vendredi 7 décembre 2018

L'incivilité, ce serait morphologique !

En allant dans l'une de mes bibliothèques un jour dernier, j'échange quelques phrases avec la dame de l'entrée et prends des nouvelles de sa santé et de son moral (ça m'apprendra à être courtoise, tiens !) : ça ne va pas bien du tout, vivement les vacances ;(( elle en a marre du quartier, quand elles arrivent le matin "elles trouvent des crachats et des marres de pisse tout autour de l'immeuble, leur lieu de travail ", raconte-t-elle. Il faut dire que le quartier est bétonné à mort, clapiers modernes éclusant la surpopulation urbaine, alignés, relativement neufs de cité dortoir, autour d'une avenue commerçante piétonne, point chaud réverbérant la chaleur, vite insupportable en cas de canicule, mais accessible aux voitures, où les soirs d'été les garçons tapent dans le ballon pendant que les ménagères rasent les murs avec leurs paniers à provisions et leurs poussettes ; ça aussi, ça me vrille les nerfs.

D'ailleurs c'est dans ce même endroit où il y a deux ans, quand je sortais d'un parking souterrain par un ascenseur débouchant dans une allée, des garçons (14 /19 ans) adossés aux murs, et squattant les abords (des espèces de débords et de marches poussant au crime), mangeant gras et buvant sucré en laissant leurs déchets derrière eux, me traitaient de " grosse pute " histoire, je suppose, de me souhaiter la bienvenue. Plusieurs fois de suite, bien fort, pour que nulle n'en ignore. Une lettre adressée à la mairie, restée sans réponse, a tout de même fait effet : des trucs très moches bloquant les abords ont été installés, du coup personne ne peut plus s'installer dessus, les gars sont allés insulter ailleurs, inconvénient déplacé, non résolu. Répression plutôt qu'éducation, et bien sûr, mutisme, non réponse aux plaintes. Je hais ces élus et leur petit personnel arrogant et méprisant, mâles et femelles.

Donc, premier réflexe, je dis à la bibliothécaire que "c'est des mecs" qui crachent et pissent partout comme d'habitude. Je la vois aussitôt rentrer dans sa coquille : pas touche aux couilles des mecs, pas politically correct, j'en ai à la maison, j'en fais même l'élevage, sous-texte. Avant de passer au prochain client et de se débarrasser de moi et de ma franchise décidément sans filtre, elle rajoute toutefois que "c'est morphologique", de pisser contre les murs, sinon de cracher partout. Argument décisif, passons à autre chose.

C'est morphologique de se sortir la nouille et de pisser contre les murs et contre les bâtiments publics ? Sans rigoler ? Finissons-en avec les légendes patriarcales auto-justifiantes, cache-misère : ma mère pissait debout, ma grand-mère pissait debout, et il m'arrive de pisser debout. Les mâles n'ont pas le monopole. Les paysannes ont toujours pissé debout à la campagne, pisser assise c'est un truc de citadines timorées, on dirait, assez récent en plus. A mes deux parentes, il leur suffisait d'un peu soulever leurs jupes et d'écarter leur culotte, le tour était joué, ça éclabousse un peu les pompes, mais pas plus que celles des mecs qui font pareil ; pour moi, qui suis en pantalon, c'est un peu plus compliqué mais franchement, j'y arrive avec ou sans pisse-debout et à peu près partout, discrètement. Et ce n'est pas plus déshonorant ni visible que de se sortir la teub : au moins chez nous, pas d'organe en vue. Pas d'exhibition donc.

La morphologie n'a rien à voir, l'éducation tout. D'un côté de la classe sociale, c'est admis, de l'autre, NON. L'incivisme, la mauvaise conduite, le mépris des règles sociales les plus élémentaires, ce besoin de salir, d'avilir les lieux publics, lieux où tout le monde passe, il n'y a qu'eux qui fassent cela. Le non dit, le déni, les pudeurs de mères de famille qui pignent tout en refusant de nommer le problème, les pouvoirs publics qui font pareil, mais viennent en catimini poser du matériel urbain pour empêcher ces enragés d'accéder et de nuire, après leur avoir payé avec l'argent de toutes les contribuables des skate parks, des terrains de foot, en pure perte, mais en réaffirmant que leurs besoins de parasites priment avant ceux des filles et des femmes, tout cela ne me convient plus. Les stratégies d'évitement, le politiquement correct mal appliqué, juste parce que la société s'arrange bien au fond de ces comportements de délinquants et que les femmes sont en conflit de loyauté, qu'elles sont affectivement et émotionnellement impliquées avec eux, pire, qu'elles produisent de l'ennemi de classe par 70 kg, personnellement j'en ai assez.

Même si moi je n'ai pas peur d'eux et que je ne pratique pas de stratégies d'évitement, que je passe là où je dois passer sans faire de détours, que je pense que je n'ai pas à céder la place à la mâlerie (comme écrivait Léo Thiers Vidal), par là l'avalisant sans jamais rien affronter, même si je l'ouvre en annulant une éventuelle popularité (je me fous bien de ma popularité), il y en a vraiment marre de ces pudeurs d'asservies qui refusent de nommer le problème. On dirait que la conscience de classe est un luxe, réservé à quelques-unes, et qu'au nom de plein de timorées, les premières n'ont plus qu'à la boucler et filer doux comme elles. Vous n'êtes pas toutes seules, Mesdames, je considère n'avoir pas à avaler les couleuvres que vous avalez jour après jour. Pensez aux autres, un peu de solidarité de classe ne nuirait à personne, elle ne marche pas que dans un sens. Et elle permettrait de faire reculer l'impunité. A moins que vous ne vous trouviez bien comme ça après tout ? On peut se poser la question.

Quelles sont les tyrannies que vous avalez jour après jour, et que vous essayez de faire vôtres, jusqu'à vous en rendre malade et à en crever, en silence encore ?  " Audre Lorde - Féministe, écoféministe radicale.
Je rajoute : et à en faire crever les autres ? 

3 commentaires:

  1. La prochaine fois, en fine mouche, je vais changer de stratégie, je vais dire "mais c'est pas possible toutes ces bonnes femmes qui pissent et crachent partout, qui salissent l'espace public, vous ne trouvez pas ? Il va falloir que ça cesse !" On va bien,voir. Il faut essayer des trucs, après tout.

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  2. Moi je fais pareil. Je dis ouvertement que ce sont les mecs les déchets partout, le bruit et la pollution. Les 2/3 tiers des femmes sont d'abord surprises, se marrent et finissent par dire "Exactement !". Les autres ne savent pas quoi répondre.
    J'étais à Bruxelles la semaine dernière et j'ai demandé à la maison du tourisme où on pouvait trouver une figurine de la Janecke Piss ( le pendant féminin du Manneken Piss). On m'a répondu qu'on n'en produisait pas. La nouille à l'air ca doit paraître plus esthétique à la masse comme le nom "écrivain" qui sonnerait mieux qu'"écrivaine" !

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    1. Exactement. Puisque la société nous passe sous silence, il vaut mieux la ramener en toutes occasions.

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