lundi 16 mai 2011

Verbatim 7

Dans l'affaire DSK / FMI, outre les pataquès en l'occurrence de LCI, qui nous dit candidement que l'affaire du patron du FMI "rabat toutes les cartes électorales", -euh, c'est rebat toutes les cartes qu'il faudrait dire !- on nous rappelle sans arrêt la présomption d'innocence du présumé coupable
(et c'est le droit), mais je rappelle qu'il y a aussi une présumée victime : femme de chambre portoricaine (ou guinéenne, cela dépend des versions ICI en anglais), veuve élevant un enfant, salariée précaire puisqu'elle ne fait pas partie des effectifs stables de Sofitel New York, Groupe ACCOR.

Décidément en France, les victimes de viols sont toujours sujettes à caution voire carrément coupables ; au pays de la gaudriole et des propos lestes, voici quelques belles perles lues et entendues dans les médias déchaînés. Quels que seront les développements à venir de cette affaire, les commentateurs (je n'ose penser la même chose du peuple français) en disent long sur notre perception de la délinquance sexuelle en particulier et des hommes politiques en général.

"Il aime les femmes, c'est son talon d'Achille" Europe 1. On voit bien la terreur de petits garçons que les hommes ne cessent jamais d'être : le sexe, les femmes, l'amour, c'est dangereux, les femmes sont les maudites filles d'Eve, et les fréquenter est DANGEREUX ! Le sexe damne les hommes, voir tous les avertissements des grands livres des religions révélées.

Du même tonneau, évoquant un hypothétique acte manqué genre suicide politique de DSK toujours sur Europe 1 : "Jouer avec le feu, donc les femmes" ! Les femmes, le feu : même matières dangereuses. "Les femmes, le fric,...", la formule rappelle les dangers qui parsèment la vie des hommes : l'alcool, le jeu, les bagnoles puissantes et... les femmes, contre lesquel-les la société n'arrête pas de les mettre en garde.

"La victime avérée, c'est la France" : Nathalie Kociusko-Morizet généralement mieux inspirée, sur Europe 1 : une femme de chambre intérimaire portoricaine (ou Guinéenne) ne pèse RIEN face au prestige de la France, proue avancée de la civilisation Civilisation !

Par les théoriciens du complot : "La Porsche, le costume sur mesure, et maintenant l'agression sexuelle", dit excédé un commentateur sur LCI, mettant tout allègrement sur le même rang ; la Porsche, c'est une erreur du communiquant du candidat qui n'a rien vu venir des paparazzi, le costume sur mesure, c'est de la gnogotte, mais l'agression sexuelle, ce n'est pas un crime tout de même, si elle a eu lieu ?

Sarkozy, connaissant ses "faiblesses" apparemment, aurait donné un conseil à DSK lors de sa nomination à la tête du FMI à Washington au sujets des mœurs américaines : "Attention les USA ne sont pas des latins comme nous !". Sous-texte : ici une main au cul, c'est pas grave du tout, mais chez les étasuniens, ces vilains coincés protestants à balai dans le cul, ça peut fiche une vraie zone, tu es prévenu. Entendu sur LCI. A rapprocher de "La justice américaine prend toujours très au sérieux ce genre d'affaires" entendu sur France2. C'est vrai que chez nous, le viol était jugé en correctionnelle il n'y a pas si longtemps.

"Il aime les femmes, mais pas à ce point !"
Entendu sur Canal +. Le viol ?  Une histoire d'amour, finalement.

"Cela ne correspond pas au DSK que je connais". Un ami sur France 2. Les violeurs, les pères incestueux, les cogneurs ont toujours une excellente réputation, comment faut-il le dire ? C'est même pour cela qu'ils sont dangereux ! Mais au pays des bisounours, le violeur a forcément une sale tête de violeur et de faux-témoin afin de pouvoir l'identifier immédiatement. Il n'y a que quelques gourdes sous-développées à vue basse pour ne pas les repérer instantanément, c'est bien connu.
Évidemment, ma liste n'a pas la prétention d'être exhaustive, elle peut être complétée.

Pour faire bonne mesure, un article de RMC, où ils s'étonnent : la victime de DSK était moche !
Et élégants avec ça. Rappel : les femmes ne sont pas violées parce qu'elles sont belles, vieilles, jeunes ou moches, elles sont violées parce qu'elles sont des femmes ! J'ai entendu une avocate spécialisée dans les affaires de viols expliquer que sa plus jeune cliente avait 9 mois et sa plus vieille, 85 ans !

Lien vers les Nouvelles News : l'affaire DSK et l'omerta sur les affaires sexuelles.

15 commentaires:

  1. Pour l'instant, j'ai du mal à m'exprimer sur cette affaire mais je constate comme toi (et d'autres, de plus en plus) la complaisance qui entoure le bonhomme et le viol par extension. Quant à la présumée victime, pas grand chose à son sujet si ce n'est quelques réactions par-ci par-là: Mélenchon ou Clémentine Autain, par exemple.

    http://clementineautain.fr/2011/05/16/une-pensee-pour-la-femme-de-chambre/

    (voir également en-dessous le commentaire d'Hervé Fuyet)

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  2. @ Héloïse : parfait ce billet de C Autain, comme toujours. La femme de chambre est très courageuse ; si les choses se précisent elle devra comme toutes les victimes d'agression sexuelle subir les pressions, les tentatives de la salir (smear campaign disent les américains), elle devra prouver qu'elle a été victime. Et c'est vraiment les petits contre les grands. JP Chevènement s'y met aussi :
    http://www.chevenement.fr/Beau-systeme-en-verite-_a1140.html

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  3. Ouf merci pour ce billet, je commençais à désespérer de tout le monde entre les théories du complot et les déclarations selon lesquelles DSK est une victime.
    On croit rêver. En tout cas depuis dimanche matin, j'attends une remarque, de l'empathie pour cette femme de ménage qui si elle dit vrai est la vraie victime.
    Bref, merci pour me redonner foi (un peu) en l'humanité.

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  4. Il y a un truc qui m'a ahurie suite à cette affaire, c'est la vidéo sortie de la jeune journaliste chez Ardisson il y a quelques années qui explique on ne peut plus clairement son agression et autour de la table, personne ne moufte, à part quelques ricanements. Sont-ils tous complices ou simplement cons??

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  5. Merci pour ce billet.

    Entendu hier sur BFMTV : la défense de DSK s'étonne que la femme de chambre ne soit pas séduisante !! (sous entendu, il ne va quand même pas s'abaisser à violer une femme moche)

    Il y a quand même un avocat, je n'ai pas retenu son nom, qui a bien dit, sur la même chaîne, que le viol n'est pas l'acte de quelqu'un qui aime les femmes (à propos de la phrase "Oui, j'aime les femmes, et alors ?"), mais de quelqu'un qui considère la femme comme un objet destiné à assouvir ses désirs. Olivier Mazerolles a aussi bien dit qu'il ne fallait pas faire d'amalgame entre séduction et viol...

    C'est ce qui me choque le plus dans cette histoire : la propension à amalgamer séduction et violence. Qu'il soit ou non coupable, c'est la façon d'aborder et de traiter les choses qui est choquante (et révélatrice).

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  6. L'article de M. Khelassi, repris dans Courrier international, illustre très bien ce billet, et est tout simplement scandaleux :

    http://www.courrierinternational.com/article/2011/05/16/la-petite-mort-de-dominique-strauss-kahn

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  7. non mais est-ce que tu as vu ceci ?
    http://www.lejournaldepersonne.com/2011/05/ask-anne-strauss-kahn/
    Je n'arrive même pas à savoir si c'est un gag ou quoi !

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  8. @ Florence : La vie de la victime de cette agression (voir le terrible acte d'accusation sur RUE 89) :

    http://www.rue89.com/2011/05/16/le-texte-plainte-deposee-contre-strauss-kahn-traduction-204138

    qui ne savait certainement pas qui était son agresseur est déjà bouleversée de fond en comble par ce qui lui est arrivé à son travail ; elle va devoir supporter une double peine : anonymat, retrait de ses lieux de vie habituels, perte de son travail pour des raisons de sécurité, etc... C'est terrible. Je la trouve très courageuse.
    @ Angèle : j'ai aussi vu cette vidéo et le "j'adore" de Ardisson rigolant pendant le récit d'une agression sexuelle ! Ils ont bien du mal, ces hommes à faire la différence entre amour courtois et agression ; les femmes qui disent non MAIS en ne disant jamais tout à fait non est vraiment ancré dans leur cerveau de conquérants, puisqu'ainsi se prennent-ils. Les américains (nous avons droit à une puissante vague anti-américaine depuis 48 heures), ont l'air d'avoir mieux séparé les deux ! En tous cas dans leur droit et son application.

    @ Shambalah : Le viol n'est ni un acte d'amour ni un acte sexuel, mais un acte de pouvoir sur l'autre, le niant en tant que personne de parole. Quand une femme dit non, c'est non. Tant que les hommes n'auront pas compris cela, et tant que la société fera l'impasse sur ces comportements en les traitant avec dédain et complaisance, on ne s'en sortira pas : les hommes auront des vertiges d'impunité et les femmes seront traitées comme des proies.
    L'article de CI me gêne quand même un peu : il est dans la veine française gaudriolesque : la "soubrette" me reste un peu en travers, ainsi que le mot pulsion. Il faut en finir avec leurs "pulsions", grosse excuse servant à tout. Il m'arrive de fréquenter des animaux qui n'ont pas tant que cela de "pulsions" et qui se contrôlent, eux.

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  9. @ Euterpe (je n'arriverai jamais à comprendre comment Blogger empile les commentaires au-dessus alors qu'on les reçoit après !) : je suis allée voir, anti-américanisme bien primaire et très français, et ce n'est que le début, ça va se déverser pendant toute l'affaire. Je ne vois pas ce que le puritanisme vient faire ici. Il n'y a qu'à aller lire le texte de l'acte d'accusation sur Rue 89. Les américains ont plein de défauts c'est entendu (comme nous mais pas les mêmes) mais ils sont matter of fact, down to the earth (les faits, tous les faits, rien que les faits) !

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  10. comme je l'ai laissé entrevoir sur le blog d'Euterpe
    il me semble que la question du viol est centrale dans l'idéologie de ce personnage innommable : les actions de FMI sont de l'ordre du viol économique et social contre l'humanité.
    donc le viol d'une employée de service d'hôtel est en toute logique avec le personnage.
    mais la question, c'est pas de savoir s'il a réellement agressé sexuellement une personne : ça c'est du ressort de la police et de la juste.
    ce qui est de notre ressort, c'est de montrer en quoi le viol est un principe actif de l'idéologie que représente l'accusé, qu'il est à la base de toute ses intentions de domination sadiques et que donc il ne faut surtout pas que ce genre de personnage perdurent à des fonctions de pouvoir où que ce soit.
    la question annexe que je me pose : combien d'autres personnages sont à retirer des sphères de pouvoir de par le monde ?
    par la suite
    rêvons que l'on puisse les retirer de la circulation : que faire d'eux ? sont-ils recyclables ?
    la prison m'apparaissant comme solution sadique et donc malsaine, que faire de ce genre de personne ?
    des fois, je remets en cause la question de l'exécution de ces personnes.
    ça me pose problème.

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  11. @ Paul : un peu radical et excessif comme post, mais bon... Commençons par reconnaître que les femmes sont les victimes des agissements de certains hommes et que les forces en présence ne sont pas égales, sans noyer le poisson et sans tout mélanger, on aura fait un saut qualitatif !

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  12. Je ne sais plus quel journal répond :
    "En réalité elle était belle"
    Ce qui est pour moi tout aussi abusé.

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  13. @ Thom : ce qui nous émeut chez les autres est relatif à ce que nous sommes, et une femme est violée parce que femme, pas parce que jolie, laide, jeune, ou veille. Toujours rappeler que le viol est un acte criminel de pouvoir sur une femme, sur les femmes.

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  14. Je voudrais juste revenir sur le viol en correctionnel, qui date d'une époque où ça n'était pas considéré comme un crime.
    Quand avec l'évolution de la société, les "légaliseurs" ont voulu le passer au pénal, ils se sont rendus compte que cela signifiait que ça serait un jury qui prendrait la décision au lien d'un juge en correctionnel. Or ils étaient conscient que dans notre société (on peut le voir encore avec l'affaire DSK) un jury populaire en matière de viol encore aujourd'hui trouverait beaucoup plus d'"excuses" au violeur en moyenne que les juges.
    Il a donc fallu trouver une parade pour passer le viol en pénal mais avec un statut mixte où il y aurait la cohabitation d'un jury mais aussi de juge qui éviteraient les dérives à l'avantage des violeurs.

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  15. @ Anonyme : merci de la précision avec laquelle je suis d'accord. Cependant, je ne suis pas juriste mais les tribunaux correctionnels jugent des délits nettement plus mineurs. Il y a un excellent article sur le sujet sur les Nouvelles News :
    http://bit.ly/jy4PB6

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