vendredi 31 octobre 2014

Justice patriarcale

La cour d'Assises du Loiret a condamné cette semaine à 10 ans de prison ferme, au terme d'un procès pour meurtre qui a duré 3 jours, une femme, Jacqueline Sauvage, auteure d'homicide sur son mari violent qui la battait depuis 47 ans, et père incestueux qui violait ses enfants. La veille du meurtre, le fils de la famille, à bout, se suicidait. La présidente du tribunal a considéré que Madame Sauvage n'avait exprimé aucun regret de son geste (3 balles de fusil, toutes mortelles, mais sans préméditation), et bien sûr, comme toujours en ces circonstances, la cour s'est demandé comment on pouvait rester aussi longtemps auprès d'un tel tortionnaire. C'est toujours la victime qui est coupable, responsable de son sort. On aurait envie de demander à la Justice et notamment à la Procureure qui a requis 12 à 14 ans d'incarcération, ce qu'à fait la société pendant 47 ans, abandonnant une femme et ses enfants, qui ont dû certainement à plusieurs moments présenter sur leur corps et, pour les enfants notamment, dans leur comportement, des traces de la violence infligée. Où étaient la médecine scolaire et les médecins de famille nécessairement consultés, les assistantes sociales, la DDASS, la PMI, la police, les voisins,  témoins des crises d'alcoolisation et de violence du mari-tortionnaire ? Tous muets, aux abonnés absents, tous aveugles, indifférents, aux maltraitances infligées à cette femme et à ses enfants.



Sur Itélé, l'excellente Emmanuelle Piette explique, interviewée par Audrey Pulvar, la sidération, le syndrome de Stockholm, la peur, la honte (un comble !), qu'éprouvent les victimes. On trouve cette interview sur ce lien. Elle rappelle également que l'année dernière 200 femmes et 13 enfants sont morts, assassinés par le Pater Familias tout-puissant, assuré de la caution de la société.

Madame Sauvage et son avocat ont fait appel de la sentence et il y aura un deuxième procès. Espérons que l'appel soit suspensif de l'exécution de la peine, mais je n'en suis pas sûre.
Il y a également une pétition sur Internet qui plaide pour la légitime défense, et demande la libération de Madame Sauvage. Pour signer, comme je l'ai fait, suivre ce lien. La victime de la violence conjugale n'a pas à payer pour l'incurie de la société à son égard.




15 commentaires:

  1. J'ai déjà signé la pétition sur un autre site, merci de la faire circuler ! Tant que nos sociétés toléreront les violences machistes envers les femmes et les enfants, les criminels domestiques - des hommes et certaines femmes - auront le champ libre pour maintenir leur domination. On ne peut pas demander décemment aux victimes de s'en sortir seules, la peur et aussi l'habitude des violences, leur minimisation et la relation aux bourreaux rendent la fuite très malaisée sans soutien extérieur. J'ai été la confidente de pas mal de personnes dans ces situations de violences conjugales ou parentales et c'est toujours le même son de cloche, du style "mais il m'aimait" ou alors "mon père n'est pas si méchant, sauf quand il boit", etc.

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    1. Oui, effectivement, il y a au moins une autre pétition, j'ai été sollicitée aussi. Le "il m'aimait" est affligeant. Ce piège du soi-disant amour, cette relation névrotique, qu'on tend aux filles pour mieux les asservir ! Ceux qui parlent sans arrêt d'amour, n'aiment personne, à part eux-mêmes et leurs intérêts, j'en ai peur.

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  2. Ma mère a été victime d'un déchet de ce genre. Pour qu'elle le quitte, j'ai du la menacer de couper les ponts avec elle (je vivais avec eux, j'avais préparé mes sacs, j'étais prête à vivre dans la rue plutôt que de continuer à assister à ce massacre) parce que je n'en pouvais plus de cette boule au ventre à chaque fois que mon géniteur buvait, si j'étais restée j'aurais fini par prendre un couteau et je n'ai pas besoin de vous faire un dessin...
    Ma mère m'a suivie et depuis 13 ans elle a réaprit à vivre. En revanche c'a été dur, très dur la première année et pourtant nous sommes tombées sur de bonnes assistantes sociales. Pas de place en centre d'accueil pour nous puisque nous étions deux femmes majeures, une chambre d'un des rares hôtels faisant encore pension à la place, un rmi de 3500 francs et un loyer de 2400, et oui pas d'allocations si la surface du logement fait moins de 16 m2 et notre chambre ne les atteignait pas. Ceci est pour ceux qui disent et pensent que les femmes maltraitées n'ont qu'à partir...
    PS : une fois ma mère m'a avoué avoir essayé quand je n'avais que deux ou trois ans, au commissariat "il nous faut un certificat médical pour prouver la maltraitance"; chez le médecin "madame, vous avez pu vous faire ces bleus en vous cognant, je ne peux pas vous rédiger le document que vous me demandez.". Quel choix lui restait-il? La rue sans moi ou son bourreau avec?

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    1. Merci de votre témoignage. Bien sûr, qu'en plus de l'emprise psychologique, sévit l'emprise économique : que faire, où aller, de quoi vivre, où trouver un toit ? Le tortionnaire sait tout cela et en profite. Il s'est d'ailleurs bien arrangé pour priver sa victime de toute ressource, de tout recours, en l'isolant, il la tient à sa merci. Et la société vit dans le déni de tout cela qui étouffe aussi les victimes : les policiers du commissariat et le médecin que votre mère est allée voir en sont bien la preuve. Plus le mythe du" privé" : on n'a pas à s'immiscer dans la "vie privée" des gens, surtout entre adultes soit-disant consentants, sans voir que les rapports en présence sont faussés, parce qu’asymétriques et inéquitables. Le piège fonctionne vraiment bien.

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    2. C'est même encore pire puisque ma mère avait un emploi qualifié et bien rémunéré mais il lui était impossible de le conserver et de mener une vie maritale, celui-ci ayant un emploi nomade, elle s'est retrouvée avec la statut de conjointe d'artisan autrement dit, elle a travaillé pendant une vingtaine d'année au côté de son mari pour rien puisque les cotisations retraites ne sont pas obligatoires pour les conjoints, ce qui permet encore une fois d'exploiter des femmes en toute impunité puisque dans le métier qu'exerçait mes parents personne ne donnera de travail à des femmes. Déjà que les scolariser au-delà de 12 ou 14 ans était inconcevable pour certains des membres de sa famille, l'école étant un lieu de dévergondâge pour les filles... Je suis la deuxième de ma génération à avoir fini le collège, la première si on tient compte du fait que le père de la cousine qui m'a précédée avait un métier sédentaire, il ne pouvait donc pas les retirer de l'école aussi facilement contrairement aux cousines citées plus haut ne serait-ce qu'en raison du qu'en-dira-t'on.
      Bienvenue dans les années 80 en France dans un milieu (blanc de tradition catholique avant qu'on ne me parle des vilains musulmans) qui suivait encore les règles du code naboléon...

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    3. Depuis 83, le statut de conjointe (je mets un e, faut pas pousser quand même !) d'artisans commerçants a évolué : je mets le lien
      http://www.cma-savoie.fr/documents/social/dossier_conjoint.pdf
      même si elle reste ayant droit de la sécu de son mec. Je déconseille formellement à une femme de cesser de travailler quand elle est mariée ou en concubinage avec un artisan-commerçant, elle sera la perdante de l'affaire en toutes circonstances. J'en ai rencontré plein dans ma vie professionnelle et c'était dramatique : à 50 balais, le mec se tire pour une plus jeune, et elles restent sans ressources, leur niveau de vie s'effondrant du jour au lendemain. Elles se retrouvent au RSA, et au minimum vieillesse ensuite, après avoir trimé comme des bêtes de somme pendant la période où elles croyaient à l'amourrrr. Et même si le conjoint ne se casse pas, il est possible qu'à 65 ans, une femme ait envie, elle, de se casser et de ne plus faire la soupe du Prince Charmant. Si elle est dépendante économiquement elle est obligée de rester. Donc, on ne travaille pas pour la peau : c'est pour moi une règle intangible. On se fait payer et déclarer ou alors on ne travaille pas pour lui et on fait carrière ailleurs. C'est fondamental. Personne ne m'en fera démordre. L'amour toujours est un piège à femmes. Je suis désolée pour celles qui y croient. J'ai vu trop de cas.

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    4. J'oubliais : pire, même, s'il dit vous déclarer, et que vous n'êtes pas (sa) comptable, surveillez bien les livres de comptes : j'ai entendu des cas où tout en disant qu'ils déclaraient, ils ne payaient pas les cotisations !
      Enfin, pour être complète, si vous épousez un commerçant, refaites un contrat de mariage en séparation des biens, ça vous évitera d'être conjointement responsable sur vos biens s'il fait faillite et, accessoirement, dans ce cas, il lui restera la possibilité de se réfugier chez vous s'il perd tout ! Enfin, si vous voulez encore de lui, bien sûr ;))

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  3. Ce que vous dites est vrai mais ma mère n'a aucun document pour faire valoir ces droits et aucune assistance à attendre de son ex-belle famille puisque pour eux elle est une sa...pe qui ne sait pas rester à sa place. Ensuite pour mes cousines, tantes, grand-mère et autres, on parle d'un milieu qui jusqu'à la génération de mon géniteur et quelques-uns de mes cousins, hormis de rares exceptions qui étaient considérés comme plus ou moins cinglés de gaspiller de l'argent pour l'éducation de leurs filles, on parle d'une société renfermée sur elle-même, où les femmes avaient très peu de chance de se "marier" hors de ce milieu, puisque coupées du monde, sans diplôme ni qualification et infériorisées à une époque sans internet. Il ne s'agissait pas tant d'amour que du fait qu'elles ignorent jusqu'à leurs droits élémentaires.
    Exemple : un de mes cousines a euNadege Vuilsteke a dit...
    Ce que vous dites est vrai mais ma mère n'a aucun document pour faire valoir ces droits et aucune assistance à attendre de son ex-belle famille puisque pour eux elle est une sa...pe qui ne sait pas rester à sa place. Ensuite pour mes cousines, tantes, grand-mère et autres, on parle d'un milieu qui jusqu'à la génération de mon géniteur et quelques-uns de mes cousins, hormis de rares exceptions qui étaient considérés comme plus ou moins cinglés de gaspiller de l'argent pour l'éducation de leurs filles, on parle d'une société renfermée sur elle-même, où les femmes avaient très peu de chance de se "marier" hors de ce milieu, puisque coupées du monde, sans diplôme ni qualification et infériorisées à une époque sans internet. Il ne s'agissait pas tant d'amour que du fait qu'elles ignorent jusqu'à leurs droits élémentaires. Encore une fois, je parle d'une population plus ou moins nomade, ce qui rendait le contrôle des femmes plus facile.
    PS : ma mère faisait une bonne partie de la comptabilité et était secrétaire d'un avoué à la cour, ça n'a pourtant rien changé pas parce qu'elle ne "voulait " pas cotiser, mais parce qu'elle serait passée pour une égoïste à vouloir son du. Les coups n'ont pas aidés.

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    1. J'ai bien compris la situation, je le rappelle pour d'autres qui passeraient par ici. Ce qui est étonnant, c'est que ça se passe dans les années 80 que je me rappelle plus progressistes que cela, mais cela dépend, bien sûr, des milieux et des endroits.

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    2. Vous le dites vous-même, pas progressistes ours toutle monde :/

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  4. Et c'est très déprimant de voir constamment les médias entretenir et promouvoir la confusion entre amour et violence comme dans cette bouse de "Cinquante nuances de Grey" qui a été adapté à gros budget au cinéma. Montrer comme un prince charmant un homme beau et riche se révélant être un butor sadique, et présenter cette relation comme acceptable et de désirable, c'est encourager les femmes à la soumission et au suicide.

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    1. Evidemment, ça poursuit un but politique : fournir une épouse, domestique gratuite aux hommes. La dépendance économique fait le reste.

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  5. Je pense que tous les systèmes sociaux organisent un monopole de la violence : L'exercice de la violence est reservée aux dominants sur les dominés .... Cette exercice de la violence est hierarchisé , pyramidal .... Pour que cela fonctionne la violence est déléguée par chaque niveau superieur dominant aux niveaux inferieurs qui , dominés sont aussi dominants .... et ainsi de suite jusqu'à la base de la pyramide ...... C'est une sorte d'holograme : la structure de l'ensemble se répéte en chacune de ses parties ..... Cela forme comme un cristal de violence totale .................
    Le but du dominant est d'obtenir le consentement du dominé . C'est un système sado masochiste totalitaire ....... A la base il y a l'élevage et la domination des éleveurs sur les animaux ...... Nous vivons dans un monde dominé par l'élevage , structuré par l'élevage ........
    Si , à un quelconque niveau de la pyramide l'ordre sado masochiste est remis en quèstion alors cela menace l'ordre global et donc , il y a sanction pour maintenir l'ordre établi .........................
    Hypathie , voilà ma vision hallucinée de ce système , vision géométrique plus que politique ......
    Tu en fais ce que tu veux ....................

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    1. L'image d'hologramme est assez parlante, en effet. On le voit dans ces évènements récents : ce procès où malgré tout la justice a sanctuarisé l'ordre patriarcal au mépris de la vraie victime, la femme battue qui défend sa vie et celle de ses enfants et à qui on pourrait au moins accorder le bénéfice de la légitime défense, puis à Sivens dans le Tarn, où des gendarmes mobiles lourdement équipés se trouvent un samedi soir sur un site naturel où il n'y a plus rien à garder puisqu'on est le week-end, et que les pelleteuses et les caterpillars sont partis. Il y a volonté de passer en force et d'étouffer toute vélléité de rébellion contre un ordre injuste.

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  6. " La raison du plus fort est toujours la meilleure " .....
    Ainsi le discours multi millénaire du dominant (celui du dieu) est le seul légitime à nommer et à représenter le monde et les êtres (à les créer par son verbe) , et , de par sa légitimité il est le seul à se prétendre Raisonnable ...... Ainsi , depuis des millénaires le discours des dominants classe , hiérarchisent les êtres et les phénomènes du monde en fonction des besoin de sa raison (divine) .............
    Tout autre discours se trouve ainsi illégitime , déraisonnable , fou , marginalisé (diabolique en quelque sorte) ...............
    Le discours du dominant fonctionne donc comme un hologramme en collant sur tous phénomènes du monde son image par le nom qu'il leurs donne et par la place qui leurs est assignée dans l'ordre de la raison dominante ....... L'inconscient collectif est structuré par le discours du dominant sur le monde ...... Le monde "réel" est donc contrôlé par les représentations du dominant et en fonction de ses besoins "raisonnables" .................................
    Tout discours , aussi vrai soit il , qui déroge et perturbe l'ordre de cette raison dominante se trouve aussitôt qualifié d'irrationnel , de fou , d'illégitime donc ........ Et peu importe alors les faits objectifs car il convient avant tout de sanctionner ce crime de déraison qui risquerait de déstabiliser toute la belle harmonie du monde raisonnable du dominant ............
    Toute autre façon de percevoir le monde en dehors de celle du dominant est donc hors champs de la "réalité" et le détruire n'est pas perçu comme une violence mais comme un devoir de "raison" ..................
    La violence du plus fort n'est donc pas de la violence puisqu'elle est acte de raison légitime (divine) et puisque ce qui est illégitime (diabolique) de par sa déraison ne peut pas exister .....
    La sanction , le meurtre du dominé par le dominant ne sera pas perçu comme une violence dans l'inconscient collectif ... Il sera perçu comme acte de justice immanente : acte du divin discours qui ordonne le monde ...............

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