mercredi 19 janvier 2022

Le monstre est parmi nous - Pandémies et autres fléaux du capitalisme

 The monster at our door - The global threat of avian flu - 2006 par Mike Davis 

The monster enters, nouvelle édition 2021, enrichie d'une préface écrite en avril 2021 en plein confinement aux Etats-Unis et partout ailleurs, préface dédiée bien sûr au SARS-Cov2.


Mike Davis est historien de l'urbanisme. J'ai eu l'occasion de citer sur ce blog un de ses textes (en fin de billet) sur le bidonville global ; son oeuvre décrit des villes mortes (Dead Cities), des villes de quartz (City of quartz / Los Angeles) et "le stade Dubaï de capitalisme" dans un style inimitable, maniant la métaphore avec intelligence et érudition. Ses ouvrages se lisent comme des romans. Mike Davis est marxiste. Le marxisme propose encore une critique acceptable du stade global du capitalisme que nous vivons actuellement. Dans Le monstre est parmi nous, Mike Davis annonce que la prochaine pandémie de grippe, le monstre c'est l'influenza -flu- du même type que celle de 1918-1920 dont le nombre de victimes, toujours non parfaitement dénombrées, a été évalué entre 14 millions à 100 millions de morts. En cas de "monstre" comparable (le SARS-COV2 est une promenade de santé à côté de la grippe HxNy) présentant la même virulence, vu que la population mondiale a sextuplé (X 6) en un siècle, on obtiendrait un nombre de morts entre 325 millions à 1 milliard pour les projections les plus pessimistes. Sachant que les taudis du début du XXème siècle, comme le manque d'hygiène dans les tranchées de la Grande Guerre, sont avantageusement remplacés et surmultipliés par les bidonvilles où s'entassent actuellement pratiquement 2 milliards d'humains. Humains déracinés, paysans sans terres, ruinés par l'agro-industrie intensive intégrée, paysans éleveurs extensifs, par exemple thaïlandais, clochardisés, dont "les filles peuplent désormais les bordels de Bangkok". Tandis que la grippe aviaire court dans les élevages d'Asie et dans le Sud-Ouest de la France, que nos désespérées "nuits des longs couteaux" (abattages massifs d'animaux) n'éradiquent plus, qu'elle flambe de plus belle ailleurs, sachant que la grippe porcine est dans les élevages des Côtes d'Armor, inspirée par l'ouvrage, voici la recette de la prochaine grippe, comme il y a un siècle.

MANUEL D'APOCALYPSE EN 11 ETAPES 

Poursuivre le peuplement humain incontinent, envahissant les espaces sauvages, à base de déforestation, de destruction de la biodiversité, de braconnage pour vendre de la viande de brousse (Afrique) et sur les wet markets (marchés humides vendant toutes sortes de bêtes vivantes en Asie) aux classes moyennes ;

Pour avoir de la viande à tous les repas, élever une mégafaune d'animaux entassés et serrés par dizaines de milliers dans des hangars ou des bâtiments à étages, avec la mortelle combinaison porcs / poulets concentrés sur des régions entières, animaux au système immunitaire déficient, affaibli par leurs conditions de vie, aggravé par l'uniformité des races cultivées / élevées ; 

S'aveugler sur la capacité de nuisance des capitalistes avides et corrupteurs qui ne croient qu'à la rentabilité immédiate, en jetant des millions de paysans familiaux et extensifs dans des mégalopoles et les bidonvilles du tiers-monde ; 

Pratiquer le tourisme de masse, les transhumances massives, les voyages en avion, lors des "fêtes traditionnelles" (Nouvel an Chinois, pèlerinages, tourisme...), et le vagabondage sexuel ;

Externaliser dans des pays à faible coût de main d'oeuvre la production industrielle de masques, respirateurs, seringues, aiguilles, de médicaments, de vaccins dont la fabrication est jugée peu rentable ; pour la prochaine, on ressortira les sacs poubelles en guise de surblouse pour les soignants. S'il en reste, ils seront les premiers à mourir en soignant leurs patients. 

Privilégier la recherche de molécules pour les maladies cardio-vasculaires, le diabète et les cancers, les troubles de l'érection des hommes (l'inénarrable Viagra et son marché de riches), et hystériser la menace bioterroriste ; l'assassin bioterroriste à notre porte, c'est la grippe notamment d'origine aviaire H5N1 et ses grandes capacités recombinantes ; virus à ARN se cherchant en permanence des hôtes pour se perpétuer, il cherche en permanence la clé d'entrée de nos cellules, en mode essai erreur, il va finir par la trouver ; 

Pratiquer l'austérité financière à l'hôpital et vis à vis du système de santé en vidant les stocks stratégiques pour faire des économies, de la gestion à flux tendus ; fermer des services de recherche et d'excellence ; privilégier les intérêts économiques aux questions de santé publique dont l'actuelle pandémie a démontré que sans services de santé agiles, il n'y a plus d'activité économique ;

Continuer l'égoïste politique vaccinale et de vente de médicaments (Tamiflu) "America and Europe first, Africa last" : nous sommes, en matière de pandémies, interdépendants ; entasser des pauvres dans des bidonvilles surpeuplés avec une seule toilette pour 2000 habitants ;

Continuer à saturer l'air de polluants (fumées, substances chimiques…) ; évidemment, ne rien faire pour combattre la crise climatique ni l'effondrement de la biodiversité. La diversité des espèces nous protège des virus, en leur opposant des systèmes immunitaires différents et robustes. Or nous privilégions uniformément la "culture de la betterave", pour paraphraser Claude Lévi-Strauss.  

Cacher ou minimiser une épidémie, mentir à l'OMS pour des raisons économiques et de prestige, menacer les lanceurs d'alerte comme en 2019 en Chine, et avant, en Thaïlande, lors d'une épidémie de IHAP Influenza Aviaire Hautement Pathogène où des gens, des enfants, sont morts en même temps que de millions d'oiseaux étaient enterrés vivants ou éliminés par le gaz ; 

Continuer la concentration de la production de nourriture, notamment de viande, aux mains de quelques industriels tout-puissants, souvent corrompus et opaques.  

La voilà la recette du désastre. Le pire n'est pas forcément sûr, Mike Davis rapporte en toute équité que la grippe espagnole (appelée ainsi parce que ce sont des journaux espagnols libres qui l'ont annoncée les premiers) serait selon un épidémiologiste un accident unique dans l'histoire humaine. On peut espérer. Mais il est tout de même prudent de prendre des précautions. Il est incontestable que le rythme des épidémies s'accélère. Les deux SRAS (2003 et 2019) ne sont peut-être que des émissaires. Tenons compte de l'avertissement. La lecture de cet ouvrage est informative et salutaire.

" Le SRAS comme le VIH est un dérivé effroyable du commerce international d'animaux vivants, commerce le plus souvent illégal et étroitement corrélé à l'exploitation forestière et la déforestation. Mike Davis

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