à la course un guépard (l'animal terrestre le plus véloce), et lui ravit sous les moustaches une gazelle qu'il chassait pour son compte. C'est évidemment ridicule, puisque le steak que mange l'homme prétendument carnivore a été tué par un employé d'abattoir dont il est content de ne rien savoir -bas salaire contre travail pénible, accidents du travail, troubles musculo-squelettiques, déconsidération sociale ; l'homme consommateur ne pourrait en effet, dans une grande majorité de cas, tuer un animal lui-même, hors conditions extrêmes de survie, et encore !
Les carnivores sont des prédateurs, mais des prédateurs discrets, ils ne tuent pas de façon industrielle : ils ne mangent que quand ils ont faim, le principe de parcimonie régissant leur prédation. Cet éloge permanent de la prédation (via la mystique des tueurs en série : dans la série de Canal + "Engrenages", qualifiée de prestigieuse par les critiques, j'ai entendu qu'on y trouvait des cadavres de prostituées pendues à des crocs de bouchers !) est irritant et dérangeant.

Les humains sont des omnivores et pas des carnivores : nos quatre petites canines récessives n'y peuvent rien. Et le régime omnivore nous laisse le choix : les vrais carnivores (panthères, lions, chats...) ne se bâfrent pas, ils ne sont pas obèses, leurs prises sont minimes et ils ne peuvent pas se mettre, sauf à subir une très longue adaptation, à manger des céréales et des radis ! Comparer les animaux et les humains est insupportable intellectuellement pour les deux espèces parce que c'est toujours péjoratif : traiter un humain d'animal est dangereux et annonciateur de désastres, et comparer un animal avec un humain est en général un acte spéciste (sauf chez certains peuples premiers animistes, nettement en voie d'assimilation ou de disparition, hélas).
Que Charal laisse les femmes choisir ce qui est bon pour elles, leurs familles, sans tenter de les culpabiliser, juste pour vendre sa marchandise ! Elles peuvent même choisir de déléguer les tâches cuisinières à quelqu'un d'autre.


Enfin pour être complète, le dernier film, plus bénin car hautement improbable "Trop tard", met en scène dans un film de style "Neuvième Porte" un homme que sa femme (!) a contraint au végétarisme, et qui le supplie de "ne pas faire ça" : se laisser tenter par un steak Charal. "Chaque jour des végétariens disparaissent à cause de l'excellent steak haché Charal" ! Absolument ridicule. Et sans doute moins efficace -on ne le voit jamais. Personnellement, je ne connais pas un seul végétarien, homme ou femme qui ait flanché, mais on ne sait jamais, je ne les connais pas tous.

Lien vers l'Agence Léo Burnett : les trois films
La mère lionne version longue
Trop tard
La course
(attention, créatif en diable, Leo Burnett, il faut se servir d'un gros crayon et cliquer avec !)

Et voici parce qu'elle fait du bruit, l'une des deux affiches que le PCF consacre à sa communication sur les retraites, affiche qualifiée de "brutale" par la plupart des commentateurs : on voit une fillette travaillant dans une boucherie. Confirmation à Charal qui nourrit plutôt les garçons ? La brutalité des boucheries ne convient pas aux filles et mieux aux
garçons ? Les garçons selon Charal n'auraient pas le droit d'être doux, empathiques envers les vivants y compris les animaux, omnivores, et peut être végétariens ? On peut se poser la question quand on sait que la publicité fonctionne par (vieux) stéréotypes et que la conception-rédaction n'y laisse jamais rien au hasard.



6 commentaires:

  1. pendant des millions d'années les hommes ont chassé et les femmes ont protégé leurs enfants. et Charal vend de la viande car c'est leur métier.
    Jje ne vois pas ou est le problème ?

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  2. "Pendant des millions d'années, les hommes ont chassé et les femmes protégé leurs enfants" ? Comment le savez-vous ? Personne n'est revenu vivant des millions d'années précédentes, on n'en sait donc rien, sauf qu'aujourd'hui encore, il existe des peuples premiers qui cueillent et ne chassent pas, et je trouve assez péremptoire de dire que les hommes ne protègent pas aussi leurs enfants ! Je n'adhère pas à cette division (actuelle et sans doute moderne) des tâches. D'autre part, le métier de Charal, c'est d'abord abattoir et on peut se désoler d'une telle consommation de viande promue par des publicités où il n'y a que les garçons qui passent à table, pendant que leurs mères les servent debout dans la cuisine, perpétuant ainsi les clichés les plus passéistes et sexistes. Les abattoirs Charal promeuvent, selon moi, une assez piètre image de leurs clients !

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  3. Les humains sont des omnivores et pas des carnivores écrivez-vous. C'est d'une part inexact et surtout laisse la porte largement ouverte aux consommateurs de viande qui se servent justement de cet argument pour s'autojustifier. Physiologiquement l'humain est frugivore, granivore, pas omnivore, pas plus de la vache avec les farines animales.

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  4. @ anonyme : Si vous lisez mon dernier billet (9/11), vous verrez dans les définitions que j'écris que les humains sont omnivores, ce qui leur laisse le choix (c'est quand même important d'avoir le choix !) du carnisme ou du végéta*isme : les humains ont un libre-arbître, ils sont doués de raison et ont une parole pour expliciter celle-ci (au contraire des animaux -en l'état actuel des connaissances, je préfère être prudente !) : je laisse de la place aux omnivores ; s'ils font le choix du carnisme, ils sont face à leur conscience vis à vis de la vie animale, de l'environnement, et donc de l'avenir de l'aventure humaine sur la planète.

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  5. je l'avais bien compris, mais je pense que les mots ont une force évocatrice puissante. Il y a donc une différence importante entre dire (par exemple) "les humains se comportent en omnivores" et "les humains sont omnivores". Un autre exemple de la force des mots: la pédophilie (aimer les enfants), je suis donc pédophile puisque j'aime les enfants. Or de plus en plus de journalistes y substituent le terme pédosexuel (plus proche encore qu'inexact) ou pédosexuelcriminel (mot exact) mais qui pour être plus évocateur de la réalité est moins médiatique.
    C'est donc une pécision, sans plus.

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  6. @ anonyme : d'accord avec la puissance évocatrice des mots ; justement, en français pédophile évoque clairement une perversion, et pas l'amour désintéressé des enfants. Il n'y a pas que les racines grecques ou latines que tout le monde ne connaît pas par ailleurs qui donnent sens à un mot, il y a aussi les règles d'usage.

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