mardi 16 août 2016

Libérez Jacqueline Sauvage !

Après deux procès d'Assises où Jacqueline Sauvage est finalement condamnée à 10 ans ferme pour le meurtre de son mari qui la violentait -avec peine incompressible de 5 ans, la légitime défense n'est pas reconnue par le Tribunal-, une pétition réclamant la grâce de la condamnée qui recueille plus de 435 000 signatures, puis une grâce partielle (liberté conditionnelle sans période de sûreté) accordée par le Président Hollande, finalement, le JAP (Juge d'application des Peines) rejette sa demande de libération et décide du maintien en prison de Madame Sauvage le 12 août 2016, après que la commission d'évaluation ait conclu à sa capacité à récidiver et donc l'ait déclarée dangereuse. Notez que le Parquet de Melun était favorable à sa libération. Il a d'ailleurs fait appel.

Photo : Karine Plassard
 
Après 48 ans de sévices par le "prince charmant", sur elle et ses filles, le cogneur n'étant plus de ce monde, on se demande la sécurité de qui Madame Sauvage pourrait bien menacer ! Contrairement même à ce que pense une de mes lectrices farouchement anti-chasse comme moi, je ne la vois même pas recrocher dans un fusil de chasse pour tuer une bécasse ! D'ailleurs, je ne le lui conseillerais pas. Mais bon, les fantasmes de la société sur les "femmes violentes", le tabou universel des armes pour les femmes -abondamment documenté par les anthropologues femmes justement- dans le but de les contraindre aux services sexuels et à la reproduction forcée : Jacqueline Sauvage tue avec un fusil de chasse, ce qui est mal porté pour une femme, la littérature abonde d'empoisonneuses diaboliques, le poison est moins phallique ; rajoutez les réflexes corporatistes de la Justice désavouée par l'opinion publique (succès de la pétition) et le Président de la République, tout cela fait sens et peut expliquer le jugement du 12 août.

Mais ce qui explique surtout, c'est l'éternel angle mort où se trouve la violence contre les femmes, ce point aveugle de la société : elles auraient dû porter plainte, s'enfuir du domicile (étrange comme c'est la victime qui doit se punir en abandonnant son chez elle, pas le cogneur !) en laissant tout derrière elles. Les exemples abondent-ils que des femmes meurent justement d'avoir osé quitté le violent qui ne supporte pas l'affront fait à son égo, qu'il tue tout le monde : enfants, compagne, voire belle-famille et voisins qui tentent de s'interposer, avant de se donner la mort ? Mais rien n'y fait. Et puis, ces affaires sont évoquées sous tant de formules euphémisantes et romantisées selon le storytelling des journalistes : "drame familial", "drame de la séparation", "crime passionnel", "différend familial", formules qui banalisent et excusent les violences faites aux femmes. Il arrive couramment que la terreur machiste d'époux évincés fasse plus de victimes qu'un terroriste djihadiste : voyez-vous les plateaux de télévisions envahis non stop d'experts pendant des jours pour évoquer le crime, ses conséquences traumatiques, et proposer des solutions ? Voyez-vous Bernard Cazeneuve arriver sur les lieux pour afficher sa solidarité avec les victimes ? Sûrement non. Le terrorisme machiste sert pourtant aussi à cela : à montrer aux récalcitrantes qu'elles agissent à leurs risques et périls, que les cogneurs ont les moyens de les faire rentrer dans le rang, avec l'appui de la justice et de la société encore ! Sinon, elles le paieront de leur mort et de celle de leurs enfants et proches. Alors comment comprendre dans ces circonstances l'étonnement du tribunal sur le fait que Jacqueline Sauvage ait supporté la violence maritale pendant des décennies ?

Comparons également les libérations conditionnelles d'un Bertrand Cantat condamné à 8 ans de prison par un tribunal lituanien pour le meurtre de Marie Trintignant, et libéré par un JAP français à la moitié de sa peine, car il donnait toutes garanties de non dangerosité et de
réinsertion ? Sa première épouse, sans doute elle aussi victime de sa violence s'est suicidée, mais la société regarde ailleurs. Autre cas, celui sud-africain cette fois, d'Oscar Pistorius, condamné à cinq ans de prison pour le meurtre de Reeva Steenkamp, libéré quelques semaines plus tard. Décision tellement choquante que là aussi, le Procureur a fait appel. Et il n'y aurait pas de double standard ?


La grande tolérance de la société aux injustices et aux violences faites aux femmes a plus qu'assez duré ! Justice pour Jacqueline Sauvage. Que la justice entende enfin les victimes !
On ne lâche rien.
Nouvelle pétition pour la libération totale de Jacqueline Sauvage - Signez et partagez. Merci.

Liens : Sur l'invention journalistique "crime passionnel" justifiant le meurtre conjugal par des époux/amants frustrés.
Tout est bon pour justifier ou romantiser la boucherie : Storytelling de journalistes Il était une fois le "crime passionnel"
Pétition à Jean-Jacques Urvoas sensibilisant les magistrats aux propos minimisant les violences aux femmes - A signer. 

8 commentaires:

  1. Quelle honte, pauvre femme. Quand vont-ils enfin la laisser vivre le reste de sa vie tranquille ?

    C'est loin d'être gagné pour les violences envers les femmes, cherchez Judge Persky dans actualités, vous allez avoir des raisons supplémentaires de hurler.

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    1. L'affaire Brock Turner ! Lamentable. Droit de violer http://madame.lefigaro.fr/societe/viol-a-stanford-laffaire-entre-les-mains-des-politiques-130616-114724
      et la pétition en anglais ici https://www.change.org/p/california-state-house-recall-judge-aaron-persky

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  2. Il y'a plus que l'affaire Turner, d'autres dossiers sont tout aussi accablants, une victime de coups et blessures avec temoignages et preuves -- > son bourreau a pris 12 week-end de prison pour que ce pauvre homme ne perde pas son précieux emploi; un amateur de documents pedophiles --> 4 jours. On comprend mieux pourquoi les avocats commis d'office prennent sa défense...

    Le plus écoeurant, c'est qu'apparemment ce type se posait en défenseur des femmes quand il était procureur, on voit son vrai visage maintenant qu'il est au sommet de sa carrière.

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  3. J'oubliais, techniquement ce juge n'a commis aucune faute, la seule pétition pouvant le destituer doit être organisée et signée par les électeurs de son comté, toutes les autres n'ont hélas qu'une valeur morale.

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    1. Bien sût ! Mais j'ai quand même signé, et Change ne m'a pas refusée.

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  4. Mme Sauvage ne va pas faire appel. Bilan de sa vie 57 ans d'emprisonnement.

    Écoeurement total.

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    1. Oui, d'autant plus que puisqu'elle renonce à faire appel, l'appel du Parquet qui la soutenait est annulé aussi ;((
      https://www.franceinter.fr/justice/jacqueline-sauvage-renonce-a-faire-appel-du-rejet-de-sa-demande-de-liberation-conditionnelle

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    2. Finalement, dimanche, Jacqueline Sauvage fait appel de son maintien en détention http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2016/08/21/jacqueline-sauvage-fait-finalement-appel-de-son-maintien-en-detention_4985694_1653578.html

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