Combien d'entre nous, minoritaires dans une assemblée composée d'hommes a tenté d'imposer sa parole dans le concert masculin
tonitruant ? Combien ont essayé de faire prévaloir leur point de vue dans une interminable réunion masculine où il ne se dit au final pas grand chose ?
Je lis et entends régulièrement dire que les femmes ne sont pas une minorité : ça dépend où ! Dans la plupart des réunions auxquelles j'assiste dans l'industrie ou dans l'agriculture-élevage, je suis en général la seule de mon espèce. J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer dans ce billet la difficulté à imposer sa parole dans ces circonstances. Vous y êtes en général transparente comme le verre d'eau de la publicité qu'on peut voir sur les écrans en ce moment (je la vois sur Itélé), lançant un aromatiseur d'eau aux arômes naturels (sic) que vous n'êtes pas obligées d'essayer, continuez avec le sirop que vous achetez habituellement dans votre supermarché, ou buvez de l'eau pure !
La première fois que je l'ai vue, elle m'a choquée (normal, elle a été faite pour lancer un nouveau produit absolument inutile), et puis j'évolue : les mecs sont tout à fait ressemblants, et portraiturés à leur désavantage, le mot "chatte" les fait taire immédiatement. Ils n'ont que ce qu'ils méritent.
Deux liens pour approfondir le sujet :
Chez Antisexisme, un article érudit et documenté : Les attributs du pouvoir et leur confiscation aux femmes. Le genre et la parole
Et chez les G.A.R.C.E.S : Etre une femme et savoir s'imposer dans la conversation.
Méfiez-vous aussi quand ils vous écoutent : vos excellentes idées, surtout si vous êtes une subalterne, peuvent leur permettre d'aller briller auprès du patron, ils vous les piquent et se parent des plumes du paon. Mais le patron peut aussi vous piquer une idée et l'attribuer à son directeur commercial : ça m'est arrivé un midi d'été dans un super restaurant en Touraine où je déjeunais avec les deux et où j'ai eu la faiblesse de leur glisser une de mes idées. En septembre, réunion nationale, je vois à l'ordre du jour que mon idée, qui était devenue "la merveilleuse idée de Monsieur Barbon, notre Directeur Commercial", était explicitée pendant l'après-midi entière, modalités d'applications incluses et mise à exécution immédiate par toutes les agences. Comme toutes nos réunions, celle-ci s'est terminée par un buffet avec coupe de champagne : j'ai traversé la réception et je suis allée le féliciter.
Dernière recrutée en CDD dans un bureau d'études peuplé d'ingénieurs qui ne vendraient pas un verre d'eau à quelqu'un qui a soif, j'ai pendant 3 semaines potassé les manuels de référence et d'utilisation d'un logiciel pour les réduire à une fiche produit lisible par des généralistes de la santé pour la tenue d'un stand pendant une semaine à Hôpital-Expo à Villepinte. Pendant 5 jours, j'ai fait de la retape debout devant le stand, pendant que l'ingénieur produit (Jean-Pierre, qui potassait des bouquins de marketing, la discipline lui étant parfaitement inconnue) qui m'accompagnait se balançait sur sa chaise dans le fond du stand. Quand je suis rentrée la semaine suivante, ma petite centaine de contacts était devenue "les contacts de Jean-Pierre" devant la machine à café, et moi par la même occasion.
Ces deux dernières anecdotes pour démentir les femmes pionnières dans des milieux masculins qui, quand un interviewer radio ou télé leur tend une énorme perche en demandant si elles ont été victimes du machisme des hommes, nient farouchement qu'une telle chose se soit produite ou soit même possible. Ne nous fâchons pas : des hommes on en a à la maison, on ne peut pas se brouiller avec eux. Mon expérience de tous les jours proclame le contraire : invisibles, inaudibles, invisibilisées, au besoin spoliées de nos mérites, le monde masculin de l'entreprise est impitoyable avec les femmes.
Lien supplémentaire (tout chaud : c'est dans l'actualité) : Pour le PDG de Microsoft, Satya Nadella, les femmes ne doivent pas demander d'augmentation. Son conseil : faites confiance à votre karma, les filles, c'est mieux.
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