samedi 7 mars 2015

8 mars - Ecologie et féminisme par la Marche Mondiale des Femmes

Cette année pour le 8 mars, Journée Internationale des droits des femmes, il me paraît indispensable de relayer le billet de La Marche mondiale des Femmes 2015 Ecologie et féminisme. Compte tenu de ce qui s'est passé à Sivens en Tarn le 6 mars, où l'intérêt public a été confondu avec l'intérêt corporatiste d'une vingtaine de maïsiculteurs dans un projet de barrage démesuré, dossier truffé de conflits d'intérêts et d'entorses à la démocratie locale, où les droits des générations futures sont bafoués, où des baronnies locales PS et UMP, toutes à dominante masculine, se permettent de bétonner, vitrifier, des zones humides d'autant plus indispensables que la crise climatique menace la survie d'une partie de l'humanité dès la fin de ce siècle, il est temps que les féministes se mettent en travers de ces abus du pouvoir patriarcal en faisant valoir les intérêts des femmes, qui coïncident avec ceux de l'Humanité entière. Quand la crise climatique nous touchera (elle est déjà là), ce seront une fois de plus les femmes qui morfleront, c'est habituel. Voici leur texte :


Souveraineté alimentaire et justice climatique

La crise environnementale est aussi une crise systémique du modèle social de production du capitalisme patriarcal, postcolonial et néolibéral.

L'écologie politique, qui a débuté dans les années 70, a conduit à une prise de conscience environnementale globale. Cependant, le concept de "développement durable" se trouve dévoyé dans les années 90 par les néolibéraux pour légitimer la continuité d'une économie basée sur le libre-échange et sur le pouvoir des grandes entreprises transnationales. L'empreinte écologique a un visage capitaliste, masculin et colonialiste

Le modèle capitaliste est fondé sur l'exploitation et la marchandisation des ressources naturelles, à tel point qu'on entend aujourd'hui parler de "financiarisation du vivant" (molécules, semences, cours d'eau, zones humides, etc.). Lors des négociations sur l'environnement est mise en avant la notion d'économie verte comme solution. Considérant que les entreprises doivent contribuer à la préservation de l'environnement , elle se réduit à des mécanismes de marché attribuant à la nature un prix d'achat et de vente.

Le système capitaliste a transformé l'alimentation saine en un objet inaccessible à touTES. Dans les pays du Sud, entre 60 et 80 % de la production alimentaire est le fruit du travail des femmes. Paradoxalement, ce sont les femmes qui souffrent à 60 % de faim chronique

Ce sont aussi les femmes qui majoritairement se chargent du quotidien alimentaire au sein de leurs familles. Du fait des inégalités économiques et sociales, nombreuses sont celles qui ne peuvent accéder à une alimentation saine et de qualité. 

Pourquoi les féministes doivent-elles se préoccuper et agir sur cette question ?
Les analyses sur la division sexuelle du travail montrent que le travail masculin, assimilé à la production, est largement valorisé à tous les niveaux (matériel, symbolique...) pendant que le travail féminin est considéré comme subalterne. L'exploitation du corps des femmes, du travail et du temps des femmes en sont un des "symptômes".

Nous pouvons voir un parallèle entre l'exploitation de la nature et l'exploitation du temps des femmes : l'une comme les autres sont traitées comme des ressources inépuisables et flexibles, utilisées comme variable d'ajustement. Cette exploitation s'appuie sur la culture dominante patriarcale dans laquelle les représentations symboliques et matérielles de ce qui est masculin ou féminin sont hiérarchisées et binaires, à l'image de l'association homme/culture contre femme/nature.

En tant que féministes, nous dénonçons :

- Le modèle de l'industrie agroalimentaire qui privatise les ressources naturelles, les biens communs, les semences, qui se base sur la production en monoculture de vastes étendues de terres, l'utilisation d'engrais et de pesticides de synthèse, d'OGM et l'utilisation de machinerie lourde et industrielle. Ce modèle pollue nos sous-sols, réduit l'accès à l'eau potable et provoque des dommages sur la santé, en particulier celle des femmes.

- L'agronégoce et la privatisation des terres, de l'eau, des mers, de la biodiversité et des semences et les fausses solutions basées sur la surexploitation des ressources et du travail des femmes, sur la marchandisation et la financiarisation de la nature. Nous refusons ces privatisations qui s'accompagnent de spoliation de terres agricoles collectives dans des pays trop pauvres pour renoncer à les céder. Ces pratiques constituent la forme moderne du colonialisme et touchent en premier lieu les coopératives de femmes.

- Les grands projets destructeurs de l'environnement : aéroports, fermes-usines, barrages, stades, villages de vacances, centres commerciaux. Notre-Dame des Landes et le Testet ne sont que deux exemples.

Contre ce modèle capitaliste, patriarcal et néocolonial, nous affirmons :

- Le principe de souveraineté alimentaire qui place au cœur du modèle agricole les besoins des peuples, le respect de la terre, et qui questionne les inégalités sociales et économiques. Ce principe permet aux communautés et aux femmes de décider et d'organiser la distribution, l'échange et la consommation des aliments en quantité et en qualité, selon les besoins, en priorisant les liens sociaux solidaires, culturels, et la santé.

- La biodiversité, les semences et les sols sont des biens communs. Les ressources ne sont pas inépuisables et ne doivent pas constituer une source de profit pour les entreprises et les Etats. L'avenir n'est pas dans l'extraction de ces ressources, mais dans la recherche d'énergies renouvelables et dans le recyclage de matériaux déjà extraits.

Vers la COP 21

En décembre 2015, lors de la Conférence des Nations Unies sur le climat, les gouvernements du monde se retrouveront à Paris pour essayer de trouver des solutions au réchauffement climatique de la planète (COP 21). Si le changement climatique est bien une évidence scientifique qui touche l'environnement de toute la planète (augmentation des phénomènes climatiques extrêmes, augmentation de la température moyenne du globe, fonte des glaciers, destruction d'écosystèmes), ces conséquences sont aussi sociales, économiques et politiques, productrices d'inégalités.

Les pays et les populations pauvres sont de plus en plus vulnérables, aggravant les inégalités d'accès à la santé, à une alimentation saine, à l'eau. Les femmes sont les premières victimes des catastrophes compte tenu de la division sexuelle du travail, de la charge des enfants, des personnes âgées et de l'éducation différenciée.

Nous exigeons que nos gouvernements entendent les revendications des altermondialistes, féministes, chercheurs, chercheuses et associations. Nous demandons qu'ils rejettent les fausses solutions de l'économie verte comme la financiarisation de la nature, les droits à polluer, et qu'ils s'engagent dans des politiques de remplacement des énergies non renouvelables et de recherche d'alternatives économiques dans des industries non polluantes.

Notre alternative féministe

La Marche Mondiale des Femmes lutte pour de réels changements : dépasser la division sexuelle du travail, changer les mentalités et en finir avec l'exploitation. Nous proposons de suivre avec un regard critique et féministe le processus de la COP21.

Notre méthode consiste à fédérer les luttes menées par les femmes, des milieux ruraux et urbains pour leur donner un plus grand pouvoir politique. Nous proposons des actions d'éducation populaire, comme par exemple des formations sur la souveraineté alimentaire pour créer des alliances entre les femmes qui produisent, qui distribuent et qui préparent l'alimentaire.

Il n’y a pas de justice climatique et environnementale sans les femmes !

Liens :
Le texte de la Marche Mondiale des Femmes
Le programme de la Marche Mondiale des femmes (elle passe peut-être près de chez vous)
La déclaration de Laurent Fabius envers les femmes pour la COP21
Le blog du Collectif anti-barrrage de Sivens

Avec eux, "Les fermes deviennent des exploitations agricoles, les bocages deviennent des aéroports, les forêts deviennent des parcs ou des center parcs".

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