vendredi 15 mai 2015
Margot Wallström applique le féminisme
Photo : Kristian Pohl - Gouvernement de Suède
Margot Wallström est l'actuelle ministre des affaires étrangères du gouvernement social démocrate de Suède. Après avoir été Commissaire européenne deux fois, notamment à l'environnement de 1999 à 2004 (Commission Prodi), et vice-présidente de la Commission Barroso, puis de 2010 à 2014, la première représentante spéciale auprès du Secrétaire Général des Nations Unies, reportant sur la violence sexuelle dans les conflits. Lors de la formation en 2014 de la coalition gouvernementale au pouvoir en Suède, Margot Wallström promettait une "politique étrangère féministe". Elle a tenu parole : critiquant les manquements aux droits des femmes en Arabie Saoudite, théocratie monarchiste, (où rappelons-le, elles ne peuvent sortir que sous la surveillance d'un gardien mâle, n'ont pas le droit de conduire, entre autres droits humains bafoués...), Margot Wallström vient de révoquer un contrat d'exportation d'armes à destination de l'Arabie Saoudite, pour ces motifs. Du coup les saoudiens ont rompu leurs relations diplomatiques avec la Suède, les businessmen suédois ne décolèrent pas, leurs visas ont été révoqués, et pour faire bonne mesure, les saoudiens ont annulé le discours de Wallström devant la Ligue Arabe, et même un échange de quatre singes amazoniens du Zoo de Suède avec le leur. Bref, ils ne sont pas contents du tout. Les "hommes d'affaires" suédois non plus. Quoi, annuler de juteux contrats d'armement pour des histoires de bonnes femmes ?
Ce n'est pas François Hollande qui ferait pareil : au nom de la "realpolitik" et de l'emploi, il signe des contrats avec l'Inde, le Qatar et l'Egypte qui "se goinfrent des avions de papy Dassault, et préparent leurs petites guerres dans leur coin", comme écrit Charlie Hebdo dans son N° 1190. Et qui bafouent eux aussi allègrement les droits humains, et bien sûr, les droits des femmes. Après nous le déluge, le business avant tout, l'argent n'a pas d'odeur, les hommes n'ont aucune vista, ou ils estiment ne pas avoir les moyens d'en avoir une. Je penche pour la première proposition.
Margot Wallström a été, rappelez-vous, observatrice de la situation des femmes dans les conflits auprès des Nations Unies, et elle a constaté que la situation des femmes et des filles est largement ignorée dans la résolution de ces conflits, que les aides étrangères ne prennent jamais en compte leur besoins parce que les femmes participent rarement aux négociations de paix. Dix ans après la résolution 1325 du Conseil de Sécurité des Nations Unies qui parlait de la nécessité d'inclure les femmes dans les processus de paix, 97 % des peacekeepers sont toujours des hommes. Avec des conséquences dramatiques, comme le rappelait l'excellent documentaire de France 3 rediffusé par LCPan "Putains de guerre" : les bordels à soldats du temps de guerre sont remplacés par des bordels pour Casques Bleus, que l'ONU tolère pour des raisons de différentialisme culturel (les casques bleus viennent de tous les pays adhérents aux Nations Unies), ce racisme mou qui ne dit pas son nom. La situation et la sécurité des femmes sont rarement appréhendées comme issues-clés de sécurité globale, or une approche genrée de la résolution des conflits, et plus généralement de la situation des femmes et des filles, sont considérées comme pragmatiques et le fameux "clash des civilisations" n'est pas basé sur des différences politiques et ethniques, mais plutôt sur les croyances et pratiques en matière de genre. Les intérêts et droits humains des femmes doivent primer sur les intérêts de caste étroits des hommes, en d'autres termes, "les femmes doivent arracher le pouvoir aux hommes pour le rendre à l'humanité entière", c'est ainsi que s'exprimait François d'Eaubonne dans Le féminisme ou la mort. L'exemple de Margot Wallström est donc un exemple à suivre par les hommes et femmes politiques de tous les bords et de tous les gouvernements : le féminisme est surplombant, toutes les instances exécutives doivent fonctionner sous son étroite supervision. Dans tous les domaines : économie, environnement, gouvernance, éducation, résolution des conflits et maintien de la paix. Margot Wallström, issue d'une nouvelle classe de politiciennes, de femmes exécutives au pouvoir, affermies dans leurs convictions, ringardise la politique appliquée par les hommes depuis toujours et montre le chemin à suivre. Merci Madame la Ministre.
Mon billet a été inspiré par cet article du New-Yorker : Who's afraid of a feminist foreign policy ?
Le compte Twitter de Margot Wallström : @margotwallstrom
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Cette femme est une femme forte très forte! Je suis impressionnée. Elle ose aller contre le pouvoir immense de l'argent. La Suède est plus évoluée que bien des pays dont la France où il est toujours honteux de s'afficher féministe,ce qui signifie juste avoir accès à TOUS les droits humains, insupportable pour les hommes et inenvisageable pour bien des femmes dont l'esprit est bien cadenassé par l'éducation et le contrôle social.
RépondreSupprimerPour revenir à la France, le gouvernement par son ministre Rebsamem veut pour simplifier la vie de nos pauvres employeurs qui ne respectent les droits des salariés que sous la contrainte, alléger les contraintes, ce qui veut dire allez y tout est permis. Donc dans ce qu'il a choisi d'alléger figure bien entendu le droit des femmes avec la suppression de Rapport de Situation Comparée et la commission égalité professionnelle.
La France est crispée sur les Droits de l'Homme universalistes qui sont un trompe l'oeil et un cache-turpitudes : les femmes étant des hommes comme les autres, on n'aurait pas besoin de compter pour prouver que ce n'est pas vrai. Il nous faudrait un parti féministe, qui appliquerait un programme féministe.
SupprimerOn peut toujours signer la pétition pour Rebsamen ici
https://www.change.org/p/frebsamen-ne-supprimez-pas-l-%C3%A9galit%C3%A9-professionnelle-sosegalit%C3%A9pro
et la pétition Remplaçons droits de l'homme par droits humains :
https://www.change.org/p/gouvernement-fran%C3%A7ais-rempla%C3%A7ons-droits-de-l-homme-par-droits-humains
Ce n'est pas anecdotique. Les psychanalystes disent une chose juste : il faut écouter le langage.