jeudi 15 juillet 2010
Se faire du blé avec le blé ?
Charles Beigbeder, membre du MEDEF, financier ayant à investir le produit de la vente de POWEO, souvenez-vous l'opérateur électricien alternatif dont les contrats n'étaient pas réversibles, est parti faire du (son ?) blé en Ukraine.
Selon le Canard Enchaîné de la semaine dernière, il dit d'ailleurs qu'il plante des céréales, là où les paysans disent qu'ils en sèment ! Donc, le métier, il ne connaît pas. C'est bien inutile : son métier à lui, c'est la finance.
Il vient de fonder AgroGénération dont voici le management et le conseil de surveillance, avec la coopérative Champagne Céréales : le film publicitaire de présentation, la composition de leur conseil d'administration et du comité de direction sont édifiants, (pas de doutes, la terre c'est affaire d'hommes !) ; il vient de louer 22 000 hectares en Ukraine, le "grenier de l'Europe", espérant atteindre les
100 000 ha dans 3 à 4 ans. Il compte distribuer de gros dividendes dès 2013 en revendant son blé, son colza ou son tournesol. Ce sera fonction des cours du marché : en effet, les engrais permettent d'éviter les fastidieuses rotations de cultures !
Personne ne dit que ces céréales et ces oléagineux iront nourrir le
monde : on peut en faire des agro-carburants ou nourrir des bœufs avec ! Rouler ou manger, peu importe, du moment que ça rapporte ! C'est juste de la spéculation. On revend à des courtiers selon les cours mondiaux qui ne peuvent que monter sur le long terme, puisqu'il y aura de plus en plus de bouches à nourrir et de réservoirs de voitures à remplir, c'est au choix. Or, l'humanité peut se passer de viande mais certainement pas de céréales (blé, riz, maïs...).
Les anciens kolkhozes ukrainiens sont en jachère (non exploités) et ne sont pas cessibles. La Russie en garde la propriété et les baux sont de 19 ans éventuellement renouvelables. Presque une génération : le temps d'appliquer des méthodes industrielles, de déverser des tonnes d'engrais et de pesticides, d'épuiser et tuer la terre en sous-payant la main-d'oeuvre. Dumping social et environnemental, sans états d'âme. Quand cela ne rapportera plus assez, sa holding ira investir dans autre chose de plus lucratif !
En plus d'être du néo-colonialisme, c'est une économie de la prédation, de l'accaparement, de l'avidité et du chacun pour soi. C'est irresponsable. Un milliard de terriens pendant ce temps, souffrent et meurent de faim.
Les puissants céréaliers nourrissent la planète ? C'est ce qu'ils prétendent. Or voici ce que dit une ONG hollandaise Mama cash sur l'Inde dans un article ICI en anglais (ex Women On Waves) dont je livre un paragraphe essentiel :
80 à 90 % de la nourriture en Inde est produite PAR LES FEMMES ! Mais les femmes ne sont pas propriétaires de la terre sur laquelle elles travaillent ; pire, dans la majorité des cas, elles ne sont même pas considérées comme fermières ou salariées ! Cela laisse les femmes dans une position vulnérable. Si elles perdent l'usage de la terre sur laquelle elles travaillent, il n'y a pas de compensation.
D'un côté des femmes qui tentent de nourrir leur famille, de l'autre des hommes prédateurs spéculateurs ! C'est la même chose en Afrique, des femmes exploitantes mais non propriétaires. Presque partout, elles sont concernées par l'insécurité foncière.
Rappel de quelques chiffres : Les femmes, c'est 52 % de la population mondiale, 10 % de la masse salariale et 1 % de la propriété de la planète.
80 % des femmes de la Terre sont agricultrices : elles pratiquent une agriculture extensive de subsistance pour se nourrir elles et leur famille, sans dommage pour l'environnement.
Tant que les contributions et profits apportés par les femmes aux sociétés humaines seront passés sous silence (dans les PIB nationaux, par exemple) au profit de compétitions imbéciles, de rendements maximum sans autre but que la seule performance avec les destructions que cela suppose, nous sommes condamnés à l'affrontement et une fuite en avant mortelle.
Pour en savoir plus quelques liens :
Le Républicain Lorrain
Les barons de la bourse (sic)
La France agricole
Les céréales
Le colza
Il faut noter que ces achats ou locations se font généralement dans des pays dirigés plutôt par des tyrans que des démocrates. Le consortium coréen Daewoo en 2008 a voulu racheter des terres malgaches (1,3 à 2,5 millions d'ha -j'ai trouvé les deux chiffres) pour y cultiver des palmiers à huile, sans prévenir les malgaches qui l'ont appris par les medias internationaux : l'opération s'est soldée par le renversement du président Ravalomanana.
La Chine fait la même chose avec l'Afrique article ICI pour faire de l'huile de palme et nourrir des animaux !
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Même en France, il y a beaucoup d'agricultrices "cachées" sous le terme de "conjoints collaborateurs". Toutes les femmes d'agriculteurs que je connais (j'habite une région viticole et mon compagnon est viticulteur) travaillent bénévolement sur les parcelles de leurs époux. Le statut de conjoint collaborateur (que personne n'a pris la peine de mettre au féminin malgré qu'il soit presque exclusivement féminin) leur permet juste d'engranger quelques points pour leur retraite (il me semble que cela correspond à la moitié de la retraite de l'exploitant).
RépondreSupprimerDe plus, et je parle toujours de la France, ce sont elles qui sont en charge des travaux les plus pénibles, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas mécanisés (ébourgeonnage, ramassage des sarments, etc.). Les hommes, eux, s'occupent des travaux qui se font en tracteur ...
J'en ai marre de ce monde qui s'appuie de tous côtés sur le bénévolat féminin et toujours pour les travaux les plus usants et ingrats.
Dans ma région Ouest où il faut le dire, les agriculteurs hommes sont en voie de prolétarisation, les femmes sont très souvent obligées de travailler à l'extérieur (comptable au centre de gestion ou poste de cadre à la coopérative par exemple) et c'est leur salaire -d'appoint :-(((( toujours - qui permet la pérennité de l'exploitation, au moins les mauvaises années. Et elles font toujours double journée (enfants et ménage, le truc habituel...) mais les hommes commencent à comprendre que sans elles, ils ne sont pas grand chose et surtout, qu'elles sont libres économiquement. La donne change lentement au profit des femmes. Mais la teneur de mon post ce sont bien les contributions des femmes aux PIB et à la richesse planétaire. Qui compte ?
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