Le film de Jocelyne Lemaire-Darnaud sorti fin septembre dans quelques salles de cinéma, Moi, la finance et le développement durable, aborde le sujet de ce que font les banques avec notre argent. Environ 50 % de l'argent des banques provient des dépôts des particuliers, qu'elles prêtent aux investisseurs via des produits financiers élaborés prenant généralement le nom de fonds de placements (FCP, SICAV...).
Les investisseurs institutionnels (Zinzins en jargon trader) qui font fructifier votre argent, dans le film et outre ceux cités précédemment, sont des fonds de pension anglo-américains (par exemple, les Scottish Widows, les veuves écossaises, pour en citer un très célèbre !) mais aussi l'ARRCO le régime français privé des retraites complémentaires, et le Fonds de réserve des Retraites (créé par Lionel Jospin en 1999) dont on parle en ce moment à propos de la réforme : le FRR détient à lui seul 30 milliards d'euros qui sont placés sur les marchés financiers ! Ce sont des masses énormes de capitaux ; vos portefeuilles d'épargne capitalisation viennent s'ajouter à ces masses de capitaux. D'où l'intérêt de faire de l'Investissement Socialement Responsable (ISR), sujet du film.
L'ISR a été "inventé" par une femme, une religieuse, comptable de métier, en charge de placer et investir l'argent de sa congrégation au mieux des intérêts des religieuses ; or les religieuses de cette congrégation implantée dans des pays en guerre soignaient précisément les enfants blessés par les mines anti-personnel que les conflits "régionaux" laissent derrière eux ! Un jour, en voyage dans une de ses communautés, elle est interpellée par une de ses sœurs qui lui demande : "Tu n'investis tout de même pas chez les militaro-industriels dont nous soignons les amputations d'enfants causées par leurs explosifs ?" Alertée, Nicole Reille (c'est son nom) a passé en revue tout son portefeuille d'actions en convoquant ses banquiers pour savoir où était placé l'argent de sa congrégation. Voyant que le critère number one, était le rendement maximum à l'exclusion de tout autre, elle a créé elle-même son propre fond d'investissement en sélectionnant ses entreprises selon des critères sociaux, éthiques, environnementaux et de gouvernance. Comme toujours, ce sont des femmes qui inventent dans ces domaines, et ce sont des hommes qui sentant venir la tendance, adoptent à reculons, puis finalement industrialisent ; à ce moment-là, l'inventrice à disparu des écrans radars de l'Histoire, et ils n'ont plus qu'à s'attribuer l'invention ! Nicole Reille est à peine connue, elle est mentionnée dans le film par une femme lobbyiste bancaire qui lui attribue l'invention ! A preuve, les deux traders ISR (Société Générale et Crédit Agricole de mémoire) interviewés sont des hommes ! Mais c'est vrai que la phynance est une affaire d'hommes, pour notre malheur, et comme on le sait depuis août 2008 !
Aujourd'hui, malgré "une aversion de la France pour l'éthique" -phrase entendue dans le film- les banquiers ont des (petits) départements et quelques traders ISR ; les associations Amnesty International, Les Amis de la Terre et Greenpeace ont pour leur part des lobbyistes -voir le deuxième film de Greenpeace ci-dessous- interpellant Michel Pébereau de BNP PARIBAS, "banque nucléaire", première banque mondiale à financer ce secteur, mais aussi les industriels et le grand public, sur l'éthique de leurs financements, comme ce projet de centrale nucléaire en Bulgarie sur une faille sismique (après nous, le déluge !), projet contre lequel les Amis de la Terre ont fait du lobbying.
Ci-dessous la bande-annonce du film Moi, la finance... : je vous rassure, la table à repasser ne sert qu'une fois et de façon ironique ! Le film est un ensemble d'interviews très claires et documentées qui font avancer la compréhension des spectateurs.
Pour être complète sur le sujet, Greenpeace (film en anglais) fait actuellement campagne pour tenter de faire BNP-PARIBAS reculer sur le financement d'une centrale nucléaire à quelques kilomètres de Rio au Brésil, centrale qui recyclerait du matériel destiné il y a plus de 26 ans à la centrale de Tchernobyl et resté stocké en attendant des jours meilleurs, qui sont arrivés apparemment, après que l'explosion de 1986 ait failli rendre inhabitable la moitié de l'Europe ! Ces pièces, vieilles de plus de 30 ans ne sont plus aux normes de sécurité actuelles. Via le site Stop Nuclear banks (arrêtez les banques nucléaires !) on peut écrire à Michel Pébereau pour lui demander d'arrêter de financer ce projet via nos économies.
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J'ai relayé, hors blog mais en milieu influent, ton article aussi passionnant qu'indispensable.
RépondreSupprimerC'est saoûlant à force cette récupération de nos meilleures idées. Ca me fait toujours penser à l'agriculture dont certain.e.s paléontologues attribuent l'invention aux femmes (ce qui parait logique) et qui non seulement a été récupérée par les hommes à partir de la mécanisation (tu parles !!!), est devenue intensive et nocive mais est désormais une trouvaille masculine. Pareil pour la médecine ...
RépondreSupprimerUn jour, ils s'attribueront les grandes avancées féministes (le jour où ce sera perçu comme un progrès humain ... donc, on a le temps !).
@ Euterpe : Merci. L'idée fait son chemin dans l'opinion publique, sans doute parce qu'elle de bon sens !
RépondreSupprimer@ Héloïse : "Un jour, ils s'attribueront les grandes avancées féministes..." : j'ai déjà entendu plusieurs fois que la loi Weil de 75 a été adoptée "grâce" aux francs-maçons, dont on sait que ce sont des hommes dans leur immense majorité. Exit dans ce cas le dur et opiniâtre combat des femmes pour avoir le choix de disposer librement de leur corps ! Il faut vraiment faire très attention.