La récente attaque terroriste (cela ne fait pas de doute) de Toronto par un masculiniste "incel" qui voulait se venger des femmes qui lui refusent l'amour, l'attention, et les services sexuels auxquels il croit avoir droit, faisant un nombre important de victimes femmes, implique qu'Alek Minassian désigne les femmes comme étant l'ennemi qui ne veut pas coucher avec lui. Infortuné "célibataire involontaire", il se venge, comme avant lui Marc Lépine et Elliot Rodger, respectivement tueur de Polytechnique Montréal en 1989 dont les femmes prenaient la place réservée, et le "gentleman suprême", auteur de la tuerie d'Isla Vista Californie en 2014. Les femmes n'auraient pas d'ennemis, mais les hommes oui, et ce sont ces satanées femmes subverties par le féminisme qui ne veulent pas coucher avec eux ! Je vous propose un texte écrit par Ti Grace Atkinson en 1969. Les femmes n'ont pas d'ennemis ? Il est peut-être venu, le temps de la clairvoyance.
DÉCLARATION DE GUERRE
" Almanina Barbour, une révolutionnaire noire de Philadelphie me disait un jour : "Le Mouvement des Femmes est le premier de l'histoire qui soit en guerre sans avoir d'ennemi". Je sursautai. Sa critique était pertinente. Je me creusai la tête, cherchant une réponse. Cet ennemi, nous l'avions sûrement défini à un moment ou à un autre, sinon qu'avions-nous cherché à abattre au cours de ces deux dernières années ? Avions-nous juste tiré en l'air ?
Deux réponses seulement me vinrent à l'esprit, mais en les cherchant je compris que la question avait été jusqu'alors soigneusement évitée. La première, et de loin la plus fréquente des réponses était "la société". La deuxième, moins fréquente et toujours furtive, était "les hommes".
Cette affirmation que "la société" est l'ennemi, comment faut-il l'entendre ? Si les femmes sont opprimées, il n'existe qu'un seul groupe qui puisse les opprimer : ce sont les hommes. Alors pourquoi les appeler "société" ? En disant "société" voudrait-on indiquer les "institutions" qui oppriment les femmes ? Mais il faut bien que les institutions soient maintenues, et la même question se pose : par qui ? La réponse à la question "qui est l'ennemi ?" est tellement évidente que le problème intéressant devient vite "pourquoi l'a-t-on évitée ?".
Le maître pouvait tolérer bien des réformes dans l'esclavage, mais aucune qui menaçât son rôle essentiel de maître. Les femmes l'ont toujours su, et comme "hommes" et "société" sont en effet synonymes, elles ont eu peur de les affronter. Privé de cet affrontement et d'une compréhension rigoureuse de la stratégie masculine de lutte, si habile à ligoter les femmes, le "Mouvement des Femmes" est plus nocif qu'utile. Il provoque la réaction en retour des hommes sans faire progresser les femmes.
Il n'y a jamais eu d'analyse féministe. Le mécontentement des femmes et les tentatives de remédier à ce mécontentement, ont montré implicitement que les femmes formaient une classe, mais n'ont jamais donné lieu à une analyse politique de classe, en terme de causes et effets. Autrement dit, la persécution des femmes n'a jamais été prise pour point de départ d'une analyse politique de la société. Si l'on considère que la dernière grande vague de mécontentement des femmes a couvert 70 ans (1850-1920) et fait le tour du monde, et qu'une récente accumulation de griefs a commencé, ici, en Amérique, voilà environ trois ans, l'absence d'une explication structurale du problème est à première vue incompréhensible. C'est pour comprendre les raisons de cette omission dévastatrice et les conséquences de ce problème que nous en sommes venues au "féminisme radical".
Les femmes qui ont essayé de résoudre leurs problèmes en tant que classe ont posé des dilemmes mais n'ont pas proposé de solution. Les féministes traditionnelles demandent l'égalité des droits des femmes et des hommes. Mais sur quelles bases ? Si les femmes ont une fonction différente de celle des hommes, cette différence n'affecte-t-elle pas nécessairement les "droits" des femmes ? Par exemple, est-ce que toutes les femmes ont le "droit" de ne pas avoir d'enfants ? Le féminisme traditionnel est pris dans le dilemme de demander une égalité de traitement pour des fonctions différentes, parce qu'il est peu disposé à affronter la classification politique (des fonctions) par sexe.
Les femmes radicales, par contre, comprennent que considérer les femmes comme un groupe, c'est rendre possible une analyse politique de la société, mais elles ont tort de refuser de comprendre pourquoi les femmes forment une classe, pourquoi cette classe est particulière, et quelles sont les conséquences de cette description pour le système des classes politiques. Les féministes traditionnelles aussi bien que les femmes radicales ont évité de remettre en question une fraction quelconque de leur raison d'être ; si les femmes sont une classe, les termes de ce postulat initial doivent être examinés.
Le dilemme féministe est le suivant : c'est en tant que femmes -ou "femelles"- que les femmes sont persécutées ; de même c'était en tant qu'esclaves -ou "noirs"- que les esclaves étaient persécutés. Pour améliorer leur condition, ces individus qu'on définit aujourd'hui comme femmes doivent détruire la définition de leur être. En un sens, les femmes doivent se suicider, et le trajet qui mène de la féminité jusqu'à une société d'individus est hasardeux. Le dilemme féministe est que nous devons faire le maximum avec un minimum de moyens. Aucun autre groupe dans l'histoire n'a été contraint comme nous de tout recréer depuis le début.
La "guerre des sexes" est un lieu commun, depuis toujours et partout. Mais c'est une description inexacte des faits. Une "guerre" implique un certain équilibre des pouvoirs. Quand les pertes sont toutes du même côté, comme dans certains types de raids (souvent appelés "viols" d'une région), cela s'appelle un massacre. Les femmes en tant qu'êtres humains ont été massacrées à travers toute l'histoire, et ce destin découle de leur définition. Commencer à se grouper, voilà le premier pas que les femmes doivent faire pour ne plus être massacrées, et pour engager la bataille (la résistance). Espérons que ceci conduira éventuellement à la négociation -dans un futur très lointain- et à la paix. "
Ti Grace Atkinson
Odyssée d'une Amazone - Des femmes Editeur
Avril 1969.
" Il a fallu programmer les structures psychiques des femmes pour la non résistance, et la raison en est simple : elles représentent plus de la moitié de la population du monde. "
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"Quand les pertes sont toutes du même côté, (...), cela s'appelle un massacre".
RépondreSupprimerC'est tout à fait vrai. On se heurte juste à toujours ce même problème que tellement de femmes sont dans le déni de la condition des femmes.
Et dans le féminisme il faut toujours se positionner par rapport à quelque chose qui a à voir avec la politique masculine du moment (par exemple, en ce moment, la politique sur les réfugié.e.s) pour avoir le droit de revendiquer l'arrêt du massacre. Alors qu'on est ailleurs, sur un autre plan, que la politique du moment est masculine et qu'on ne devrait absolument pas à avoir à se positionner autrement que pour les femmes. Mais on tombe tout le temps dans le piège.
Oui, ils sont toujours LA référence, l'alpha et l'omega de toute vie de femme.
SupprimerSi tu as envie de le lire j'ai fait un article sur mon blog sur comment la 2e vague féministe est née en Allemagne au moment des événements de 68.
RépondreSupprimerSuper, tu reprends ton blog ! Je l'ai du coup remis dans mon widget (que j'avais remis à jour avec des blogs actifs) de façon qu'on soit averties quand tu publies. Ca ne s'arrange pas avec Twitter ?
SupprimerMerci à toi, ca me fait très plaisir !
RépondreSupprimerEn effet beaucoup ont arrêté comme moi de bloguer et c'est dommage. Je viens de m'en rendre compte en faisant le point sur ma liste de blogs.
Non twitter veut un numéro de téléphone mobile. J'ai pourtant écrit que je recois très bien leurs emails. Je ne vois pas pourquoi tw tient à m'envoyer un sms.
N'oublies pas que c'est sans doute un algorithme qui traite le sujet ! Ils ont peut-être juste besoin de vérifier que ton compte n'a pas été piraté.
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