mardi 1 juillet 2014

Pour en finir avec la famille - Hors-Série de Charlie Hebdo


Charlie Hebdo sort son nouveau Hors-série en kiosques. Je l'ai trouvé féministe.

La famille, "un papa, une maman" selon les slogans de la "Manif pour tous" et du mal nommé "Printemps français", c'est une construction idéologique pour tenir les femmes et les enfants sous la coupe des hommes, des pères. En l'espèce : un homme vous protégerait contre tous les autres (qui sont des prédateurs, sous-texte), les femmes seraient en danger dans l'espace public, chasse jalousement gardée des mâles, au besoin pour vous en persuader et décourager les récalcitrantes, on vous y harcèle et on vous y insulte, et puis être une femme dans la rue, c'est être une femme "de mauvaise vie". Les femmes à l'intérieur, à la cuisine, on vous dit, et les vaches seront bien gardées. Le concept se décline partout : dans l'industrie et le bâtiment où les femmes font secrétaires dans les bureaux et les papas sont dehors sur les chantiers "dans la boue" (franchement Madame, vous voyez votre fille sur un chantier, dans la 
boue ?, comme j'ai entendu me répondre la corporation des bétonneurs, en plusieurs actions militantes féministes), chez les commerciaux et chez les informaticiens, en un mot, PARTOUT.

Pas de bol, les faits et statistiques démontrent exactement le contraire : "Dans de nombreux pays, le foyer est le lieu où une femme risque le plus d'être tuée". 35 % de femmes sont tuées par leur partenaire ou ex-partenaire, on ajoute 17 % de femmes tuées par un proche, et le constat est accablant écrit Charlie : plus de la moitié des femmes trucidées ont été victimes d'un membre de leur entourage. "Les hommes eux, se font principalement buter dans la rue, mais ils peuvent ronfler tranquillement sur le canapé du salon". Et c'est encore pire pour les enfants continue le journaliste : les 2/3 des agressions sexuelles sont commises dans le milieu familial (rapport Haute Autorité de Santé). Le risque vient surtout des pères (32,3 % des agresseurs), et des beaux-pères et concubins ( 9,5 %). Les femmes sont moins dangereuses (3 % des agressions sexuelles). "Avant d'interdire aux enfants de tchatter avec un inconnu sur Internet, il faudrait déjà leur apprendre à se méfier de l'adulte qui vient les border dans leur lit le soir"[...]. "En France, des dizaines de milliers d'enfants sont en danger dans le cadre familial" selon un avocat général.

Idéologie également, la politique familiale française qui date de l'après-guerre ! Slogan de 1945 : il faut repeupler la France, d'où allocations familiales versées au nombre d'enfants, sans conditions de revenus : aujourd'hui encore c'est intouchable.



Familles mortelles aussi en Inde et en Chine, deux pays qui, pour des raisons différentes (dot pour l'Inde et politique de l'enfant unique en Chine) suppriment les fœtus filles, ou pratiquent l'infanticide des fillettes, créant un déséquilibre démographique désastreux. L'Irak d'après Saddam Hussein s'apprête à légaliser la puberté canonique à 9 ans, et à obliger les femmes à se soumettre à toutes les exigences de leurs époux, selon les préceptes du code de la famille. Le hors-série présente un bon état des lieux idéologique des principaux pays de la planète, incluant la polygamie. Evidemment, c'est du Charlie-Hebdo avec des titres : "Papa violeur, fiston serial killer" ou article "Ponte obligatoire" qui évoque le sort réservé aux célibataires nullipares et qui entendent le rester, dans une société idéologiquement nataliste. Ou des dessins titrés :

 "Un papa, une maman : deux façons de finir à la DDASS"

Je n'ai fait qu'un bref survol, il est très complet. Achetez-le (6 €uros dans les bons kiosques), empruntez-le ou volez-le, mais LISEZ-LE ! 
Il est très bien fichu. Article évidemment non sponsorisé.

16 commentaires:

  1. Connaissant de près cette « publication » (?) depuis le début de son ancêtre même, et sachant depuis un bon lustre (en cristal de Bohême) pourquoi je n’y mettrai plus jamais mes yeux ni mes nerfs en péril, je soupçonne fort un fort coup de marketing. Fort !

    Karl-Groucho D.

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    1. J'ai déjà vu votre même commentaire sur le Seen This du Monolecte, avec le lien vers Numerama, merci. Commentaire masculiniste typique. Mais je comprends que ces chiffres sur la mortalité des femmes dans la famille vous dérangent. Ce numéro de Charlie, documenté avec toutes les références qui vont, jette une lumière crue sur la famille patriarcale, "noyau" de la société. Je ne vois là aucun coup marketing : dire que de bons pères de famille sont des cogneurs et des agresseurs n'est pas vendeur, c'est le moins qu'on puisse dire. Il faut même avoir un vrai courage pour publier ça ! Un silence de mortes -La violence masculine occultée de Patrizia Romito complèterait bien le dossier.
      http://hypathie.blogspot.fr/2014/03/revue-de-web-feministe.html
      #STOPAUDENI

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  2. « Commentaire masculiniste typique. »

    [K.-G. D.] Merci. Je ne vous insultais pas, & vous seriez bien aimable de me respecter, vous aussi, au lieu de patauger dans de bien myopes projections. En quoi serait-ce masculiniste de dénoncer le marketing qui semble trop souvent tenir lieu de ligne (?) à la publication (?) dont il est question ?

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    « Mais je comprends que ces chiffres sur la mortalité des femmes dans la famille vous dérangent. »

    [K.-G. D.] Qui ne « dérangeraient »-Ils pas ?

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    « Ce numéro de Charlie, documenté avec toutes les références qui vont, jette une lumière crue sur la famille patriarcale, "noyau" de la société. »

    [K.-G. D.] Apprenez à lire, vous verrez comme c’est pratique. Je ne remets nullement en cause les faits (1) et j’ai travaillé à l’accueil et à la solidarité active de victimes ayant survécu à ces ignominies. Quant à « la famille patriarcale, "noyau" de la société », je suis activement engagé contre — & dans mon quotidien, ce ne sont pas des propos de salon — depuis mon entrée dans la vie adulte, ce qui commence à pas mal dater (!).

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    « Je ne vois là aucun coup marketing : dire que de bons pères de famille sont des cogneurs et des agresseurs n’est pas vendeur, c’est le moins qu’on puisse dire. Il faut même avoir un vrai courage pour publier ça ! »

    [K.-G. D.] En général, publier du « fait divers » ignoble & bien saignant fait assez bien vendre : je ne vois pas franchement où se situe alors le « courage ».

    Encore une fois, merci de ne pas confondre le fond et la forme, et de lire avant de jeter vos anathèmes ;-))
    Que je dénonce ce que je soupçonne comme étant une démarche éditoriale manquant de sincérité (marketing) n’implique pas les auteur(e)s (contrairement aux furieux numéros bouffant du musulman à toutes les pires sauces).

    En réagissant ainsi, vous faites preuve d’une intolérance qui vaut bien celle que vous me reprochez à tort.
    & c’est ballot.

    Bonsoir.

    Karl-Groucho D.
    _________________

    1. & je les dénonce, et je les relaie, entre autre et par exemple, auprès d’excellentes amies féministes du grand début de ces luttes (fin des Années soixante, Lip, etc.).

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    1. On a compris, vous n'aimez par Charlie Hebdo. C'est votre droit, même pour de mauvaises raisons. Ils sont blasphémateurs, anticléricaux, athées, et n'aiment aucun obscurantisme : foot, viande, et toutes sortes d'autres religions, dont ils bouffent les curés. Rien de plus à rajouter.

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  3. Il faut surtout insister et dire à quel point ces faits de violence sont banals et répandus. Les meurtres de femmes tuées par leurs compagnons ne sont que la dernière manifestation de négation de leur volonté d'indépendance. La plupart des hommes violents vont doser leur cruauté juste assez pour s'assurer de la docilité de leurs compagnes et cela peut durer toute une vie sans parler de ceux qui se contentent d'user de violence psychologique, encore plus difficile à dénoncer car elle ne laisse pas de marques visibles et les victimes passent régulièrement pour folles.

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    1. Très juste : les violences psychologiques, la dévalorisation permanente, le siège en supprimant la voiture donc la mobilité, le droit de sortir, d'aller et venir. J'en ai entendu quelques témoignages.

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  4. Bon, je ne suis forcément fan de charlie ni de son 'humour' (dans titres, dessins) mais les dossiers sont bien ficelés, pas un coup marketing comme dit plus haut dans un comm que j'ai lu en diagonale.
    A mettre en relation avec le pavé de E.Todd ' L'origine des systèmes familiaux', si vous avez le courage :-)

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    1. Merci pour le tuyau : suis allée voir sur amazon, ça m'a tout l'air d'une somme anthropologique. Vais voir un de ces jours si ma bibliothèque l'a. Je ne lis pas Charlie toutes les semaines (trop cher) mais j'achète presque tous leurs hors-série que je trouve bien faits. Dans l'hebdo, ils ont des chroniqueurs très bien. Dont des femmes journalistes. Et on ne fait pas de coup marketing en tapant sur la sacro-sainte famille "noyau de la société". Ni sur le partriarchos en chef, tellement intouchable.

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  5. Sinon comme livre intéressant il y a aussi "Le berceau des dominations" de Dorothée Dussy, une étude anthropologique de l'inceste qui montre à la fois combien il s'agit d'un crime banal et accepté - c'est toujours la faute des victimes qui de toute façon exagèrent - et combien la société s'ingénie à le masquer. Et à faire en général comme si les crimes sexuels surgissaient de nulle part. J'avais trouvé ça très pertinent par exemple en lisant des compte-rendu du procès du kidnappeur et bourreau des trois jeunes femmes de Cleveland. Sans surprise cet homme avait déjà commis des violences contre sa femme sans en être le moins du monde inquiété et avait grandit dans une charmante famille où il était de tradition que les adultes utilise les enfants comme punching-ball et objets sexuels quasi dès le berceau dans la plus grande discrétion car à ces petits détails près, ils étaient des gens honnêtes.

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  6. Je continue et pendant tout le procès les juges ont passé leur temps à larmoyer, comment ce monstre avait pu abuser de ces pauvres jeunes femmes innocentes, etc. Arrêtez de mentir bandes d'hypocrites, chacun sait que ces crimes ont lieu tous les jours et se perpétuent dans l'intimité des foyers ! Ce genre d'attitude me dégoûte quand je pense à toutes les victimes d'incestes suivies par proches psychiatres qui ont été traitées de menteuses et manipulatrices par la société et la justice. Il faut qu'une jeune fille soit agressée par un étranger pour obtenir justice et pas pour elle-même mais parce qu'on l'a enlevée aux siens. Tout ce qui se passe entre les sacro-murs de la famille c'est juste de la vie privée, on peut violer et torturer sa femme ou sa progéniture tant que l'on touche pas à celles des voisins.

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    1. C'est tout à fait vrai qu'on fait grand cas des agressions dans les parkings souterrains, dans la rue ou les espaces publics la nuit. (J'ai encore eu cette année la même réflexion de la même personne revenant de ma marche pour la fermeture des abattoirs à Paris -j'avais relaté ça l'année dernière dans un billet- à minuit chez moi par une marche de 30 minutes : tu n'as pas peur ?, moi je ne tente pas le diable, etc...). C'est l'arbre qui cache la forêt des agressions dans les familles. Tout bénef en plus : ça dissuade les femmes d'occuper les espaces publics appartenant de droit divin aux mecs, et ça cache spectaculairement la violence "privée"dans l'intimité des foyers.

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    2. Oui et puis certes, les femmes peuvent être agressées ou violées dans l'espace public mais les hommes y sont bien plus en danger, ils courent bien plus de risques d'être passés à tabac ou assassinés hors de chez eux que les femmes et pourtant personne ne vient leur dire de rester au chaud chez eux pour se protéger ! En tous cas c'est à moi que mon père a interdit de faire du stop à l'adolescence, pour mes frères c'était ok même s'ils risquaient objectivement pire.

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  7. Autre stratégie pour nier la violence masculine structurelle est de faire remarquer que les femmes commettent aussi des violences. Quelle découverte ! Il est certain que certaines femmes peuvent être violentes ou perverses comme on a pu par exemple le voir au procès d'Angers - une affaire effroyable d'inceste et de prostitution sur plusieurs générations dans laquelle une partie des violeurs étaient des femmes - et qu'il ne faut pas minimiser leurs crimes. Mais la plupart des masculinistes et machistes de tout poil vont se servir de ces faits pour recycler encore et toujours leur haine des femmes, cruelles envers leurs enfants et surtout envers eux, les pauvres chéris si opprimés dans leur masculinité ^^ Niant que la plupart des violences commises par des femmes le sont envers des enfants ou contre d'autres femmes, leurs compagnes dans les couples lesbiens par exemple. D'ailleurs, je me demande honnêtement pourquoi les hommes cherchent tant à rester entre eux étant donné que c'est dans l'entre-soi masculin qu'ils ont le plus de risques d'être trucidés, l'éducation virile doit rendre masochiste ;)

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    1. Qu'on nous sorte les chiffres de la violence des femmes ! 96 % de la population carcérale française, c'est des hommes ! Chiffre Caritas France (Secours Catho autement dit) : pas de dangereux révolutionnaires anti-patriarcaux comme on peut voir.
      Si les femmes étaient aussi violentes et anti-sociales que les mecs, il y a longtemps que les masculinistes et les patriacaux qui ne nous passent rien depuis toujours, nous inonderaient de chiffres précis pour mieux démontrer nos turpitudes dont ils se délecteraient. Personnellement, j'attends de pied ferme. Et même avec impatience.

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    2. Bon justement c'est un sujet qui m'intéresse parce que les masculinistes sont libres de faire de la désinformation avec des chiffres truqués si il n'est pas bien étudié. Le soucis c'est que la violence féminine, aussi bien dans les familles que pour des affaires criminelles extérieures est peu étudiée, c'est le parent pauvre de la criminalité. Bien évidemment parce que le seul truc dont on soit sûr est que les femmes commettent une minorité de violences par rapport aux hommes. Mais on a aussi longtemps considéré que les femmes ne pouvaient pas commettre de véritables crimes car leur "nature" le voulait et aussi parce que la violence est par tradition un privilège masculin qu'ils trouvent légitime de garder pour eux. Les femmes violentes ne peuvent être que des anomalies ou des "femmes au cœur d'hommes" comme on l'a dit de reines ou d'impératrices célèbres, elles sont donc ignorées ou contrôlées comme de dangereux éléments parce que justement leur comportement fait s'écrouler la théorie de la nature des hommes faite pour dominer et violenter qui cautionne la domination masculine. Mon texte n'est pas très bon, j'en ai trouvé un meilleur là.
      http://champpenal.revues.org/8039#tocto1n3

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    3. Merci, super, je vais aller lire ça ! A part cela, les femmes sont moins violentes à cause de leur conditionnement social. Ce n'est pas une différence de nature, donc. Réprimées pendant l'enfance, alors que les comportements destructeurs et anti-sociaux des garçons sont valorisés.

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