mercredi 7 janvier 2015

Terrorisme machiste : la capacité de terroriser

Je propose cette semaine un texte de Andrea Dworkin tiré de Pouvoir et violence sexiste aux Edition Sysiphe, sur la terreur, le terrorisme, exercés par les hommes : pour ne citer que deux de leurs exploits parmi les plus récents dans l'actualité, le furieux (qui serait fou) qui a jeté sa camionnette sur le public du marché de Noël de Nantes, Place Royale, et l'infirmier libéral d'Arras qui a tué 3 personnes parce que sa femme l'avait quitté, explication minimisante et justifiante des médias. Vous aurez noté par ailleurs le traitement double standard des deux affaires : psychose nationale pour le premier, et rubrique faits divers, crime passionnel pour le second qui a fait plus de morts. J'ai illustré mon billet par des images de chasseurs/tueurs en série s'exhibant avec leurs proies (ils jouent sur du velours, la société tolère encore la violence aux animaux), typique du comportement de sociopathes collectionneurs de trophées. Rappel, le sociopathe est un individu organisé, planificateur, et froid. Il tue par plaisir et non par psychose -en entendant par exemple des voix. Enfant, il se fait la main sur les animaux. Il est très dangereux, car sa haine de la société est indétectable, il présente tous les signes de l'intégration sociale, il peut même être marié ce qui lui assure honorabilité et stabilité. Voici ce qu'écrit Andrea Dworkin (pages 51 à 54)

"... le pouvoir est la capacité de terroriser, d'utiliser le soi et la force pour inculquer la peur, la peur chez toute une classe de personnes, pour toute une classe de personnes. Les actes de la terreur s'échelonnent du viol à la violence conjugale au viol d'enfants à la guerre aux mutilations à la torture à l'esclavage à l'enlèvement à l'agression verbale à l'agression culturelle aux menaces de mort aux menaces de sévices, étayées par le pouvoir et le droit de passer aux actes*. Les symboles de la terreur sont usuels et entièrement familiers : le pistolet, le couteau, la bombe, le poing, et ainsi de suite. Plus significatif encore est le symbole caché de la
terreur : le pénis. Les actes et les symboles s'agencent de toutes les façons, de sorte que la terreur est le thème et l'effet dominants de l'histoire masculine et de la culture masculine, même si elle est noyée d'euphémismes ou nommée gloire ou égoïsme. Même ignoble, elle est immense et intimidante. La terreur émane de l'homme, illumine sa nature essentielle et son but premier. Il décide du niveau de terreur à inspirer, choisit d'en faire un passe-temps ou une obsession, de l'utiliser de façon brutale ou subtile.


Mais la terreur a d'abord une légende, que les hommes mettent un soin sublime à cultiver. Épopées, drames, tragédies, chefs d’œuvres et livres mineurs, télévision et films, histoire fondée ou fictive : partout, les hommes sont des géants  qui inondent la terre de sang. Dans la légende, les hommes ont de grandes possibilités et sont porteurs de valeurs. Dans la légende, les femmes sont du butin, au même titre que l'or et les joyaux et le territoire et les matières premières. La légende de la violence masculine est la plus célébrée des légendes humaines et c'est d'elle qu'émerge l'identité de l'homme : il est dangereux. Avec la montée du darwinisme social au XIXème siècle et celle, plus contemporaine, de la pseudo-science qu'est la sociobiologie, l'Homme-Agresseur est au faîte de la lutte évolutionnaire, roi de la terre parce qu'il est le plus agressif, le plus cruel. La biologie de la suprématie masculine, qui se répand aujourd'hui dans les sciences humaines, est de fait un élément essentiel de la légende moderne de terreur que l'homme éructe en se célébrant : autrefois guerrier de Dieu, le voici sacré biologiquement pour imposer par la terreur soumission et conformité aux femmes et à tout le reste de la création. Faute de quoi, la terreur remplira sa promesse : le mâle éliminera tout ce que la terreur ne contrôle pas.



Le troisième axiome idéologique de la suprématie masculine, dans une société laïque où la biologie a remplacé Dieu, (et sert à étayer, au besoin, une théologie anachronique), c'est que les hommes sont biologiquement agressifs, foncièrement combatifs, éternellement antagonistes, génétiquement cruels, enclins au conflit du fait de leurs hormones, irrémédiablement hostiles et belliqueux. Pour qui demeure pieux, Dieu a gratifié l'homme de ce qu'il faut bien reconnaître, selon tous les critères, comme un caractère universellement mauvais, mais qui trouve heureusement un usage dans la maîtrise des femmes. Les actes de terreur, les symboles de la terreur et la légende de la terreur, propagent tous la terreur. Cette terreur n'est pas un phénomène psychologique, au sens courant du terme : elle ne naît pas dans l'esprit de l'être qui la subit, bien qu'elle y résonne sauvagement, mais est générée par des actes de cruauté largement sanctionnés et encouragés. Elle est aussi générée par sa propre réputation de longue date, qu'elle soit exquise comme chez Homère, Genet ou Kafka, ou diabolique comme chez Hitler, Charles Manson ou le véritable comte Dracula. La viande qui pourrit pue; la violence produit de la terreur. Les hommes sont dangereux ; les hommes sont craints."




* J'ai respecté la ponctuation : l'auteure a volontairement omis les virgules dans cette phrase.

Terrorisme machiste : LIENS Triple meurtre de Sainte Catherine : pourquoi l'enquête va se poursuivre malgré la mort du tireur. Vous apprécierez particulièrement la phrase de l'avant-dernier paragraphe, je cite " Pourquoi cet infirmier de 46 ans presque sans histoire, simplement condamné une fois en 2013 pour violences conjugales, a-t-il pu faire irruption, armé d'un fusil à pompe pour commettre un tel carnage ?". Clairement, personne (surtout pas la société ni ses journalistes) ne veut voir la dangerosité du tueur, présenté comme un mari bénin n'ayant jamais fait parler de lui, au besoin en minimisant sa précédente condamnation.
La dernière campagne publicitaire de TEFAL : analyse des visuels femme et homme par Patric Jean. Honte à Publicis Conseil pour cette incitation à la violence conjugale.
Zlatan Ibrahimovic en vacances tue un élan de 500 kg (espèce protégée en Suède, mais vu Sa Grandeur, personne ne va aller lui chercher de noises). Le footeux milliardaire chasse et pêche : et plus c'est gros meilleur c'est, voir les photos de l'article.
Images de haut en bas : Un chasseur d'éléphant posant près du cadavre, le massacre des globicéphales (dérogatoire) aux Iles Féroés, un chasseur d'ours et un tueur silencieux pêcheur et son poisson inmangeable. Tuer, leur activité favorite : en nombre (Baie de Taiji Japon ou Iles Féroés), ou de gros herbivores ou alors des animaux dits féroces. Mais avec un fusil à lunette. Courageux ? Pas téméraires en tous cas.

6 commentaires:

  1. J'ai été voir l'article sur la pub tefal, j'ai eu des fantasmes de rencontre entre une poêle à frire* (voire une sauteuse, plus lourde) et la tête des publicitaires qui ont pondu cette chose.
    *pas de marque tefal bien trop chères pour moi.
    Sinon j'ai reçu et commencé «les putains du diable», jusque-là excellent, exhaustif sans être lassant et agréable à lire, pas de lourdeur ni sur le fond ni sur la forme. J'ai également repéré «Isis l'éternelle» et «les femmes avant le patriarcat» qui sont dans ma liste pour février :)

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    1. Le Bras-Chopard est très agréable à lire. Ses thèses sont passionnantes. Et Françoise d'Eaubonne (assez oubliée) est une de mes féministes favorites. Et la lecture d'Isis est extrêmement empowering, très énergisante.

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  2. La Terreur c'est pire que la mort ! .....
    Pas d'évasion possible , pas de fuite dans la mort ......
    Par la menace de tortures abominables mais aussi au delà par la menace des enfers et par la menace de mauvaises réincarnations dans d'autres religions ....... L'idée de l'horreur provoque un état de sidération absolue qui empêche de penser à toute révolte ..... Hierarchisation de l'horreur , degrés dans l'horreur ..... L'idée de l'horreur est présente à l'esprit en permanence par la terreur savamment utilisée ..... Le spectacle de l'horreur est indispensable à cela ...........
    Si les bœufs savaient à quel point le fermier est faible alors ils le piétineraient , mais ils sont terrorisés par le bâton , par les chiens ....... A l'époque où je gardais des moutons j'ai vu des brebis mordre le chien de berger pour protéger leur agneau . La terreur était brisée et le chien fuyait ............................
    Il y a quelques temps des chasseurs sont venu chez moi à une dizaine pour traquer un chevreuil ...... Je leur ai foncé dans la gueule en hurlant et ils savaient que je me battrais à mort s'ils ne partaient pas . Ils leur faudraient me tirer dessus ...... Alors ils se sont barré ........ Leur terreur ne fonctionnait plus dans ma tête ......... L'idée de l'horreur est pire que l'horreur elle même : C'est cela la Terreur ..................

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  3. En France en 2014 : 43 morts par accidents de chasse !................. Les chasseurs sont plus dangereux que les "djadistes" .................. Et ils n'hésitent pas à terroriser les gens qui osent se promener en forêt .....

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    1. Evidemment, double standard : il y a des vies sacrifiables, cela dépend du taux d'acceptation de la société. Les femmes et les promeneurs en forêt sont passés par la trappe "fatalité". Ainsi fonctionne la propagande patriarcale. De la même manière le meurtre animal n'est jamais considéré comme un passage à l'acte qui en facilite d'autres.

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  4. Personnellement je me méfierai toujours de ces grands mouvements de foule car ils me font plus penser à une psychose collective bâtie autour de la haine d'un ennemi commun qu'à un rassemblement de partisans pacifistes de l'amour universel ................ Parce que la haine chez les humains est un moteur plus puissant que l'amour ............

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