94 % des noms de rues, places, ponts..., portent des noms d'hommes, généraux et fauteurs de guerre la plupart du temps. Les 6 % restants, des noms de femmes, sont généralement affectés à des allées ou des impasses (SIC). Marie Curie est habituellement sur des plaques de rues affectées à Pierre ET Marie Curie, les femmes peinant à exister par elles-mêmes, aussi illustres soient-elles. Sur 302 stations de métro parisien, 3 seulement portent le nom d'une femme.
75 % des budgets d'aménagement et d'urbanisme sont affectés aux hommes : skate parks, terrains de foot, grands stades, souvent vides ou à moitié pleins, mais tous fréquentés par des mâles. Imaginez vous une structure urbaine ayant coûté leur peau aux contribuables, où 60 000 femmes iraient brailler les samedis soirs ? Justifications des urbanistes : il faut calmer ces enragés frustrés ! Euh, pardon, il disent plutôt "dispositifs d'insertion des jeunes", ou "canaliser la violence des jeunes", ça sonne mieux et comme "jeune" n'est ni mâle ni femelle, ni vu ni connu, je t'embrouille. En réalité, il faut entendre "la violence des garçons". Les démagogiques élus et services jeunesse des villes célèbrent les cultures urbaines : skate, graff, hip-hop, toutes occupant des garçons. En pure perte : c'est toujours plus sale, plus occupé par des gars brutaux proférant des insultes.
Les filles ne fréquentent pas les lieux dominés par les garçons, les skate parks notamment, ça vient de la sale réputation des mecs, mais on préfère se réfugier derrière d'autres prétextes : les filles ont autre chose à faire, elles préfèrent rester à la maison. D'ailleurs, si jamais l'envie leur prenait de jouer dans les lieux à dominante masculine, les insultes sexistes fusent : "eh, connasse", "sale pute", "t'es bonne", le harcèlement et le terrorisme sexuel s'y manifestent frontalement.
Les femmes qui se déplacent plus en ville, et différemment des hommes, utilisent majoritairement les transports en commun. Dans les moyens de transport "doux", la bicyclette rime avec Paulette (Yves Montand). Le vélo, lui, rime avec Paulo, virilité, performance, risque, chute. Ils le paient d'ailleurs au prix fort : 80 % des accidents et 85 % des morts sont des mecs. Ici, je vous autorise un ricanement sardonique.
La ville se construit au masculin : les politiques d'urbanisme se discutent entre hommes, si quelques femmes présentes veulent prendre la parole on la leur coupe, on les recadre en prétendant que les sujets qu'elles abordent (enfants, famille) ne sont pas pas des sujets d'intérêt GENERAL, ils provoquent des rires et du brouhaha, suivis de rappels à l'ordre. La ville reste sournoisement le terrain de chasse des mâles hétérosexuels, où les femmes sont des proies.
Ce petit livre de la Collection EgalE à Egal des Editions Belin écrit par le géographe Yves Raibaud est très dense, il fourmille d'informations en 67 pages ! A lire pour balayer les idées reçues sur la ville, surtout si vous êtes élue ou si vous vous occupez de politique locale. Ou juste si vous voulez mesurer l'étendue du désastre.
Lien vers le journal du CNRS : Une ville faite pour les garçons - Yves Raibaud
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