mercredi 17 août 2022

Les femmes du Paléolithique, précurseures sans descendance ?

Un nouvel engouement promu par les féministes se fait jour dans la presse et sur les réseaux sociaux, à tel point qu'on ne peut plus faire un pas sans tomber dessus : les femmes de la Préhistoire ne se contentaient pas de balayer la grotte, elles chassaient aussi ! Autant les anthropologues hommes s'intéressant aux tribus primitives (qui sont nos contemporaines, rappelons-le) ne voyaient jamais les femmes, le cas le plus frappant ayant été Claude Lévi-Strauss, donc ne savaient pas, en tous cas ne s'intéressaient pas à ce qu'elles faisaient, autant désormais les nouvelles féministes leur trouvent des occupations de mecs. Guerrières avec la découverte d'une tombe viking occupée par une femme, entourée de ses armes et de ses biens funéraires, chasseuses comme tentent de le démontrer quelques ouvrages dont L'homme préhistorique est aussi une femme de Marylène Patou-Mathis, ou encore Femmes de la Préhistoire de Claudine Cohen chez Taillandier, et bien sûr, Lady Sapiens écrit par trois auteurs, et édité par Les Arènes. Ce dernier livre m'a même personnellement narguée sur l'étagère d'une de mes bibliothèques. Les arguments sont minces : il n'y a pas de preuves d'une division genrée des activités écrit Marylène Patou-Mathis relayée par Terriennes, et les premiers préhistoriens étaient tous des mâles affreusement phallocentrés, ce qui ne fait aucun doute, et s'il n'y avait que les préhistoriens ! 

Pourquoi pas après tout ? Personne n'est revenu vivant du Paléolithique ni de la Préhistoire, donc on peut écrire ce qu'on veut sur le sujet qu'on soit homme ou femme anthropologue. Deux indices mettent toutefois la puce à l'oreille : et si à la vision affreusement divisée des tâches par genres du XIXe siècle nous répondions exactement par le même travers ? Si nous calquions ces analyses sur la sensibilité inverse de notre époque ? La multiplication des ouvrages sur le sujet permettent en effet de flairer qu'il est porteur et qu'il se calque sur l'esprit contemporain, le zeitgeist, l'air du temps, comme disent les anglais et les allemands, où les femmes ont l'impression de gagner un peu d'égalité avec les hommes dans certaines fonctions à eux réservées jusqu'à récemment : militaires, amirales, pompières, Première Ministre, maires ou députées. Si cela peut rendre les femmes et filles plus assertives, plus sûres d'elles pour briguer ces fonctions, pourquoi pas ? 

En tous cas, quoi qu'il en soit, deuxième indice, tout ça a salement foiré ! A un moment, les femmes sont retournées balayer la grotte (comme si ce n'était pas une tâche indispensable, au moins autant que d'aller faire connement la guerre et chasser) et les mecs ont bien repris le contrôle des outils et des armes ! A tel point qu'aujourd'hui les femmes ne sont même pas capables de se défendre d'un simple harceleur de rues, et qu'elles font dévolution de leur sécurité aux hommes qui les accompagnent, ce qui n'est pas forcément une bonne idée, demandez à Féminicides par compagnons ou Ex. 

Triste état des lieux : 

Les Etats-uniennes ont été férocement attaquées dans leurs droits fédéraux sur l'interruption volontaire de grossesse en juin dernier par la Cour suprême des Etats-Unis, les renvoyant à la juridiction de leur état, à la majorité de 6 voix conservatrices contre 3. Dont celle de l'influent juge Clarence Thomas, un temps militant pour les droits civiques, avant de se tourner vers le conservatisme le plus étroit. Les féministes intersectionnelles doivent toujours être en pleine perplexité devant le dossier Thomas, en tous cas on ne les entend pas. On comprend que c'est complexe : un homme noir attaquant les droits des femmes noires et pauvres, il y a de quoi y perdre son latin. Même pensum pour les femmes polonaises interdites d'IVG par leur très catholique et conservateur gouvernement, et par ricochet pour les ukrainiennes arrivant en Pologne, fuyant la guerre et les bombardements russes, certaines ayant été violées par la soldatesque de l'agresseur, ce traitement spécial femmes pendant les guerres masculines. 

Les femmes russes qui avaient réussi à hausser la voix devant l'hécatombe de leurs garçons durant la guerre de Tchétchénie se taisent aujourd'hui alors qu'elles n'ont aucune nouvelle des leurs envoyés au front en Ukraine, ou qu'elles les voient rentrer affreusement blessés ou invisibles dans un cercueil plombé. Poutine, qui n'a aucun égard pour la vie humaine, à l'instar de tous ses prédécesseurs, achète leur silence en enrôlant à prix fort, surtout les hommes des républiques les plus pauvres de la Fédération de Russie. Le sultan Erdogan n'en finit pas de réduire les droits chèrement acquis par les femmes turques pendant l'ère kémaliste. Les femmes africaines sont régulièrement la proie des soldats perdus de guerres oubliées, violant, pillant, enrôlant leurs enfants, mutilant et tuant villageois et villageoises ; elles ne prennent toujours pas les armes pour se défendre à l'instar de leurs consœurs du Paléolithique, il y aurait pourtant de quoi. Je ne vois pas pourquoi les femmes n'auraient pas le droit de se défendre. Même remarque pour les Asiatiques qui subissent les oukases de leurs dirigeants, une fois sommées de produire de la chair à usine, une autre fois d'arrêter, toujours par la contrainte, le choix du roi allant dans ce cas aux garçons, les filles elles, avortées comme en Inde, ou finissant infanticidées sur des tas de fumier à la campagne, sur des tas de gravats en ville. Avons-nous entendu qu'elles aient pris les armes pour arrêter le massacre ? Si les femmes se sont un jour servies d'armes et d'outils pour la chasse et la guerre, elles ont curieusement oublié le mode d'emploi et perdu la clé de l'armurerie ! 

Les femmes afghanes ont vu il y a un an, des talibans analphabètes barbus sentant des pieds et des dessous de bras descendre des montagnes en motocyclettes, kalachnikov en bandoulière, prendre Kaboul sans coup férir. Un an plus tard, elles sont ensevelies sous des kilomètres de tissus, interdites d'école, interdites de travailler comme fonctionnaires, effacées de la vie publique, priées de retourner au gynécée se consacrer à la reproduction humaine, mariées de force si nécessaire. La régression touche surtout les villes où les femmes avaient bénéficié de 20 ans d'occupation américaine, mais dans les campagnes les filles sont toujours restées vouées au service sexuel et domestique des hommes, y compris les fillettes mineures. Pédocriminalité au nom de la tradition et de la pauvreté. 

Chez nous ? Les féministes comptent les féminicides, sans jamais proposer de prophylaxie, l'aaaamourrr restant l'alpha et l'oméga de toute vie de femme. Il vaut toujours mieux être mal (mâle) accompagnée que seule. L'espèce humaine, notamment ses femmes, ont tellement besoin de se vouer à quelqu'un, que la liberté et l'autonomie, l'autodétermination ne sont pas en option. Rendez-vous compte, prendre des décisions, faire ses choix seule et en assumer les conséquences, pour certain-es c'est inenvisageable. Et puis on a toujours fait comme ça. 

Elles règnent pourtant toutes sur "leur" cuisine, ce lieu dangereux par excellence, le lieu le plus dangereux dans une maison : feu, huile et eau bouillantes, couteaux, hachoirs, poêles à frire et rouleaux à pâtisserie, toutes sortes de produits ménagers toxiques et de poisons, mais il semble qu'il ne reste dangereux que pour nous, les femmes. C'est incompréhensible. L'interdiction des outils et des armes, l'interdiction de se défendre restent des injonctions inoxydables, impossibles à transgresser. Les femmes en meurent tous les jours par milliers à travers le monde. Avec la complicité de la société. Conflits de loyauté, syndrome de Stockholm, éducation brimée, bourrage de crâne, dévalorisation, voire dégradation systématiques expliquent en grande partie.  

Pour illustrer mes propos, un cas clinique de soumission à retardement relaté sous la plume de Gérard Biard dans Charlie Hebdo de mercredi 10 août : Fatima Payman, 27 ans, élue en juin sous les couleurs du parti travailliste en Australie, ce pays du Commonwealth dont la maison-mère la Grande-Bretagne s'est compromise avec les pires exceptions cultuelles de l'Islam politique, notamment en permettant des tribunaux chariatiques sur son sol. Payman est une Afghane qui a fui au péril de sa jeune vie, à 8 ans, avec ses parents, le premier régime taliban. L'Australie lui a offert sa chance : elle a brillamment réussi des études en plusieurs disciplines à l'Université de Perth. Désormais sénatrice, elle arbore fièrement le hijab et milite pour le "droit" de toutes les musulmanes de le porter. Bien oublieuse que les femmes de son pays d'origine sont désormais interdites d'école et d'université, reléguées à la domesticité, voilées par force et non par "fierté", désormais effacées, fantômes de tissu rasant les murs, par contrainte, sinon elles sont battues ou emprisonnées. Une recherche de son nom sur Internet rapporte surtout des liens vers des sites idéologiques de l'islam politique qui ne tarissent pas de louanges, la mettant en avant, à tel point qu'on se demande si tout ça est bien canonique, étant donné que la "pudeur" tellement valorisée chez les femmes en prend un sacré coup. Mais il faut ce qu'il faut, une femme de 27 ans envoilée attirera toujours plus d'adeptes qu'un barbu présumé ne pas sentir le frais. Ainsi fonctionne le soft power. Gérard Biard rappelle que " le droit de porter le voile n'est qu'une obligation déguisée s'il n'est pas associé au droit de ne pas le porter. Or ce droit-là, ces militantes de la liberté n'en parlent jamais ". 

Si les femmes des temps préhistoriques ont fait la guerre comme et avec les hommes, ont chassé pour subvenir à leurs besoins alimentaires ou pour se défendre des bêtes sauvages, il y a eu incontestablement un moment où elles ont déposé les armes, ou en ont été spoliées. Il y a eu un moment où est intervenu le tabou des outils et des armes dont l'utilisation est devenue le privilège exclusif des hommes, permettant les gains de productivité et la capacité à se défendre ou... à attaquer. En conclusion, j'ai envie de citer Ti Grace Atkinson, féministe radicale, dans Odyssée d'une amazone, sachant qu'elle y parle de l'amour pathos, du sentiment amoureux qui nous a souvent dans l'histoire été imposé par la force, le rapt ou le viol, laissant de lourdes traces dans la psyché, pas de l'amour, généralement parental, ce comportement mis au point par l'évolution qui permet aux mammifères d'élever leurs petits : 

" Avez-vous jamais réfléchi au rapport entre l'amour et la violence ? La violence est la transgression commise sur la personne d'autrui ou son individualité. L'amour n'est -il pas une transgression de l'individualité ? Céder ce qui, autrement nous serait pris par force ? L'amour est-il la réponse de l'esclave à l'esclavage ? Vous êtes-vous jamais demandé pourquoi il n'était plus nécessaire d'enchaîner la deuxième génération d'esclaves ? Si nous étions libres aurions-nous besoin d'amour ? " 

Les arguments de ce billet sur les outils et les armes m'ont été inspirés par L'anatomie politique tomes 1 et 2 de Nicole-Claude Mathieu, et par deux ouvrages de Paola Tabet, La construction sociale de l'inégalité des sexes, La grande arnaque : sexualité des femmes et échange économico-sexuel. Toutes deux sont anthropologues ayant observé et étudié les tribus premières et notamment les femmes. Ces quatre ouvrages sont des classiques, des valeurs sûres, à mettre dans toute bibliothèque féministe. 

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