lundi 28 février 2011
Le Président
Ce film d'Yves Jeuland propose une descente en apnée au cœur du pouvoir masculin et de ses campagnes électorales. Pouvoir masculin tellement compétent, immuable et incontestable, tellement puissant qu'il peut par exemple diriger la mairie de Bordeaux ET reconstruire le ministère "dévasté" des affaires étrangères, fingers in the nose, un jeu d'enfant. Je l'ai vu avec deux mois de retard ce film, mais franchement, ça valait le coup d'attendre !
C'est vrai qu'avec 35 copies du film prévues pour la France entière, dont une quinzaine pour le Languedoc-Roussillon dit Montpellier Journal, il ne faut pas que je me plaigne, j'ai encore de la chance de l'avoir vu passer chez moi !
LE PRÉSIDENT : BANDE-ANNONCE HD (Georges Frêche)
envoyé par baryla. - Regardez des web séries et des films.
La dernière campagne électorale de Georges Frêche donc (Régionales de 2010) filmée librement et sans aucune censure, dit Yves Jeuland. Exclu du PS pour propos racistes, l'investiture du Parti s'était reportée sur Hélène Mandroux, maire de Montpellier, chair à canon envoyée au casse-pipe face à Frêche. Selon une habitude des grands partis, les femmes sont envoyées au front quand les carottes sont cuites. Elle n'avait aucune chance. La suite, on connaît : Frêche vainqueur, 54 % au deuxième tour, et Mandroux éliminée au premier tour avec 7,7 % des voix. Taux d'abstention remarquable : 50, 27 % (données Ministère de l'Intérieur).
Le film est édifiant : jamais une femme dans le champ de la camera, ou alors seulement si elle est maquilleuse, secrétaire porteuse des piles de parapheurs, serveuse de petits fours derrière le buffet, ou femme de ménage nettoyant au chiffon le bureau du Président, ses statuettes de granzomes et son jeu de cartes. Et en arrière-fond, très floues, sa femme et sa fille plus son éditrice, lors d'un repas. Les plans en légère contreplongée sur l'Hôtel de la Région sont aussi très intéressants : le style architectural en est nettement stalinien tendance Ceaucescu, le syndrome-du-grand-homme-voulant-laisser-une-trace-en-béton-pour-la-postérité est saisissant, et il est à la petite (Ceaucescu faisait mieux !) démesure du Président.
Hélène Mandroux en prend pour son grade : attaques physiques ("Mandroux, vous avez vu sa tête ?" ; quand on a soi-même un air de ressemblance avec Jabba the Hut, le méchant qui contrôle la pègre de la Galaxie dans le Retour du Jedi, 3ème volet de la Guerre des Etoiles, c'est cocasse !) et intellectuelles : « Mandroux, elle ne mérite pas. C’est une femme. Elle n’a jamais rien compris à la politique. Tant qu’elle me suivait, elle savait où elle allait parce que je la guidais. Mais maintenant qu’elle est seule, elle fonce dans le brouillard".
Ou encore : "Mandroux, je la connais, c'est moi qui l'ai faite ; je l'ai prise comme première adjointe, si elle avait eu ne serait-ce qu'une idée, je m'en souviendrais !" Il n'y a rien à rajouter. Sauf que si ce film passe dans vos parages, courez le voir, il a un intérêt archéologique incontestable.
Pour plus d'extraits : suivre le lien Montpellier Journal : il en propose huit de la même saveur que la bande annonce.
Selon Les nouvelles News, les choses ne changent pas : pour les prochaines cantonales de mars 2011, les hommes sont candidats et les femmes.... suppléantes. La parité à la française, en somme.
Georges Frêche est décédé le 24 octobre 2010. Son remplaçant à la présidence de la Région Languedoc Roussillon est Christian Bourquin.
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Frêche, il avait la totale: raciste, homophobe et misogyne. On ne pouvait pas faire pire. Hallucinant qu'on lui consacre un film mais quand il s'agit de se masturber sur leur propre image, les hommes en oublient les travers de leurs "granzômes", comme tu dis.
RépondreSupprimerLes cantonales, j'ai regardé les listes pour chez moi. Avec 99% de candidats masculins environ et donc autant de suppléantEs, mon Conseil Général va puer la testostérone. De plus, que dire de l'argument macho qui consiste à dire que les femmes ne veulent pas faire de politique quand on constate qu'elles sont autant que les hommes sur ces listes ... Ce n'est pas de trouver des femmes impliquées qui est difficile c'est d'accepter qu'elles jouent un vrai rôle.
PS: bien vu la ressemblance Frêche/Jabba the Hut ... pas de quoi la ramener question physique.
@ Héloïse : le film de Jeuland n'est pas un film complaisant, c'est tout le contraire, il est impitoyable pour Frêche, comme l'affiche du film. Ce qui est étonnant, et c'est le tour de force du film, c'est qu'il ait réussi à ce point à faire oublier sa camera et que les protagonistes se livrent ainsi sans fard au public.
RépondreSupprimer@ Hypathie
RépondreSupprimerAh! ok, je croyais que c'était toi qui donnais une vision second degré du film. Avec notre manie de tourner en dérision les oeuvres à la gloire d'un grantôme !!!
Effectivement, ça doit être à voir, je vais me renseigner.
Voilà l'homme : à la fois grenouille et boeuf
RépondreSupprimer@ Héloïse, Euterpe et Emelire : le pouvoir masculin est tellement omniprésent que plus personne ne s'étonne et qu'il paraît "naturel" tant il est envahissant. Les réactions de la salle étaient édifiantes : des gens rient aux sorties de Frêche, ne s'étonnent de rien ; moi, j'ai l'impression de ne voir que de l'injustice et des propos racistes, sexistes, inadmissibles, plus l'injustice faite aux femmes cantonnées aux postes de secrétaires et femmes de ménage. Rien de naturel là-dedans, juste un déni de démocratie et une apologie de la médiocrité et de la brutalité -parce que ce sont des tueurs et ils s'en vantent !
RépondreSupprimeroui tout à fait
RépondreSupprimerle cas de ce personnage immonde physiquement comme culturellement est emblématique de ce que nous subissons dans cette culture phallocrate.
comme vous dites, ils sont une apologie de la médiocrité et de la brutalité parce que ce sont des tueurs et ils s'en ventent.
je rajouterais de la bêtise et de la domination.
ce sont des guerriers : qui ne se construisent d'identité que sur le capital de chair qu'ils ont soumises sous l'humiliation, sous le dénie, sous la terreur, sous le viol sous toutes ses formes physiques et psychologiques.
ce pouvoir masculin est tellement omni-présent que jusque dans la famille, l'homme qui ne reproduit pas ce modèle est méprisé : il est obligatoire.
ou alors
on rase les murs, comme les femmes.
@ Paul : l'objectif ce serait quand même de ne pas trop raser les murs, ni quand on est une femme, ni quand on est végétarien-ne, ni quand on est un homme qui refuse le machisme.
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