Nos économies et nos vies sont plombées depuis 7 mois par un virus très contagieux : arrêt de l'économie de la planète pour confiner les gens à domicile ou à l'intérieur des frontières, pour arrêter la propagation, préserver les services de santé. Chute consécutive des sacro-saints PIB (Produits Intérieurs Bruts) donc chômage et récession en vue, peut-être pire qu'en 2008-2010, et, dans les pays où il n'y a pas de filets sociaux, des gens se retrouvent expulsés de chez eux, toutes leurs possessions sur le trottoir. Vous remarquez comme moi qu'on ne parle plus que masques, relocalisation de la production, recherche frénétique de médicaments et d'un vaccin. Toujours le nez sur l'événement, aucune anticipation, crise puis remèdes à la crise. Ca tombe bien, ça fait du PIB : investissements lourds sur la recherche et l'industrie, commissariat au plan comme dans les années 50 du siècle dernier, et l'inévitable concours de bites qui va avec comme d'habitude : Professeur Raoult contre l'establishment parisien chez nous, et qui va trouver un vaccin le premier : Poutine ou Trump ? On est sur des charbons ardents.
Depuis des décennies, on avertit que l'élevage est porteur d'une bombe à retardement, que le braconnage est un danger qui nous met face à des contaminants inconnus voire mutants, et qu'une crise sanitaire menace ; il y a bien eu quelques avertissements où il n'y avait que les animaux qui trinquaient (les épizooties qu'on a connues depuis 20 ans), avec l'avertissement sérieux tout de même en 2003 du SRAS qu'on s'est empressés d'oublier, aidés par la grippe porcine H1N1 qui fit long feu en 2011. Les chinois, dont les comportements égoïstes envers les animaux et la vie sauvage ne sont jamais questionnés, les caprices de leur classe moyenne naissante de nouveaux-riches participant à leur croissance à deux chiffres, provoquant le pillage des ressources naturelles de la planète, mais puisque le mythe de la croissance infinie est inamendable, ils procèdent à la destruction de la scène de crime à Wuhan où l'épidémie a démarré. Plus de scène de crime, plus de crime. Non lieu. Je ne suis évidemment pas contre le fait qu'il faille lutter contre les virus et les crises qu'ils provoquent, mais un peu d'anticipation et de prudence, ne parlons pas du déni, nous éviterait ces apnées économiques que tout le monde va payer au prix fort.
" La viande est puissante ", " manger de la viande est une affirmation féroce de pouvoir " écrivait Martin Caparros dans La faim, son ouvrage de 2015 que j'avais chroniqué ici même.
Et la viande est violente. Sa violence contamine tout le reste de la société. La peste soit des mangeurs de viande !
J'ai lu ce polar noir de Frédéric Paulin, paru en 2017 à La manufacture du livre, polar qui tombe à pic en ces moments de pandémie globale. J'ai commencé à lire l'oeuvre de Paulin par sa trilogie sur le terrorisme islamique qui rencontre un grand succès : La guerre est une ruse, Prémices ce la chute et La fabrique de la terreur, ce troisième tome récemment paru. Ca m'a donné envie d'en lire plus. Frédéric Paulin est breton d'adoption, rennais même, et la plupart de ses premiers romans policiers se passent à Rennes. Je ne fait bien entendu aucune crispation identitaire, je lis Paulin parce que je lis des polars, que son style est alerte, qu'il est drôle malgré sa noirceur, qu'il décrit bien notre époque, et qu'au final, dans ce dernier roman noir de 2017, il écrit une charge contre la viande et ses barons industriels. Scène de crime du début du roman : un flic est trouvé au petit matin, saigné, égorgé, dans un abattoir. On va immédiatement soupçonner un petit groupe d'antispécistes qui évoluent dans le coin. Ce polar est prétexte pour le végétarien Paulin à une charge contre la violence de la société, à commencer par celle infligée industriellement aux bêtes dites de boucherie, qui contamine littéralement tout le reste. L'antispéciste créateur de La mort est dans le pré (SIC), un groupe clandestin qui prétend défendre activement les animaux après une infiltration dans un abattoir où il vont découvrir le sort abominable des cochons dès la descente du camion, est de fait un violent, obligé d'aller chercher à s'armer auprès de groupes islamistes d'Europe centrale (ex yougoslavie) ; une protagoniste capitaine de police est une femme battue qui va finir par retourner la violence de son conjoint, bref une épidémie de violence, une véritable contamination. Le seul qui gagne à la fin, c'est le Président du Syndicat des producteurs de viande, un cynique absolu, anticipant la défection occidentale, mais surtout escomptant les gains de parts de marché de l'Asie et de l'Afrique !
La peste soit donc des mangeurs de viande. De la misère sociale qu'elle induit : une partie de l'action se passe lors du conflit social des abattoirs GAD à Lampaul Guimiliau (Finistère) désormais fermés, mais où, souvenez-vous un certain Emmanuel Macron était allé, puis revenu, en disant qu'il y avait des "illettrés" parmi le personnel (ce qui lui fut reproché par les bien-pensants de gauche qui ne veulent rien savoir des conditions de production de leurs steaks) constatant ainsi la sociologie des damnés de la viande dont personne ne veut jamais rien entendre, surtout à gauche ! Je rappelle au passage que partout dans le monde, au moins le monde libre où ces choses se disent et s'écrivent, les ouvrier-es d'abattoirs ont payé un très lourd tribut au coronavirus SarsCov2, y compris dans nos régions. En Mayenne, Sarthe et Finistère notamment. Ces ouvriers, tâcherons pour la plupart, parlent même à peine français : ils sont roumains ou maliens dans les abattoirs bretons. Ils peuvent donc à peine se défendre, ça tombe bien, c'est la garantie de la viande à bas coût.
On n'en a pas fini avec ce virus, il va sans doute nous empêcher de vivre normalement pendant quelques temps encore. Espérons qu'il ne va pas en ressortir une génération de crétins qui n'auront pas pu aller à l'école et à l'université normalement, et que surtout, l'après coronavirus sera différent du "monde d'avant". Je suis pessimiste, les industriels de la viande ont en effet constaté une progression de leurs ventes de steaks hachés durant le confinement. Personne n'apprend rien décidément. En attendant, comme écrit Paulin, le marché chinois "fait bander" les industriels bretons.
Je laisse le dernier mot à des artistes : ils sont toujours aux avant-gardes, ils voient ce que nous ne voyons pas avant tout le monde : Patrick Morrissey, The Smiths, qui figurent en exergue du roman de Frédéric Paulin.
it's not natural, normal or kind
the flesh you so fancifully fry,
the meat in your mouth
as you savour the flavour
of murder
no, no, no, it's murder
no, no, no, it's murder
who hears when animals cry ?
The Smiths - Patrick Morrissey
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