jeudi 22 novembre 2018

La terreur change de camp - #25novembre

Quelques trucs pour se tirer d'affaires, et surtout cultiver son répondant.
Mon billet ne va pas être validé par les féministes libérales, ni par les féministes pop. J'assume.
Évidemment, ce sont les garçons qu'il faut éduquer à ne pas agresser, à ne pas violer, à ne pas se comporter en affreux toujours en train d'exhiber leur virilité toxique et ses différentes manifestations, surtout quand ils sont en groupe, et bien entendu, vis à vis des réputés plus faibles et vulnérables : femmes, gays, lesbiennes, roux, ... La société doit aussi ne plus tolérer le perpétuel incivisme des mâles au motif que boys are boys, boys will be boys, en français, les garçons sont comme ça, on n'y peut rien, maxime de ménagère accablée, sans conscience de classe, que j'ai entendue des milliers de fois. Mais les femmes doivent aussi apprendre à s'aider individuellement elles-mêmes, à se défendre et exercer leur assertivité. La terreur peut changer de camp. D'abord, parce que l'assertivité aussi trouble l'ordre social, elle dérange les rôles attribués aux genres. Une femme qui résiste et riposte est révolutionnaire. 


Selon l'excellente Docteure Muriel Salmona, la sidération de la victime, cette anesthésie incompréhensible par ceux qui pensent ne jamais avoir été agressé-es, s'explique par la rupture brutale du contrat social en un lieu où en principe ça n'arrive pas : dans la rue, quelqu'un -un homme dans 100 % de cas- hurle "SALOPE" en passant près de vous, ou se sort la nouille pour pisser contre un mur alors que vous allez passer. Dans un ascenseur ou une salle de réunion, le mec qui vous croyiez inoffensif vous agrippe le sein ou vous met la main entre les cuisses ; dans une chambre à coucher, le gentil garçon qui vous embrasse vous saisit par le cou et vous bloque, empêchant toute fuite, bien décidé à vous imposer ce à quoi vous ne consentirez pas ; toutes ces circonstances font que pendant plusieurs secondes, voire minutes, voire heures, en fonction de la gravité, de l'éloignement ou de l'intimité du geste, le temps que la victime accommode, réalise ce qu'il se passe, son premier réflexe étant de se figer dans l'incompréhension, l'agresseur va mettre à profit cette période pour pousser son avantage et imposer, ou s'en aller en triomphant.

Dans la rue, ça m'arrive régulièrement : dans le cas du mec qui s'aère paulo contre un mur, je tiens mon spray au poivre et je dis bien fort en passant auprès "alors, on s'aère la nouille ? les chiottes, c'est pour les pisseuses par pour les pisseurs ?", ou autres aménités, à l'inspiration du moment. Le mec ayant parié que les femmes n'ont aucun répondant va se pisser dessus. De toutes façons, il ne va pas vous courir après le zob sorti. Donc, allez-y, c'est un entraînement. Pareil pour les insultes à un mètre ou 10 mètres, moi je réponds, haut et fort. J'ai même couru derrière un, une ou deux fois. J'ai un stock d'insultes humiliantes -traduites de l'anglais, l'anglais est meilleur, plus explicite. Y a pas de raisons. Pour l'exhibo, généralement un lâche planqué dans une haie, qui sort sa bite molle et vous la montre, montrez-lui votre spray au poivre, en disant que vous aussi vous en avez une petite. Gazeuse la vôtre, mais justement, elle pique les yeux. N'attendez aucun secours, les mecs éventuellement témoins se cassent le plus loin possible, les femmes courbent l'échine et se barrent aussi, se pensant, mais quelle grossière, celle-là ! C'est ma faute évidemment : comme dit une de mes sœurs "mais où tu vas comme ça pour qu'il t'arrive des trucs pareils ?". "Mais dans les mêmes endroits en ville, rues, places, chemins de halages... où passent ces misérables, je paie les mêmes impôts qu'eux, bordel".

Dans la rue, les femmes sont généralement encombrées : de poussettes, de téléphones portables, de sacs à provisions, d'enfants, de kilomètres de tissus et de voiles... et elles n'ont toujours pas de poches. Le foulard a toutefois un avantage, bien serré et emboîtant, il permet de coincer un téléphone contre son oreille et de garder les mains libres ! Super, il double la productivité du travail domestique gratuit. De plus, les filles se parent des attributs de la féminité, vous savez ce truc qu'on perd comme un trousseau de clés. Talons aiguilles de 15 cm, jupes entravées... Oubliez la désinformation permanente sur la féminité, celle des féministes pop et des magazines féminins : non la féminité n'est pas puissante, elle est impuissance inculquée, rentrée dans la tête des filles à coups de tatanes, EXPRÈS encore ! Elle ne peut pas vous servir de paravent, ni de bouclier, pas plus que votre portable en disant que vous êtes en train d'appeler votre fiancé, ou qu'un enfant dans une poussette, un foulard signalant votre pudeur, ou un panier à provisions. Ces mecs veulent vous terroriser pour affirmer la suprématie mâle partout, en tous lieux, en toutes circonstances. Ils l'ont petite et sujette à pannes, ils veulent vous le faire payer, même, surtout, si vous êtes une passagère de hasard. Ne comptez pas non plus trop sur la Cavalerie : elle est surtout occupée à défendre les abattoirs des intrusions des, je cite, "extrémistes radicaux véganes", "djihadistes verts qui veulent nous interdire la viande", parole d'activiste pro-animaux. Je dois avoir une fiche S à la DGSI, depuis le temps qu'ils relèvent mon identité ! Traitement à comparer avec celui qu'ils me réservent dans les commissariats : mes plaintes sont rarement recevables, dommages pas assez sérieux, ils ont tant mauvais comportements masculins autrement graves à traiter.


On peut avoir suffisamment d'aplomb personnel pour prendre le RER B ou le métro un vendredi soir de match de footeux ventres à bière, en robe du soir et talons aiguilles, petite pochette à sequins, mais moi, je brouillerais le message : j'y ajouterais un élément discordant, une grosse clé à molette apparente, un pied de biche, ou mieux, un gros gourdin à clous. Le temps que ces andouilles qui perdent des pièces tentent de comprendre si c'est du lard ou du cochon, votre train est arrivé à destination, il se grattent encore l'occiput, ou quoi que ce soit d'autre.

Dans un ascenseur : bon, d'abord, évitez de le prendre avec cet autre ennemi de classe Maître Dupond-Moretti, parce que c'est vrai que ça fout la trouille ! 
Pour le reste, quand arrive une charrette avec 15 mecs dedans (je vous assure, ça m'est arrivé dans des centres d'affaires !) dites que vous allez attendre le prochain métro, vous n'êtes pas pressée à ce point-là. Le temps que les portes se referment, parlez-vous à vous-même et dites distinctement "mais c'est pas possible, c'est une attaque de clones ou quoi, il y a un nid dans le coin ?" Vous allez les entendre gémir, c'est bon à prendre. Les choses se corsent quand vous êtes seule avec un inconnu, ou même un collègue de travail dans un ascenseur. Moi je suis prête à tout (c'est un entraînement, les mecs ne sont pas, n'ont jamais été, ne seront jamais mes amis, je n'ai pas le cœur ni la confiance sur la main en ce qui les concerne) j'ai toujours un spray dans ma poche à portée de main. Paraître une femme castratrice a ses avantages. Ah oui, j'oubliais, très important : FAITES LA GUEULE partout, tout le temps, dans la rue, dans le métro, dans les couloirs de vos bureaux. Les mecs font la gueule, personne ne le leur reproche, faites pareil. Les femmes n'ont pas à sourire tout le temps, être bonnes filles ni bonnes camarades, les femmes ne sont pas les serpillières au service de tout le monde. Les femmes ont des contrariétés, des motifs de faire la gueule, bien plus que les mâles, donc les femmes font LA GUEULE, point. Et par pitié, ne rasez pas les murs, imposez-vous dans l'espace commun, urbain. Raser les murs signale la peureuse, celle que le prédateur remarque. C'est la jungle ? Alors, c'est struggle for life ! Mais écoutez vous aussi : votre instinct vous conseille le demi-tour ? Ecoutez votre instinct.

Évidemment, je ne suis pas en train de vous conseiller la grossièreté (quoique si on est grossier avec vous, vous avez le droit), ni le manque de solidarité : si on attaque quelqu'un-e devant vous, et que vous sentez que vous pouvez y aller, allez-y, volez à son secours, mêlez-vous du sujet, d'autant plus si ça ne vous regarde pas, la société crève de gens qui ne s'intéressent pas à leurs voisins et voisines. Le sujet de ce billet n'est pas la politesse mais l'assertivité.


Au travail :
A l'ombre de l'affaire Tron qui, selon les attendus du jugement qui l'acquitte (le Parquet vient de faire appel du jugement) il régnait à la mairie de Draveil une atmosphère sexuelle, sexiste permanente. Ça nous est arrivé à toutes : allusions graveleuses, sous-entendus, gestes déplacés, pervers manipulateurs qui tentent des trucs. Il n'y a rien de pire que le pervers, quand on en rencontre un, on a du mal à l'identifier. Pourtant il est identifiable : il change de ton brutalement, il fait des ruptures, il teste, il pratique la douche écossaise. Ça glace et fait perdre pied, c'est voulu. Comme en général, c'est un supérieur hiérarchique, l'atmosphère autour de lui est délétère, tout le monde file doux, tout le monde ferme sa gueule, tout le monde à peur, surtout les femmes, les mecs, eux, comme d'habitude, pratiquent l'évitement, la diversion : tu es sûre ? Je n'ai rien remarqué.
Si vous en détectez un, virez-le (si c'est votre petit ami) ou cassez-vous de la boîte -au besoin en signalant ses pratiques à l'Inspection du Travail ! Ils sont incurables, toxiques, ils vont tenter l'emprise et vous rendre malheureuse comme les pierres. Aucun compromis n'est possible.
En entretien de recrutement, exercice parfaitement codifié, on ne peut vous demander que votre CV, votre parcours, vos motivations, et vos prétentions. Rien de plus. Refusez tous les tests projectifs (portrait chinois s'appliquant à vous, rorschach, ...) : ce sont des tests utilisé en psychiatrie et psychanalyse, ils peuvent être déstructurants et débouchent souvent sur des analyses sexuelles hors contexte, ils n'ont rien à faire en RH. Si on vous demande combien est payé votre mari, si vous voulez avoir des enfants, pourquoi vous n'en avez pas eu, toute question personnelle ou d'ordre familial, rangez vos affaires, prenez congé, ou ne donnez pas suite. Ils ne s'amenderont pas, la boîte est sexiste, sans doute raciste et discrimante. Vous cherchez un boulot, pas une situation d'esclave. Utilisez votre période d'essai (elle n'est pas faite que pour les employeurs, tout le monde se teste) pour bien comprendre où vous avez mis les pieds. Pas mal d'entreprises sont cyniques et engagent des femmes parce qu'elles sont réputées moins chères et plus dociles parce que plus vulnérables. Résistez. L'assertivité paie, on vous reconnaîtra comme une femme de tête.


Voilà. Billet pas consensuel du tout. Le consensus, c'est la femme éternellement victime, pire : qui doit retourner au charbon même quand tout démontre que la mine c'est l'enfer. Évidemment, ces conseils sont inspirés de situations qui me sont arrivées, y compris celle du dirigeant pervers qui terrorisait les femmes, surtout celles réputées vulnérables. Je suis partie en tonitruant dans les couloirs, que mauvaise pioche, "je ne suis pas une femme qu'on moleste". Il a été traîné devant un tribunal quelques mois plus tard. Je n'arrive pas à m'ôter de l'idée que j'ai sans doute déclenché quelque chose, montré qu'il n'était pas intouchable. Les femmes ont le droit de se défendre. Quand les mecs seront devenus polis, on envisagera de faire la même chose. En attendant, si vous aimez les raouts attrape-tout (les enfants bienvenus, les hommes bienvenus, ... ;(( dissolvant toute idée révolutionnaire, vous pouvez aller manifester avec #NousToutes samedi 24. Site Internet pour trouver toutes les infos, compte Twitter pour les actualisations. Et  rappelez-vous :

Les femmes, c'est comme les pavés, à force de marcher dessus, on les prend sur la gueule !  
Slogan féministe révolutionnaire des années 70.

Les mecs morts ne sifflent plus les filles dans la rue !

Lien : Un précédent billet sur le harcèlement de rue et comment réagir
La première illustration provient du film Misery (1990), joué par Kathy Bates dans le rôle de l'héroïne, lui-même issu du roman éponyme de Stephen King (1987).

5 commentaires:

  1. J'aime bien ton article très rentre-dedans et inspirant ! Je découvre ton super blog en même temps :)
    Marcher la tête haute et avec détermination permet déjà de ne pas passer pour une victime. Pas plus tard que la semaine dernière, un mec m'a mis la main aux fesses alors que nous étions 5 (4 nanas et 1 mec, le mien) en rond à côté de la bouche de métro à Bastille. Je n'ai pas réfléchi, je lui ai couru après et je lui ai hurlé dessus, alors que mes ami·es n'avaient pas encore eu le temps de comprendre ce qui s'était passé ! Ça ne changera peut-être pas sa vision des choses dans l'immédiat, mais il n'est plus question de laisser faire de tels actes.
    Quant à l'impuissance acquise, je pense souvent au vernis à ongles (j'en ai mis pendant des années), que je perçois désormais comme un aveu inconscient : "je ne peux rien faire de mes mains".

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    1. Travailler son assertivité, indispensable :) Merci de ton passage et de ton commentaire :)

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    2. Avec plaisir ! Ton blog est une belle découverte ! Mais c'est dommage, je n'ai pas trouvé de "sommaire" pour aller fureter ici et là dans tes articles ?!

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    3. Pour fureter dans mes articles, il faut voir mon "nuage de libellés", dans la side bar à droite ====>
      Je fais en sorte de ne pas multiplier les libellés et de tout bien ranger :)
      Au fait, c'est indiscret de te demander comment, par quel lien, prescription ou recherche tu es arrivée sur mon blog ?

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    4. Aaah oui en effet, je n'avais pas vu le nuage de mots ! J'ai cherché "Simone de Beauvoir Le Deuxième Sexe avis" je crois ;)

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