Le 15 août est la fête de Marie, le modèle de femme agréé par l'Eglise catholique vaticane, et ses pères fondateurs. Parce qu'il s'agit bien d'une religion de pères où on a tenté d'évacuer le féminin !
Marie est une déclinaison de la déesse Isis, la grande mère solaire des égyptiens. Isis est veuve d'Osiris, son frère, et mère d'Horus : j'avais écrit un billet sur sa biographie par Florence Quentin, il y a quelque temps. Cette église intolérante aux femmes a tout de même dû se plier au désir populaire d'une figure féminine qui lui manquait terriblement. Marie, sainte populaire, est elle, tout à fait acceptable par le Vatican après les contre-modèles (normal pour une religion misogyne) de quelques femmes qu'on trouve dans la Bible judéo-chrétienne : Lillith qui dit carrément non à Dieu (quel culot !) quand il lui propose un compagnon, Eve la curieuse, qui dit oui, mais par qui la Chute et l'invention du péché arrivent, enfin Marie, troisième prototype, le bon enfin, qui dit oui à tout : "Je suis la servante du Seigneur".
Si elle a réellement existé, cette très jeune femme a très probablement été violée par un soldat romain dans la Judée occupée, et comme en patriarcat, idéologie des renversements, la victime devient fautive, pécheresse, le salopard de violeur ayant mis les bouts, et qu'une femme -enceinte de surcroît- est toujours plus facile à coincer, elle risque d'être mise au ban de la société en portant un enfant illégitime : "fille-mère", ça ne pardonne pas, même encore aujourd'hui dans plein d'endroits du monde ! Heureusement pour elle, un vieillard voulant joindre la charité à l'agréable, se propose de l'épouser : l'honneur est sauf, puisque son enfant a un père, tout finit bien. "Que la volonté de Dieu soit faite". Admirez le tour de passe passe : plus de violeur, plus de méchant, Marie est enceinte du "Saint-Esprit" et elle accepte son sort.
Cette thèse du Christ produit d'un viol n'est pas née dans mon cerveau enfiévré de mécréante, je l'ai entendue dans la bouche d'un respectable exégète de la passionnante série de Prieur et Mordillat "L'origine du Christianisme" diffusée en 10 épisodes en 2006 sur Arte.
Je vous propose quatre icônes montrant comment la Vierge Marie a réincarné Isis l'Eternelle en s'en inspirant :
Trois "Isis lactans" de l'époque pharaonique (amulette, faïence).
La vierge en majesté de Notre-Dame d'Orcival (Puy de Dôme), vierge noire médiévale du XIIème siècle, carrément isiaque. On s'y tromperait.
Enfin, La Vierge au buisson de roses de Stephan Lockner (vers 1450), Marie, la "rose sans épines", sauf que la rose est un des attributs d'Isis : vie éternelle, connaissance et résurrection. Le serpent, symbole chthonien de vie et de fécondité est aussi un des attributs d'Isis, que Marie foule aux pieds dans l'iconographie chrétienne laquelle, ne pouvant s'en débarrasser, tente par là de le transformer en symbole du Malin. Sexisme et spécisme alliés de toujours, les serpents, universellement honnis comme les femmes, n'ont jamais fini de le payer. On voit un serpent sur la manche richement brodée de ce portrait d'Elizabeth 1ère en Isis.
Liens supplémentaires :
Puisque nous sommes en août, triste anniversaire des bombardements de Hiroshima et Nagazaki, allez jeter un œil sur ce billet de blog "Une histoire de mecs", à propos des "Little boy", "Fatman" et "Boksman" : quand les hommes enfantent, leur obsession de toujours, ils produisent des monstres.
En recherchant de l'iconographie pour ce billet, je suis tombée sur ce site matricien : Les mystères d'Isis, source de vie et inversion judéo-chrétienne. Je ne vous mets qu'un écran, mais on peut explorer le site. J'ai bien regardé, ils n'ont pas l'air de sectaires allumés, sauf si quelque chose m'a échappé.
Actualisation 21/8/15 : Grâce à la vigilance d'une lectrice que je remercie (voir les commentaires), sur deux écrans il y a des points de vue inconciliables avec les idées féministes : on peut lire que "le patriarcat n'existe pas plus que le matriarcat" sur le dernier paragraphe de ce lien ; et aussi que "le féminisme qui exige le partage de tout" est patriarcal (!), également dans le dernier paragraphe de cet autre lien.
" Je vis, je meurs, je suis orge, je ne péris point " *.
* D'où Jean, le "Taliban du Christ" selon Emmanuel Carrère dans Le Royaume, a tiré sa phrase "Si le grain ne meurt, il reste seul, s'il meurt, il porte beaucoup de fruits". C'est vraiment le coin des copieurs sans imagination.
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D'après le livre (malheureusement pas traduit) "Magie, Matriarchat und Marienkult" (Magie, matriarcat et culte de Marie) de Karin Gaube et Alexander von Pechmann : avec Marie, il ne reste que la mère nourricière ; la féminité originelle de la femme exigeante et indomptable
RépondreSupprimera été éliminé. De la mère anticonformiste, vivace, colérique et critique, on est passé à la servante du Seigneur, un vase passif et sans volonté.
Effectivement, femme-individue désamorcée, dépouillée de tout caractère personnel et original, le vase au service de la reproduction (de préférence à l'identique) des mâles. Domestiquée pour le service des hommes-parasites.
SupprimerJe connaissais l'association d'Isis et du serpent grâce à la légende qui y est liée mais pas celle avec la rose, je serais ravie d'en apprendre plus si vous pouviez m'indiquer la source.
RépondreSupprimerJe vois aussi que la qualité de vos références (je possède les DVD «L'origine du christianisme» pour une fois que l'on voit des femmes spécialistes intervenir) est toujours remarquable, dommage que vous ne puissiez pas vivre de tout le travail documentaire que vous réalisez sur ce blog.
Dans le domaine de l'exégèse, j'apprécie aussi les livres de Bart D. Ehrman, je ne sais pas s'ils sont traduits en français mais il me semble que vous maîtrisez l'anglais.
Pour les roses isiaques, ma source, c'est Isis l'éternelle - Biographie d'un mythe féminin par Florence Quentin, en lien dès le début de mon article. A lire absolument.
SupprimerL'origine de Christianisme comme Corpus Christi, les deux excellentes séries d'Arte, je les ai vues à leur diffusion début des années 2000 : excellentes séries simplement filmées sur fonds noirs et fins d'épisodes en cliff hanger, tant et si bien qu'on attendait le suivant (rythme hebdomadaire !) en rongeant son frein d'impatience ;) C'était génial. Merci pour la référence, j'irai voir. Et merci de votre passage et de votre commentaire.
Je n'aurais pas du vu le prix, mais je viens de l'acheter et ça me rappelle pourquoi j'achète peu d'ebooks en français...
SupprimerEnfin, je n'ai jusque-là jamais eu à regretter d'acheter un livre que vous avez recommandé et je doute que cette fois soit différente.
J'ai parcouru le site matricien; ce qui m'a dérangée, c'est qu'ils nient l'existence de la domination masculine et prétendent que c'est une "supercherie du néoféminisme de la théorie du genre"...
RépondreSupprimerZut, je n'ai pas vu ça ! Effectivement, c'est plus que dérangeant ! Ç’aurait été bien de mettre le lien vers l'écran concerné... pour m'éviter de chercher.
SupprimerDésolée, je n'y ai pensé qu'après coup. C'est dans le dernier paragraphe de cette page: http://matricien.org/parente/patriarcat/
SupprimerJe pense que leurs idées sont essentialistes. Cela se voit aussi à la fin de cette page: http://matricien.org/couvade/
En tout cas merci pour votre blog passionnant!
Oui, vous avez raison : je n'ai pas lu avec assez de soin ! Le patriarcat n'existerait pas, et les féministes sont patriarcales ! Dingue. Je rajoute la remarque. Merci de votre vigilance.
SupprimerDonnez son avis en respectant les croyances d'autrui vous semble-t-il impossible ?
RépondreSupprimerLe problème des "anonymes", c'est qu'on les confond toustes !
SupprimerCher Anonyme, vous êtes ici sur un blog féministe qui bouffe du patriarcat au petit déjeuner, au déjeuner et au dîner. Pire même, s'il est possible, je suis pour sa terminaison finale !
Je "respecte" tout ce qu'on veut, quoique le mot "respect" qui envahit la langue comme une lèpre depuis quelques années ne fait pas partie de mon vocabulaire, je lui préfère courtoisie, politesse, et leurs équivalents, mais je n'aime pas les obscurantismes, d'où qu'ils viennent. Les trois religions révélées et leurs succursales multiples, auxquelles il faut rajouter le Boudhisme et l'Hindouisme sont des obscurantismes, puisque basés sur des croyances indémontrables et pas sur la raison. Et qu'en plus, facteur aggravant, ils sont des ennemis mortels des femmes, tous autant qu'ils sont. Je vous recommande le site lirelabible.net, vous y serez dans votre élément ! :))
Oui l’anonymat est une manière facile et peu contraignante qui ne serait pas nécessaire dans un monde emplie de politesse et de courtoisie.
SupprimerJe comprends parfaitement que vous soyez contre le patriarcat et que vous estimiez que les religions et les croyances soient une forme d'obscurantisme. Je ne vous méprise pas pour autant bien au contraire avoir des convictions fortes et les défendre est plus que louable. Tout comme le fait d'avoir des croyances et une foi. Autant que vos convictions méritent de la considération et du respect ceux des croyants en méritent tout au tant non ?
Quand au fait de diaboliser les croyants et leurs fois en les considérant tous comme des ennemis des femmes n'est ce pas de l'obscurantisme ?
Non, tout ne se vaut pas. Le féminisme est un mouvement social de libération et d'émancipation des femmes, les religions "révélées" sont des systèmes à dieu mâle qui enchaînent, clivent et prétendent régenter les corps et le destin des femmes dont elles ont une peur panique de l'autonomie. De plus, vous revendiquez tous l'unique vérité, vos concurrentes n'étant que charlatans (mot qui ne prend que le masculin) et mécréantes, tout en prêchant la soumission et la résignation devant l'ordre religieux et le pouvoir temporel, en promettant un hypothétique paradis hors du temps si vous respectez les puissants en ce monde-ci. Je ne vois rien de libérateur ni de défendable là-dedans, aucun progrès humain possible.
SupprimerJe suis en train de lire "La Reine Soleil", un roman de l'égyptologue Christian Jacq, très documenté sur la civilisation égyptienne de l'Antiquité. Si l'on fait une lecture féministe de ce livre, on se rend compte que la période décrite (le règne de Toutankhamon) est nettement moins éloignée que la nôtre du culte des déesses. On a l'impression d'avoir affaire à une civilisation intermédiaire entre une autre où le féminin aurait eu une importance vraiment prépondérante et le patriarcat triomphant d'aujourd'hui. Je ne crois pas que l'auteur l'ait fait exprès mais c'est lisible entre les lignes. La mise en place du patriarcat s'est faite progressivement avec l'installation du monothéisme et de ses monarques incarnant prétendument Dieu sur la Terre. On est confronté aujourd'hui au résultat final : une culture de laquelle le féminin sacré est totalement éradiqué et qui se consacre au féminicide. En fait on est vraiment arrivé au paroxysme.
RépondreSupprimerMerci pour la suggestion de lecture ;)) Le titre est très évocateur, en effet. C'est vrai qu'on vit actuellement dans une société nihiliste.
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