Colonialisme, sexisme, défaunation, holocauste d'animaux d'élevage : l'HIStoire du burger, l'insoutenable solution moderniste à notre fourniture en protéines.
Cet article est inspiré du chapitre 3 (Cow burger) de l'ouvrage de Carol J Adams "Burger" paru chez Bloomsbury dans leur collection Object Lessons qui raconte l'histoire d'objet usuels du quotidien. Édition non traduite en français.
Colonialisme
Tout commence en 1492 avec l'arrivée de Christophe Colomb dans le "nouveau monde", immédiatement suivi par les colons espagnols qui arrivent sur l’Île d'Hispaniola (l'actuelle République Dominicaine) avec leurs vaches Long Horn.
Au commencement était l'auroch, ancêtres de toutes les vaches actuellement connues, dont les derniers spécimens disparaissent définitivement aux alentours de 1500. Il est à noter que le "Nouveau Monde" est invariablement présenté comme " une terre vierge à conquérir " ce qui est évidemment une métaphore sexiste : la virginité, caractéristique des femmes -selon la rhétorique patriarcale- qui n'ont pas été dégradées par des rapports sexuels, comme écrira plus tard Andrea Dworkin dans Intercourse. Femmes et nature, ces deux "terres à conquérir" pour tout valeureux mâle digne de ce nom.
Y a-t-il des gens sur ces "terres vierges" avant l'arrivée de Colomb et Cortès ? Oui, il y a des indiens, ainsi nommés par Colomb car il se croyait aux Indes. Des autochtones, des gens du cru. Mais ce sont des "sauvages", ils seront commodément animalisés et féminisés dans le processus de colonisation et surtout, ils devront céder la place. Donc, voici les vaches Long horn débarquant des galions espagnols, pour la fourniture de lait et de travail de somme essentiellement, accompagnées des maladies qui vont avec les troupeaux : la tuberculose, la variole et la rougeole. Toutes les épidémies humaines viennent d'épizooties, de virus mutagènes dus au contact entre espèces et de la densité de populations animales et humaines. Comme on n'est pas des sauvages, on va "civiliser" les natifs "indiens" en les poussant à acquérir des vaches contre 8 loups présentés tués : tout bénef, on éradique le prédateur des troupeaux, et les indiens passent aussi d'une société de chasseurs à celle d'éleveurs-agriculteurs sédentaires, le modèle "civilisateur" occidental.
Le problème ou bénéfice (cela dépend du point de vue où on se place) avec des vaches, c'est qu'il faut les faire pâturer dans des champs clôturés de façon qu'elles ne se fassent pas la belle, ce qui tend à prouver que les animaux d'élevages sont détenus contre leur gré; en effet, dès qu'il y a une brèche dans une clôture, elles se carapatent ! Sauf que pour les clôtures à piquets de bois, il faut du bois, qui vient à manquer quand on a déforesté pour faire des pâtures. Comme il y a un dieu bienveillant pour les patriarcaux et qu'ils sont ingénieux en diable, en 1873 un certain Joseph F Glidden, fermier de l'Illinois, dépose un brevet pour le fil de fer barbelé qu'il vient d'inventer : un grand bond pour l'humanité éleveuse. Surnommé la "corde du diable" par les ranchers texans, le barbelé fonctionne sur la violence, contrairement à toute autre type de clôture, le barbelé utilise de corps du détenu contre lui-même : l'acte de forcer le barbelé cause des blessures au corps du fugitif ", écrit Carol J Adams.
Deux autres inventions techniques vont faire la fortune du hamburger : l'abattoir -annonciateur de l'ère industrielle, puisque le système précurseur de désassemblage des abattoirs de Chicago "la grande cité du bœuf de boucherie", sera copié à l'envers par le fordisme et ses usines d'assemblage d'automobiles, à Detroit. Ensuite la congélation et le système de vente au détail de pièces de viande : jusqu'à cette époque, la viande de porc était privilégiée pour la consommation humaine, à cause des modes de conservation dans la saumure, ou par séchage, mais qui ne permettent pas de manger de la viande fraîche tout le temps. L'essor du train quadrillant les grandes plaines des indiens décimés désormais parqués dans des réserves, permet de transporter rapidement des pièces de bœuf vers les lieux de détail, les boucheries, dans les villes. L'industrialisation de l'élevage -les grandes plaines du Far West rapidement transformées en pâtures clôturées, puis en "feedlots" parcs à bovins, on garde les clôtures mais ils sont sur de la terre battue, non plus nourris par de l'herbe mais par du maïs, tout cela fait que l'animal produit plus rapidement du muscle, une viande "persillée" (infiltrée de graisse), et qu'il est abattu "à maturité" plus jeune, d'où des gains de productivité, malgré le fait que 40 à 50 % de l'animal est non consommé (peaux, onglons, abats, cornes...).
Des voix s'élèvent-elles dès la fin du XIXème siècle en disant que la déforestation, la transformation des Prairies en pâtures, puis l'élevage intensif, épuisent les sols et, comme on ne disait pas alors, la biodiversité ? Extermination des loups et des bisons, la colonisation des terres par les fermiers et leurs bovins sonneront le glas des "native americans" les indiens, les quelques restants seront bientôt parqués dans des réserves, minés par la perte d'identité, la perte de leur histoire, de leur culture, et par l'alcoolisme qui va avec : biocide, zoocide, génocide se suivent, qu'à cela ne tienne, la faim humaine de viande aura raison de toute prudence. Burger pour tous. Les colons anglais mangeurs de bœuf ont définitivement gagné la partie.
L'infographie ci-dessous montre le poids des mammifères terrestres sur la planète aujourd'hui. Un petit carré équivaut à un million de tonnes. Les humains et leurs animaux de boucherie surclassent toutes les autres espèces de mammifères, représentés eux par les petites briques vertes.
Néo-colonialisme
Les hindous et les irlandais, tous deux peuples stigmatisés, l'un comme mangeur de riz et l'autre comme mangeur de patates, tous deux victimes de la colonisation britannique, étaient vus comme des sous-développés et tenus en sujétion par les anglais qui se considéraient mieux nourris de viande de bœuf, et du coup apporteurs de civilisation. Les irlandais paieront le prix fort de la Grande Famine provoquée entre 1845 et 1852 par le colonisateur anglais, famine qui les contraindra à émigrer massivement vers cette autre colonie britannique, les Etats-Unis.
Dans les abattoirs industriels aujourd'hui, travaille en majorité une main d’œuvre immigrée, provenant, pour les États-Unis, du Mexique ou d'autres pays d'Amérique du Sud, les "dos mouillés" qui trouvent à s'employer dans les travaux, dont même les petits blancs pauvres ne veulent plus. En Europe, ce sont les maliens, roumains et portugais... qui fournissent les bataillons de l'abattage des millions de vaches pour votre hamburger McDonald's ou Burger King ! C'est le prix à payer pour une viande bon marché dont un seul steak haché peut compter jusqu'à un millier d'ADN différents !
Sexisme
The Thick Burger
The Whopper
The Big Mac
Big Boy
Chubby Boy
Beefy Boy
Super Boy
Pour nommer leurs steaks hachés, les McDonald's et Burger King rivalisent de "double entendre" disent les anglais, d'allusions à des fonctions érectiles : il y est question d'organes masculins rivalisant de longueur, largeur et puissance, même si le français peine à les traduire et que les termes employés passent au-dessus de la tête des consommateurs non US, puisque leurs noms viennent du parler populaire de là-bas, nous colonisant à notre tour. Comptez toutefois sur les visuels publicitaires pour expliciter la chose. Ils sont forgés pour convaincre les hommes qui les consomment de leur virilité, et les femmes, de se les rentrer dans la bouche !
Ainsi, en deux centaines d'années, le burger conquit le monde !
Il a suffit de convaincre les sous-développés mangeurs de riz (les sauvages mangent du riz et autres graines ou céréales, et les bonnes femmes mangent des salades, selon la rhétorique des mâles éleveurs mangeurs de viande) de se mettre au bœuf haché.
Pour le suprême malheur des animaux dits "de boucherie", élevés dans des conditions indignes, promis à une mort précoce et industrielle, un holocauste de vaches, porcs, poulets, et poissons ;
Pour le malheur des animaux sauvages victimes depuis 150 ans de réduction, puis destruction de leur habitat, et de disparition inéluctable, dite défaunation ;
Pour le grand malheur de la terre appauvrie sous les sabots des vaches en corrals, et sous les cultures intensives de maïs, à base d'intrants, désherbants, insecticides et pesticides ;
Pour le malheur de la forêt amazonienne (entre autres) décimée au profit des cultures de soja fournissant les protéagineux nécessaires aux vaches dites "à viande et lait" ;
Pour le malheur des paysages et des communautés humaines forcés de suivre le mouvement du steak haché pour toutes les bourses, une sorte de dévoiement de la démocratie tout en prétendant faire le bonheur des classes moyennes ;
Et enfin, pour le grand malheur de l'humanité, frappée en premier lieu d'une pandémie d'obésité, de résistance aux antibiotiques qui pourrait réellement mal tourner, surtout si un superbug ultra résistant franchit la barrière des espèces ; de perte de ressources en biodiversité, humanité bientôt seule dans un monde désolé, uniformisé, dépourvu de toute beauté.
Ne comptez pas sur moi pour pleurer sur son sort.
Comment tuer une vache
" D'un côté de la salle, court une étroite galerie, à quelques pieds de l'atelier, vers lequel le bétail est conduit par des hommes qui leur donnent des chocs électriques. Une fois assemblés là, les créatures sont emprisonnées, séparées, chacune dans son enclos, par des portes qui se ferment, ne leur laissant aucune place pour se retourner ; et pendant qu'elles se tiennent meuglant et ruant, au-dessus de l'enclos, se penche un des "tueurs" armé d'une masse, cherchant un angle de frappe. La pièce est remplie des échos d'une succession de bruits sourds, du martèlement des sabots et des ruades des taurillons. " La Jungle d'Upton Sinclair, selon ma traduction.
Aujourd'hui, les tueurs sont armés de pistolets à tige perforante tirés dans la tête, sensés rendre les bovins inconscients (quand le pistolet ne s'enraie pas) avant d'être dépecés, membres découpés à la scie électrique, le tout en moins de cinq minutes. Certains sont dépecés non étourdis. Le convoyeur avance à 15 km par heure.
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L'invention du barbelé, c'est l'inverse de ce qui est dit dans le billet : les espaces vide convenaient très bien aux grands éleveurs qui avaient la place qu'il voulaient pour faire voyager leurs troupeaux. Ce n'est pas la déforestation qui posait problème non plus : les grandes plaines du centre des USA étaient déjà des plaines. Le barbelé a en revanche trouvé son utilité pour les agriculteurs, pour empêcher à moindre cout les bestiaux d'ENTRER dans leurs champs.
RépondreSupprimer??? Pas tout compris, le barbelé a remplacé les piquets de bois taillés dans les arbres évidemment et comme il y avait moins d'arbres... Les corrals actuels sont de grands espaces aussi, si on veut aller par là.
SupprimerC'est une évolution technologique, d'accord, mais ce n'est pas une conséquence de la déforestation (les arbres étaient déjà rare dans les grandes plaines du centre des USA).
RépondreSupprimerEt c'est une invention au profit des agriculteurs, pas des éleveurs : les éleveurs avaient pour habitude de faire paitre les bêtes dans des espaces ouverts, sans aucune cloture (d'où l'importance des cow-boy à l'époque pour encadrer les troupeaux et du marquage au fer pour retrouver les bêtes égarées). En revanche, le fil barbelé permettait d’empêcher le bétail d'entrer dans les cultures et accessoirement de les piétiner/dévorer. Les éleveurs étaient contre, les clôtures barbelées restreignaient la liberté de mouvement du troupeau. Le fil barbelé a d'abord empêché le bétail d'entrer. C'est ensuite, quand les troupeaux sont devenus moins mobile et restreint à l'espace des près que le barbelé à servi pour les empêcher de sortir