dimanche 8 août 2010
Arundhati Roy : la défense du bien commun contre les grands barrages
Le Barrage des Trois-Gorges sur le fleuve Yangtsé en Chine, mis en service en 2006 et opérationnel en 2008 est le plus grand barrage de la planète.
Vieux projet conçu dans les années 70 (cette technologie des barrages est définitivement datée des années 50 à 70), puis abandonné pendant 20 ans, la crue de 1998 du Yangtsé (3000 morts - 1 million de personnes déplacées) a sans doute relancé le projet.
27 à 35 milliards de dollars d'investissements financés par la Banque Mondiale (les Français ALSTOM, BNP Paribas et la COFACE sont partenaires du projet), 2310 mètres de long, 185 m de haut et 27 millions de m3 de béton, 660 km de long pour le bassin de retenue, 26 turbines de 25 mètres de diamètre et de 3300 tonnes chacune, et 1 million 200 000 personnes déplacées. Les chiffres donnent le tournis : un projet pharaonique destiné à fournir de l'électricité au centre de la Chine.
Les environnementalistes détracteurs du barrage invoquent, outre les dommages causés aux personnes déplacées sans consultation sur de moins bonnes terres, des rejets massifs de gaz à effets de serre, des destructions importantes de biodiversité, l'inondation de sites archéologiques peu ou pas explorés et de terres arables alors que la Chine en manque cruellement. Les oiseaux migrateurs et les poissons qui se remontent les fleuves pour frayer seront les deuxièmes victimes après les paysans chinois. Sans parler de l'endettement de trois ou quatre générations à venir : il faut rembourser le prêt de la Banque Mondiale.
Le deuxième plus grand barrage de la planète est celui d'Itaipù au Brésil : Construit en 1979 sur le fleuve Parada, il est binational et fournit en électricité le Brésil et le Paraguay. Coût final : 20 milliards de dollars. Le coût final de ces barrages excède généralement de plus de 40 % le devis initial, disent les détracteurs.
Enfin, c'est à venir : le troisième plus grand barrage du monde, Bello Monte, toujours au Brésil sur le fleuve Xingu, affluent de l'Amazone, vieux projet des années 70 lui aussi, toujours reporté à cause des protestations des indiens indigènes et des environnementalistes, il vient d'être approuvé par le Président Lula en avril dernier. 10 milliards de dollars de budget, 200 000 ouvriers sur le site, la production de 11 000 GW d'électricité commencerait en 2015. Les Peuples Indiens et la Commission Inter-américaine des Droits humains sont opposés au projet. 9 millions d'ha de forêt seront affectés par inondation, la majeure partie des déplacés seront des indiens et on s'attend à un impact majeur sur la forêt amazonienne et les stocks de poissons. Plus même : il ouvre la porte à la construction de 100 autres barrages qui transformeront le fleuve Amazone en une série de réservoirs sans vie, de béton et d'acier !
Mais que pèsent ces forêts, ces poissons, les oiseaux et les peuples Premiers face aux énormes besoins en électricité du géant brésilien ?
Nos sociétés technicistes mettent toujours en œuvre les projets et les plans sur lesquels elles ont travaillé et qui sont opérationnels. Pour tester grandeur nature et pour ne pas se renier. Nous vivons sous l'ombre de l'holocauste nucléaire.
Voici ce que dit Arundhati Roy, écrivaine indienne (Inde), environnementaliste et pacifiste militante pour le désarmement nucléaire (déjà citée dans le billet du 21/7) à ce propos dans The Greater Common Good (en anglais) :
"Les grands barrages sont au développement d'une nation ce que sont des bombes nucléaires à son arsenal militaire. Ils sont tous les deux des armes de destruction massive. Ils sont tous deux des armes que les gouvernements utilisent pour contrôler leurs propres peuples. Tous deux des emblèmes du XXème siècle qui marquent un point du temps où l'intelligence humaine a dépassé son propre instinct de survie. Ils sont tous deux des indications malignes d'une civilisation qui s'est retournée contre elle-même. Ils représentent la coupure du lien -pas seulement le lien- la compréhension- entre les êtres humains et la planète sur laquelle ils vivent. Ils brouillent l'intelligence qui relie les oeufs aux poules, le lait aux vaches, la nourriture aux forêts, l'eau aux rivières, l'air à la vie, et la terre à l'existence humaine."
Arundhati Roy milite en Inde pour la démocratie, l'environnement et contre le projet Sardar Sarovar Dam qui prévoit des barrages hydro-électriques sur la rivière Narmada dans le Gujerat.
Liens : The Greater Common Good Arundhati Roy (en Anglais) et Les Amis de la Terre. Le blog d'Arundhati Roy non tenu par elle mais où on trouve ses articles et ses interviews (en anglais).
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Pas grand-chose de plus à ajouter après le commentaire de cette écrivaine.
RépondreSupprimerL'Homme a définitivement pété un câble à beaucoup de niveaux! Et je suis plutôt pessimiste quant à l'avenir!
J'ai vu un film là-dessus un week-end spécial débat à la fac intitulé "Make capitalism history" et le gars qui avait fait le film était allé interroger les pêcheurs brésiliens menacés par le barrage puis les technocrates stupides qui ne voient pas le problème. C'était évident que la vie des pêcheurs va perdre tout son sens et qu'ils sont destinés à une totale clochardisation, une déchéance indigne avec ce barrage.
RépondreSupprimerJe connais aussi Arhundati Roy grâce au journal "Emma" et à une copine très engagée pour un retrait complet de ce système économique assassin.
Néanmoins, il faut en parler. Même si on ressent un grand sentiment d'impuissance et d'angoisse face à cette folie destructrice.
Mais, patience. Les russes prennent peur, la sueur des américains perle sur leur front, les chinois ont déjà un pied dans la guerre civile, il reste les japonais qui sont derrière ce projet de barrage monstre brésilien parce que Lula veut exporter de l'électricité en masse (ce n'est même pas pour couvrir les besoins du Brésil). Alors que Déesse Nature se réveille et empêche enfin ses ennemis de nuire ! La foudre sur les jets de VRP en train de faire leur sale coup au 4 coins du monde, c'est pas compliqué ca,non ?
@ Angèle : j'essaie de montrer deux positionnements, celui des hommes (mâles), industriel, gros sabots, et celui d'une femme qui plaide pour des solutions plus proches des gens, du terrain, plus démocratiques en un mot. Mais j'ai bien peur que la dictature techniciste l'ait emporté et les dangers qui vont avec !
RépondreSupprimer@ Euterpe : je ne crois pas trop à la déesse Nature, mais c'est vrai que quand je regarde les images des infos, la Russie qui brûle, le Pakistan sous les eaux, la Chine et ses coulées de boues, il y a des moments où je trouve que l'Hypothèse Gaïa est en train de se démontrer sous nos yeux. Le problème, c'est le manque de démocratie, Arundhati Roy a raison. Les pauvres ont toujours tort dans ce système.
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