dimanche 1 novembre 2020

L'éléphant dans la pièce (Buveurs de sang)

The elephant in the room : ou comment ne pas voir ce qui est pourtant énorme, les désastres provoqués par la violence et la frustration masculines. Dans un silence assourdissant.

Après un attentat terroriste de plus, incessant défilé de frustrés enragés "faisant effraction dans le réel" pour nous terroriser, sidérer la société, et tenter de provoquer une guerre civile, on a une fois de plus le même déluge de commentaires, analyses, contre-analyses de spécialistes, généralement tous des hommes, suroccupant les plateaux télé, les colonnes de journaux et les médias sociaux, proposant leurs solutions devant des animateurs et animatrices s'arrachant les cheveux pour ceux qui en ont encore : que faire pour lutter contre la violence de ces "individus" "loups solitaires" (vraiment on l'entend encore !) et "personnes radicalisées" (une personne, c'est personne disait un de mes clients se trouvant spirituel), après des micro-trottoirs déplorant que la religion qui est tout amour, conduise certains à de telles actions déviantes. Mais jamais personne ne fera remarquer ce qui crève pourtant les yeux : les terroristes sont des hommes à 99 % ! 

Il y a bien eu les trois femmes aux bouteilles de gaz aux abords de Notre-Dame en plein cœur de Paris en 2016, pourtant téléguidées par les combattants de l'EIL au Cham, mais elles avaient été sans doute mal briefées, elles avaient arrosé les 6 bonbonnes de fuel au lieu d'essence "parce que c'est moins cher" SIC, du coup le fuel étant moins inflammable, elles ont raté leur coup. Elles ont été jugées, et elles ont pris cher, 30 ans, pour la principale accusée Ines Madani. 

" L'homme a une préférence marquée pour les objectifs "virils", la guerre et la mort

Mettez-vous en tête mesdames que dans les religions du Livre, issues de la proto-histoire, narrations épiques transmises oralement par des éleveurs de moutons du Néolithique, les femmes ont pour destin de reproduire l'espèce ; nous avons même été domestiquées pour ça. Les hommes font la guerre, les femmes fournissent les soldats pour leurs guerres, c'est ainsi que ça fonctionne. Dans les territoires conquis par Daech, pour ne citer que cet exemple récent, les femmes converties ou radicalisées arrivant au Cham étaient mariées immédiatement à un combattant, ou le lendemain de leur veuvage quand le premier, voire deuxième, troisième mari tombait au front, et elles étaient parquées dans le quartier des femmes à Raqqa, (une "ferme" aurait dit Dworkin) la capitale de l'EIL. Source Le jihadisme français de Hugo Micheron. Celles, occidentales, élevées dans l'égalité avec les garçons, qui étaient venues pour combattre aux côtés des "frères" en ont été pour leurs frais : on ne va quand même pas donner une arme à une femme, elle pourrait être tentée de la retourner contre son oppresseur ! Pour domestiquer les femmes, les rendre à merci, il a fallu leur imposer le tabou des armes

" Le système de compensation le plus courant du mâle, à savoir dégainer son gros calibre, se révélant notoirement inefficace, puisqu'il ne peut le sortir qu'un nombre limité de fois, il dégaine sur une échelle franchement massive, donc sublime, prouvant ainsi au monde entier qu'il est un "Homme". "

Tenter d'expliquer ces passages à l'acte violents, comme le font certain-es par la frustration sociale et la désocialisation de "laissés pour compte", lumpen prolétaires relégués dans des banlieues tristes, ne résiste pas à l'examen. D'abord parce que pas mal s'en sortent et fournissent même des député-es à la République, et puis surtout parce que les plus mal loties dans ces quartiers, ce sont les femmes ! Mal traitées par la société patriarcale, elles peuvent l'être en plus par leurs familles, leurs frères, pères et maris, les voisins, tous les membres de la famille ou du clan. Exemple entre cent, une jeune femme tondue par sa famille parce qu'elle ne fréquentait par un garçon "acceptable" par le clan. Elles ne se saisissent pourtant pas de kalashnikovs ni même des couteaux qui ne manquent pas dans leurs cuisines pour foncer dans le tas. Alors ?  

" Notre société n'est pas une communauté, c'est un entassement de cellules familiales. Miné par son sentiment d'insécurité, l'homme est persuadé que sa femme va le quitter si elle s'expose aux autres hommes et à tout ce qui peut présenter une lointaine ressemblance avec la vie. Aussi cherche-t-il à l'isoler de ses rivaux et de cette faible agitation qu'on nomme civilisation, en l'emmenant en banlieue pour la caser dans une rangée de pavillons où s'enferment dans une contemplation mutuelle des couples et leurs enfants "

Notre classe sociale femmes est maudite : au mieux, nous sommes diffamées par la société misogyne, au pire, nous sommes passées sous silence, nos actes de bravoure (ailleurs que sur des champs de bataille, il faut du courage pour affronter le quotidien, pas mal d'hommes n'y arrivent pas) et notre grand calme inclus. Taxez-moi d'essentialisme, je m'en moque. Les femmes ne sont pas élevées, construites socialement comme les hommes, et malgré un siècle de féminisme, côté actions malveillantes (mâleveillantes ?) nous sommes toujours sous le plafond de verre : meurtres, braquages de banques, viols, délinquance sexuelle, terrorisme, tueries de masse. Ils tiennent toujours massivement les statistiques de la délinquance : 97 % de la population carcérale française ce sont des mecs. C'est qu'il y a des raisons à notre stagnation : on ne vient pas en un siècle à bout de 6 000 ans de domestication, de conditionnement par la peur, de castration psychique et métaphysique et même physique (sexes coupés, mutilations génitales diverses, pieds déformés...) à coups de pieds et de poings, de viols laissant des traces dans la psyché, de traumas se transmettant de générations en générations ! A l'inverse des autres opprimé-es, ouvrièr-es, femelles animales, nous sommes impliquées émotivement, affectivement, physiquement avec nos oppresseurs, pire, nous leurs fournissons leurs troupes et leurs soldats. Nous sommes mithridatisées, isolées les unes des autres à dessein depuis 6000 ans.

" Même chez les femmes à la coule, les amitiés profondes sont rares à l'âge adulte car elles sont presque toutes ligotées à un homme afin de survivre économiquement, ou bien elles essaient de se tailler un chemin dans la jungle et de se maintenir à la surface des masses amorphes. "

" Aucune véritable révolution sociale ne peut être réalisée par les hommes, car ceux qui sont en haut de l'échelle veulent y rester et ceux qui sont en bas n'ont qu'une idée, c'est d'être en haut. La "révolte" chez les hommes n'est qu'une farce. Nous sommes dans une société masculine, faite par l'homme pour satisfaire ses besoins. S'il n'est jamais satisfait, c'est qu'il lui est impossible de l'être.

Si l'on fait l'inventaire de 6 millénaires de pouvoir masculin prédateur et sans partage, que constatons-nous ? Une population planétaire provoquant des effractions incessantes dans les espaces des autres terriens avec les risques inhérents, la guerre avec les autres espèces pour l'espace vital, le vidage, l'épuisement et la dégradation du biotope terrestre et marin par extractivisme à coups de gros engins phalliques ; débordements d'ordures non dégradables, surpêche, braconnage -dans pas mal de cas pour soutenir leur virilité défaillante, que paient aussi bien les espèces animales que les espèces végétales ; guerres de haute et basse intensité à cause de leurs systèmes de croyances délétères, obscurantistes, aliénantes, concurrence entre eux pour des "terres vierges" restant à saccager, la compétition sans cesse promue au détriment de la coopération qu'il laissent aux "femmelettes", la course en avant au "progrès" privilégiant toujours le curatif au préventif ; la détérioration du climat qu'ils promettent, ces forcenés, de régler par la géo-ingénierie voire la colonisation hypothétique d'autres planètes, "Big Bang, Big Phallus" (Federici), et même si quelques-uns arrivent à se carapater vers les étoiles, l'humanité, celle qui n'a pas été "augmentée", restera dans les décombres de ce qui fut notre havre. Car ces nouvelles colonies ne seront pas peuplées comme les précédentes, de voleurs, outcasts, bagnards-lie de la société, mais d'hommes et de femmes technologiquement et biologiquement transformés. On le voit, le tableau des bénéfices n'est pas brillant, même si les services de recherche et développement sont littéralement capables de miracles d'inventivité et de créativité. On peut même se demander s'ils ne favorisent pas leur hybris chronique, leur sentiment de toute puissance. Mais ils pourraient bien trouver leur Némésis ! 

Et nous, les femmes, voulons-nous du rôle de " co-gérantes de la merde ambiante ", laissant faire et regardant passivement le ravage se commettre ? N'est-ce pas notre tour, à nous qui gérons leur quotidien pendant qu'ils vont prétendument à la chasse ou à la guerre, ce qui revient désormais au même ? Peut-être ne ferons-nous pas mieux, mais au moins essayons ce qui n'a jamais été fait, le pouvoir aux femmes ! Qu'est-ce qu'on a à perdre, nous les femmes, quand on voit le résultats de leurs contre-exploits et de leurs méfaits ? Préférons-nous rester des " Filles à son Papa, gentilles, passives, consentantes, 'cultivées', subjuguées, apeurées, ternes, angoissées, avides d'approbation, déconcertées par l'inconnu, " ou au contraire des "grisantes", des SCUM, des " femmes dominatrices, à l'aise, sûres d'elles, méchantes, violentes, égoïstes, indépendantes, fières, aventureuses, sans gêne, arrogantes, qui se considèrent aptes à gouverner l'univers, qui ont bourlingué jusqu'aux limites de cette société... " ? Les adjectifs de la précédente phrase, n'oubliez pas, ont été forgés, stigmatisés, par le patriarcat et ses allié-es pour nous tenir dans l'aliénation, la peur et la dépendance. Ils ne sont pas péjoratifs mais valorisants, ils sont destinés à briser nos chaînes. 

Les citations en caractère gras et rouge retranscrites dans ce billet sont extraites de SCUM Manifesto, pamphlet écrit en 1967 par Valerie Solanas. Il garde 50 ans après toute sa verve, tout son pouvoir subversif et révolutionnaire. Malgré quelques errances essentialistes, et références douteuses, ce texte est un dazibao, un coup de gueule, plus hurlé qu'écrit : Valerie Solanas survivait en marge, comme pas mal de femmes, en faisant la manche et en se prostituant, elle avait donc quelques raisons d'être dans une colère noire. Texte fun, accrocheur, avec un sens inégalé de la punchline, texte assertif et empouvoirant, texte salutaire donc.  La colère, ce sentiment si réprimé chez les femmes : avec Valerie Solanas, affirmons notre droit d'être en colère, une colère motrice, pulsion de vie, refusant le statu quo et l'abattement devant leurs perpétuelles pulsions de mort.


" Si les femmes ne se remuent pas le cul en vitesse, nous risquons de crever tous

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