lundi 28 septembre 2020

Carnage : Pour en finir avec l'anthropocentrisme

Egorgés, abattus au fusil après une course épuisante, piégés, étranglés dans des collets, braconnés, trafiqués, enlevés à leurs parents et transportés enfants hors de leur biotope (la folie des guépards en Arabie saoudite), butés par des gendarmes ou des officiers de louveterie parce qu'ils ont tenté d'échapper à l'abattoir, ou parce qu'ils "prolifèrent", peu importe qu'ils soient "protégés" par deux conventions internationales (loups) ; esclavagisés dans des zoos et des cirques, battus avec des pioches et des pinces, éviscérés vivants, étouffés, remontés des fonds abyssaux, organes éclatés par la différence de pression, nassés, empoisonnés au cyanure, retournés sur le dos et égorgés dans des pièges à l'abattoir, noyés dans leur sang giclant jusqu'au plafond et sur les murs, mal étourdis électrodes dans l'œil quand ils sont des porcs, ébouillantés et dépecés vivants à la scie pour les vaches, porcs, volailles, chassés pour leur ailerons puis rejetés vivants à la baille pour les requins, expérimentés dans les laboratoires pharmaceutiques (chiens, rats, souris, macaques), encagés dans des cirques, incarcérés donc rendus fous dans des zoos, accablés de charges aussi lourdes qu'eux qu'ils portent jusqu'à épuisement, assassinés dans des chasses-loisirs par des gros tas américains s'exhibant ensuite sur leurs cadavres ; envoyés à la mort dans nos incessantes guerres stupides, envoyés en troupeaux sur des champs de mines pour les faire exploser en explosant eux-mêmes (moutons sur les plages du Débarquement), traversant des champs de bataille avec le courrier accroché au cou (pigeons), porcs vivants utilisés comme matériel de crash test dans l'industrie automobile ou utilisés comme matériel d'expérimentation militaire ; modifiés génétiquement pour produire toujours plus de muscle ou de lait, confinés dans des élevages où règne une telle promiscuité qu'ils en deviennent fous, tripotés par des touristes, ces plaies invasives, dépouillés de leur fourrures et peaux pour en faire des manteaux et des sacs, jamais en paix, et avant tout calomniés par l'espèce humaine, rejetés dans une altérité radicale, pour mieux les exploiter dans toutes sortes d'industries lucratives et puissantes ; butés sur les bords des routes parce que les quadrillages de nos voies routières, ferrées et maritimes de leurs territoires les font prendre tous les risques pour se rencontrer, s'accoupler ou simplement se nourrir ; étouffés avec des sacs plastiques en mer et sur terre, la gueule arrachée par un piège bourré d'engins explosifs comme les éléphants en Inde... 


La première moitié du livre tente un recensement du malheur infligé aux animaux par l'espèce humaine. C'est accablant. Tant et si bien d'ailleurs que le vivant est en train de s'effondrer autour de nous, dans l'apathie repue générale. Le spécisme -action de considérer qu'une espèce est plus importante qu'une autre et que les autres espèces sont des moyens pour les fins humaines- continue ses ravages : pas une journée ne se passe sans que nous en soyons témoins ! Ainsi ce matin, sur France info, chronique de l'histoire édifiante d'un "rat mignon, oubliez le vilain rat en bas de chez vous" SIC qui a été médaillé pour avoir détecté des mines au cambodge. Sous-texte pour les mal-comprenant : quand ils nous rendent des services, les animaux sont utiles et l'espèce humaine les tolère et peut même les trouver "mignons" ! Evidemment, ça ne tient pas une minute, allez voir la photo, c'est un rat, de l'espèce rat, et si vous trouvez les rats moches, surtout comparés à la magnifaïque, bellissime, hors-concours espèce humaine, en face de la bête, vous allez monter sur une chaise ou vous évanouir. A l'instar de sa cruauté, la mauvais foi humaine n'a pas de fond. 

La deuxième partie du livre se demande s'il y a des justifications à un tel massacre d'être vivants : "l'espèce humaine tue consciemment volontairement chaque minute dans le monde, plus de 2 millions d'animaux". Ils sont généralement décomptés en tonnages, les abattoirs affichant rarement le nombre d'individus (sentients, éprouvants des émotions, détenant un savoir qu'ils transmettent à leur jeunes, mères maternelles) ; c'est notamment le cas des pêcheurs qui ne savent, ne comptent pas individuellement leurs prises, ils raisonnent systématiquement en "stocks", "ressources" et "tonnages", cela aboutit à  vider les océans et les mers sans états d'âmes en utilisant des technologies de guerre (sonars, radars détecteurs de bans, grenades, harpons..). Car c'est bien d'une guerre dont on parle. Une guerre d'extermination. 

" Une plainte continue monte des fermes, des laboratoires, des arènes, des cuisines, des abattoirs, des niches, des cages ou des bois, de toutes les parcelles de la Terre. Le cri des bêtes nous assourdit. Leur sang nous inonde. Ceux à qui on laisse la vie sauve ne connaissent pas un sort plus enviable. Captifs ou dressés, ils offriront toujours une image de vaincus dans un monde entièrement gouverné par des rapports de force d'autant plus admirables qu'inutiles, arbitraires et gratuits. " *

Pour Jean-Marc Gancille, le réformisme, le welfarisme (agrandissement des cages, libre-parcours, cameras dans les abattoirs pour surveiller les "bonnes pratiques d'abattage" SIC, les abattages à la ferme sensés supprimer les transports sur de longues distances, la défense de petits pêcheurs artisanaux contre les chalutiers industriels, en démontrant, chiffres à l'appui, que la Méditerranée a été vidée par des pêcheurs à bateaux de moins de 12 mètres..., toutes ces bonnes intentions ne font que masquer que, finalement, c'est toujours à la mort de l'animal qu'on aboutit. Pour RIEN. Nous n'avons aucun besoin de viande ni de poisson pour nous nourrir : les végétariens et véganes actuels, ou venant du fond de l'histoire, car ce mouvement de libération animale existe depuis que les humains arpentent la planète, en sont la preuve vivante et en bonne santé sous nos yeux, le contester fait montre d'une obstination dans la mauvaise foi. Le réformisme ne fait que, au final, justifier le système, le cautionner, le faire durer. Ce que font les désespérants écologistes actuels, type EELV, avec leurs oxymores "développement durable, viande éthique, pêche artisanale, gestion de la ressource"... : le malheur et l'arnaque se perpétuent. La façon dont l'humanité traite les animaux, notamment dans l'industrie de l'élevage, par caprice de riches, est un naufrage moral. 

Les animaux sont, comme nous, l'aboutissement d'une longue évolution, comme nous le résultat d'une longue adaptation parsemée d'écueils surmontés, d'apprentissages et de transmission de ces apprentissages. Mieux même, nous sommes tous interdépendants : l'humanité ne survivra pas au dépeuplement et à l'acidification des océans, à des températures moyennes de 45° C à l'ombre, à l'expansion des déserts, à l'effondrement de la diversité des insectes, arthropodes, et vers de terre (la majorité de la biomasse de la planète alors que l'humanité n'en représente que 0,01 % !) qui aèrent, cultivent et rendent nos sols féconds, à l'effondrement des mammifères terrestres par nos élevages et cultures agricoles pour nourrir surtout des animaux, qui concurrencent la place des espèces sauvages : l'auteur préconise l'arrêt total et immédiat de l'élevage, de reconnaître un statut juridique aux animaux, la végétalisation totale de l'alimentation humaine, la fermeture des zoos, l'arrêt définitif de la chasse et de la pêche, le ré-ensauvagement de 50 % des terres et océans de la planète, où les espèces sauvages exerceraient leurs droits à l'autodétermination sans que nous y intervenions et y mettions notre grain de sel ; vu la façon à la gribouille dont nous nous y prenons, dont nous nous y sommes pris jusqu'à maintenant, nos gros sabots de suprémacistes piétinant la porcelaine de l'équilibre fragile de notre biotope, cela me paraît de bon sens. Rien ne peut être pire que la perpétuelle et désastreuse intervention humaine. Nous n'avons de toutes façons plus le choix : nous sommes au pied du mur, acculés. Où nous changerons RADICALEMENT nos comportements de tueurs anthropocentristes ou nous périssons. L'humanité ne survivra pas à la déforestation, à l'avancée des déserts, à des températures de 58° C dues à l'effet de piégeage du carbone dont l'élevage est un puissant pourvoyeur, à la pollution qui suit toutes ses colonisations des territoires des autres, à la surpopulation sur une planète désolée où les autres terriens ne seront que quelques espèces élevées à grand frais environnemental pour nos mythiques protéines animales. Les milliards de poulets que nous torturons et confinons dans des tunnels sont déjà les plus nombreux habitants de la planète. Nous vivons sur la planète du poulet d'élevage. Nous ne survivrons pas dans un désert déforesté, brûlé, à l'air irrespirable, à la montée des eaux, à la cueillette sur des tas d'ordures, comme c'est déjà le cas pour la partie la plus défavorisée de l'humanité. Nous allons devoir tourner le dos au mauvais chemin où l'humanité s'est engagée lors de la "révolution" du Néolithique selon Yuval Harari, en espérant qu'il ne soit pas trop tard. Ca va être dur, notre déni freinant nos prises de conscience, il va nous falloir être la Terre qui se défend contre la prédation humaine. Courage les défenseurs des animaux, soyons radicaux. 

CARNAGE : nom masculin, action de tuer un grand nombre d'animaux ou d'humains.

" Par la faute de l'anthropocentrisme, nous sommes devenus ce primate nu gonflé d'orgueil, qui s'est auto-persuadé d'être une légende épique. " Paul Watson, pour la préface. 

Charles Patterson, universitaire, historien, s'interrogeant sur les torts terribles que nous infligeons aux animaux, écrit en 2002 Un éternel Treblinka. Isaac Bashevis Singer, écrivain juif d'expression Yiddish, Nobel de littérature, ayant vu sa famille engloutie dans la Shoah écrira : "pour ces créatures (animales), tous les humains sont des nazis". 

" On sait que la grande majorité de ceux qui, descendant des trains, se retrouvaient sur les rampes des camps d'extermination ne parlaient pas allemand, ne comprenaient rien à ces mots qui ne leur étaient pas adressés comme une parole humaine, mais qui s'abattaient sur eux dans la rage et les hurlements. Or, subir une langue qui n'est pas faite de mots mais seulement de cris de haine et qui n'exprime rien d'autre que le pouvoir infini de la terreur, le paroxysme de l'intelligibilité meurtrière, n'est-ce pas précisément le sort que connaissent tant et tant d'animaux ? " Elizabeth de Fontenay, philosophe, Le silence des bêtes, la philosophie à l'épreuve de l'animalité, 1998, chez Fayard.

* Citation de Armand Farrachi Les ennemis de la terre

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