mardi 5 juillet 2011

Le bûcher des vanités : renversement

Actualisation 7/7/11 : je rajoute un lien vers un billet sur le blog de Docteure Muriel Salmona qui analyse les pires stéréotypes opposés aux femmes violées et agressées sexuellement et qui laminent leurs plaintes, analyse faite à la lumière de sa pratique professionnelle en psychotraumatologie. On peut aussi lire une interview qu'elle a donné ici à 20 Minutes. 


L'hystérie à la libération conditionnelle surprise de Dominique Strauss-Kahn le 1er juillet n'a eu d'égale que l'hystérie provoquée par son arrestation  ; dans l'emportement, certains commentateurs "amis" du présumé innocent s'étaient laissé aller à dire des phrases regrettables, vite regrettées et vite... oubliées.

Le 1er juillet, (presque) les mêmes ont remis ça ; sur TF1, France2, LCI, rien que des commentaTEURS hommes sur les plateaux lors des éditions spéciales sur la convocation "surprise" du Juge Obus à 17 H 30 tapante. Il faut reconnaître tout de même que sur LCI, il y avait une femme : elle était la seule à avoir un ordinateur portable devant elle, car elle suivait en direct  les tweets des correspondants de presse français et américains présents dans la salle de tribunal, tweets qu'elle répercutait sur le plateau quand on lui donnait la parole et qu'on jugeait qu'ils étaient intéressants, une super secrétaire en quelque sorte, et entre deux tweets, les mêmes éternels éditocrates tiraient des plans sur la comète ! Certains donnaient même une allure revancharde à tout cela : la question (oiseuse et indécente) qui faisait bien frissonner tout le monde : "Peut-il revenir dans les Primaires socialistes ?" Plus quelques dépassements de ligne blanche continue, à tout seigneur tout honneur : c'est frais comme un zéphyr, c'est dans la bonne vieille tradition française : on espère que l'UNESCO va l'inscrire au patrimoine "immatériel" de l'Humanité -enjoy :



Il faut dire que depuis cette malheureuse (pour leurs intérêts de pouvoir) arrestation de DSK, leurs affaires se portaient mal : Christine Lagarde une femme adoubée par les USA et la communauté internationale est nommée à la tête du FMI, Martine Aubry qui devait selon les observateurs patentés se retirer pour laisser comme partout et toujours la place, après l'avoir chauffée, à un homme (DSK) socialiste, et dans la même semaine, Eva Joly, juge femme de fer (dogmatique, en sabir masculin) contre toute attente, comprenez contre les prévisions des prévisionnistes diplômés, dépasse largement le médiatique et tellement sympathique (et pas du tout dogmatique) Nicolas Hulot ! Pour un peu, elles leur auraient tout pris ! Il était temps que cela cesse.

Aussi, cette "menteuse" et "prostituée" de Nafissatou Diallo (c'est ce qu'ils prétendent et tant pis si elle a été violée, faute masculine vénielle après tout, mais mentir sur son état marital, arranger les choses pour être admise après un autre viol sur le territoire américain, sont des péchés mortels impardonnables, eux), est du pain bénit et tombe on ne peut mieux pour arranger leurs bidons qui commençaient à présenter comme un air désordonné.

J'ai lu sur un populaire blog de comptoir (sans lien de référence, comme ça brut de décroffrage !), que Nafissatou Diallo aurait arrondi ses fins de mois par quelques prestations sexuelles tarifées à des clients de l'hôtel. Et alors ? Même si c'est le cas, une prostituée, comme toute commerçante, décide elle-même des heures d'ouverture et de fermeture de son commerce : avant l'heure, c'est pas l'heure, après l'heure, c'est plus l'heure ! On n'entre pas comme cela dans une propriété privée, ni dans une prostituée. Quand c'est non, c'est NON. Le fait est incontournable, les femmes violées sont les seules victimes à devoir présenter des certificats de moralité impeccables, les seules victimes à ETRE d'abord COUPABLES. Éternellement. De "elle l'a bien cherché, elle l'a allumé, elle avait une jupe trop courte ou le slip qui dépassait du jean, elle n'aurait pas dû être là...", à "c'est une menteuse, elle se dit veuve alors qu'elle est mariée et encore pire, mal mariée (franchement, s'il fallait jeter la pierre à toutes les mal-mariées...) à un malfrat maître-chanteur. Mais quel rapport avec un viol ? Et si rapport sexuel négocié il y a eu, que dire du riche client qui refuse de payer après un "rapport consenti" juste avant d'aller retrouver sa femme ? Ah oui j'oubliais, on est en France, il a seulement "sauté la femme de chambre", pas de quoi fouetter un chat ! V(i)oler une prostituée, c'est pas du v(i)ol. Mais quand écoutera-t-on enfin la parole des femmes ?

Quelques liens vers The Daily Beast (filiale Internet de Newsweek), toujours dans le Daily Beast : a questionnable background, et encore ici, et BHL tire les leçons de l'affaire Strauss-Kahn dans le Daily Beast, The New York Times, (tous en anglais mais je préfère les premières mains aux interprétations françaises :((( ) la Revue Esprit, (en lecture payante), Osez le Féminisme, Arrêt sur Image, Les Nouvelles News.

Le Bûcher des vanités est un roman de Tom Wolfe paru en 1987.

11 commentaires:

  1. Excellent et merci pour les liens

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  2. Tu as raison, je n'avais pas fait le rapprochement avec l'arrivée non prévue des femmes dans la course à la présidentielle ou autre ...

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  3. @ Héloïse : en fait, je ne vais pas en faire mystère, je me suis un peu inspirée de l'éditorial de Catherine Nay sur Europe 1 dimanche matin ; ce n'était pas aussi clair chez elle, mais on sentait que le rapprochement entre les deux la tentait bien.
    @ Michelle : Dans revue Esprit, le texte de Vigarello je crois tente de démontrer qu'on ne peut plus continuer comme cela : 113 députées sur 577 et la parole des femmes sans cesse ignorée par les puissants quand elles portent plainte, il y a quelque chose de pourri dans le pays, et ça ne peut plus durer.

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  4. Oui, on aurait pas du se laisser aller à espérer en une VRAIE justice...la déception est d'autant plus grande.
    Bien vues tes réflexions sur la prostitution en tant que commerce réglementé et le corps en tant que boutique !
    Moi je ne crois pas un instant à tout ce qui a été dit sur N.D. Je repense à cette manif de femmes de chambre... on hallucine quand on pense au boulot de la femme de chambre qui est surveillée, qui ne pourrait pas comme cela se taper un client de l'hôtel sans que ses collègues s'en apercoivent ! La preuve, elle a du s'expliquer sur son retard...c'est de la calomnie pure et les Strauss-Kahn ont juste décidé de sortir les valises de billets de banque pour arrêter le machine judiciaire à temps. Ou alors le but des américains était de sortir DSK du FMI parce que les femmes en avaient par dessus la tête de son comportement sexuellement agressif. Une fois débarqué c'était bon. On n'allait quand même pas le mettre en prison pour une femme de chambre ! Allons !
    Des scénarios, moi aussi je peux en construire. Ils ne sont juste pas à l'avantage du même.

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  5. @ Euterpe : elles sont chronométrées dans leur travail, ces femmes de chambre, il est donc impensable qu'elles puissent avoir un "double emploi" dans ce genre d'hôtel de luxe. Ils ont plus sûrement une liste de call girls à appeler pour leurs clients qui en demandent. Ça paraît nettement plus plausible. Ce qui n'empêche sans doute pas les femmes de chambre d'être harcelées par des clients indélicats.
    J'ai lu sur Daily Beast cet après-midi que le patron de son syndicat la soutient (en anglais) :
    http://www.nyhtc.org/secured.php?page=recent_news&story_number=100427

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  6. http://essaipat.wordpress.com/2011/07/06/changement-de-version-en-fonction-des-preuves/

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  7. @ Emelire et @ Patrizia : merci de votre passage. Europe 1 n'a relayé que ce matin 9/7 l'information que j'ai lue il y a 48 heures émanant d'une agence de presse américaine, que Peter Ward président du Syndicat des femmes de chambre Hôtels et Motels soutient Nafissatou Diallo et dit qu'elle lui a été recommandée par l'IRC International Rescue Committee, une ONG qui défend et aide les réfugiés dans leur insertion ! C'est dire à quel point les medias français sont du côté des puissants et des hommes, et attendent avec impatience une libération sans condition, toutes charges levées, de DSK !

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  8. Le pouvoir politique est la forme supréme de la domination sexuelle .
    Ce qu'on reproche à DSK ce n'est pas d'avoir dominé la femme de chambre . C'est de s'être laissé dominer par elle .
    Ce qu'on reproche à la femme de chambre ce n'est pas d'avoir été dominée par DSK . C'est de l'avoir dominé .
    Les défenceurs de DSK veulent avant tout rétablir l'ordre "naturel" du pouvoir politique qui a été bafoué dans cette histoire .
    Ce qui fait scandale au fond de l'inconscient colléctif c'est ce renversement de l'ordre établi : celui d'un pouvoir politique "naturel" enraciné dans la domination sexuelle .
    La femme de ménage en s'attaquant à DSK s'attaque à l'ordre "naturel" du politique donc à l'ordre voulu par Dieu à travers la sexualité . Elle menace donc l'équilibre mondial encore plus terriblement que Ben Laden lui-même . Il ne peut donc s'agir que d'un monstrueux complot cosmo-planétaire contre DSK . C.Q.F.D.

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  9. @ Stéphanie : l'ordre politique, l'ordre hétérosexuel qui veut que les hommes aient des "besoins", l'ordre social "quelle histoire pour un petit viol de rien du tout même pas prouvé, et puis elle était peut-être prostituée...", etc, etc, les femmes qui résistent à l'implacable ordre machiste et patriarcal posent toujours un acte politique et font trembler l'ordre (immuable ?) établi, basé sur la soumission et l'exploitation, le parasitage des femmes.

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  10. L'ordre social établi par le sado-masochisme recherche encore plus que la soumission , il recherche le consentement des victimes au boureau . Briser la "belle harmonie" , briser l'illusion consensuelle , ça c'est impardonnable à la victime . Je veux dire qu'être victime , le savoir ; le dire est plus impardonnable que d'être boureau . En effet le boureau offre à la victime la rédemption à condition qu'elle accépte enfin de participer à l'ordre sado-masochiste qui gouverne toutes les sociétés depuis ... quelques milliers d'années sans doute . Se savoir victime , se dire victime alors renverse ces millénaires d'ordre établi . Comment cela pourrait-il être accéptable ? ... Car au fond le boureau lui non seulement ne dérange pas l'ordre social , mais il le renforce puisqu'il le fonde . ON demande , ON attend des victimes qu'enfin elles accéptent leur rôle de victimes comme le boureau accépte son rôle de boureau et qu'enfin s'accomplisse l'horrible fusion totalitaire sado-masochiste .
    Ma vision n'est pas tant politique puisque je pense au fond que la réalité sociale n'est faite que de rapports de forces et que seule reigne la violence . Ma vision est plus proche de la folie sans doute .

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  11. Refuser tous les rôles : Prostituée , infirmiére , femme de ménage , femme fatale , femme idéale ... et surtout refuser le rôle de divinité maternelle complice et associée de la divinité paternelle . Me savoir victime , me dire victime non pas pour obtenir un rôle de victime consentente dans le scénario de l'ordre social mais pour enfin refuser de l'être et donc n'avoir plus aucun rôle aucun status au sein de l'ordre social . Il ne peut exister aucune politique "naturelle" qui soit émancipatrice . Je ne peux m'inventer libre que seule et cela tout à la fois contre l'ordre divin(s) , l'ordre naturel et l'ordre social mais certainement pas au carefour de ces ordres là qui sont tous aussi totalitaires les uns que les autres .

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