jeudi 16 novembre 2017

Pourquoi cette végane ne regarde-t-elle plus de programmes animaliers ?


Cet article est la traduction d'un billet écrit par Corey Wrenn, publié sur le site Vegan Feminist Network. Traduit et publié sur mon blog avec son aimable autorisation. 

" J’adorais regarder des programmes animaliers quand j’étais enfant. J’ai toujours été une amie des animaux. Cependant, plus je vieillis, moins j’ai de patience envers ces programmes. En fait, je les boycotte pratiquement tout le temps à cause de leurs inévitables scènes de mort et de souffrance (scènes que les documentaristes passent des mois à capturer afin de donner du peps à leurs documentaires), que je trouve traumatisantes.

Aujourd’hui, je me souviens encore de ces scènes graphiques et horrifiantes. Une bête sauvage éventrée par des lions alors qu’elle se débat et pleure pour sa vie ; des hyènes attaquant une lionne, la laissant mourir lentement, la mâchoire brisée, assoiffée, dans la chaleur africaine ; un groupe d’épaulards noyant un bébé baleine à bosse pour le plaisir pendant que la mère se bat pendant des heures pour le protéger, etc.

Même la Marche de l’empereur, classé G, donc présumé pour enfants, était, pour moi, un film profondément dérangeant car il mettait en scène des familles séparées par la prédation et la cruelle mort lente par hypothermie et famine, sentences de mort prononcées pour des poussins et des partenaires dépendants.




Quand j’étais jeune, je devais m'endurcir et me forcer à regarder. Après tout « c’est la réalité » disait le slogan. Mais maintenant, je le vois pour ce que c’est : une glorification de la violence et une tentative forcenée de formater la nature (un espace généralement pacifique caractérisé par la coexistence et la symbiose) en un univers brutal et sans pitié. Ces programmes deviennent une justification idéologique à la société violente que les humains ont construite.  

L’incantation « c’est réellement comme ça » encourage la société à étouffer la compassion, la paix et la non-violence. Un autre exemple : la même intention préside aux films de guerre. Le public est supposé assister à des scènes horrifiantes de garçons et d’hommes tuant d’autres garçons et d’autres hommes parce que « c’est comme ça, que c’est la réalité ». D’implacables images de violence envers les femmes qui paraissent désormais obligatoires dans les scénarios actuels, convoquent la même chose. De la même manière, on attend des activistes qu’ils s’endurcissent et absorbent l’imagerie de violence contre les animaux non-humains commise par des humains à travers d’incessants messages sur les medias sociaux véganes, de nouveau, « parce que c’est la réalité ».

Le piège réside dans le fait que la violence n’apparaît pas tout le temps, ni même la plupart du temps. Les médias sont une construction sociale. Ce qui y est présenté est consciencieusement fabriqué par des auteurs, des metteurs en scène, des patrons d’associations, et d’autres, dans le but d’accroître leurs audiences et leur volumes de donations. Cela sert aussi le pouvoir en confortant la société dans l’idée que l’inégalité est un fait incontestable. C’est donc une narration de violence, de hiérarchie et de domination patriarcale qui est une perspective parmi d’autres, mais qui devient l’idéologie dominante, noyant toute alternative.

En m’affirmant féministe, je me suis finalement endurcie, mais pas de la façon dont les médias s’y attendaient. J’ai acquis la confiance de dire non et de rejeter cette narration. Je change de programme ou j’éteins. Je réalise maintenant que je n’ai pas à me punir en adhérant aux normes patriarcales qui m’enjoignent de supprimer mon empathie et d’être honteuse de trouver la violence abominable. Pour moi, ce n’est pas du divertissement, c’est de l’endoctrinement, et ça va mieux en le disant. "

4 commentaires:

  1. Oui et non.
    Oui, les documentaires animaliers sont scénarisés. Quand j'étudiais l'éthologie en fac, nous savions que beaucoup de comportements totalement naturels et courants dans le milieu sauvage étaient censurés par les réalisateurs « parce que le public ne comprendrait pas ! »

    Par exemple, les relations entre congénères du même sexe sont plutôt fréquentes dans la nature et systématiquement coupées au montage. Le biais anthropomorphique dans la manière de raconter l'image et de sélectionner les séquences comportementales, voire de les remonter est assez pénible. Comme disait mon vieux prof : « non, on n'est pas chez Mickey ! ». Ce qui signifiait que les communications interspécifiques étaient considérées comme illusoires.
    Cela dit, depuis, nous avons eu depuis plusieurs preuves de communication voire de réels comportements d'entraide interspécifiques… et ça, c'est bougrement intéressant.

    Donc oui, les documentaires sont très biaisés.

    Mais, d'un autre côté, la prédation est une nécessité vitale pour de très nombreuses espèces. La mort nourrit la vie. Nous le recevons comme une violence (et il est vrai qu'il existe une sorte d'esthétique de la violence dans les documentaires animaliers), mais cette violence est dans notre œil.
    Pour moi, le problème n'est pas tant dans l'acte que dans l'intention. L'animal se nourrit, l'humain s'amuse et jouit de cette souffrance… c'est à mon sens là où se niche la violence.

    J'ai déjà vu des Vegan couper en deux des limaces avec un canif pour protéger leur carré de salades. La violence qui s'exerce sur la limace ne m'est pas plus agréable que celle que nous exerçons sur la mouche ou le moustique en les écrasant brutalement.

    En tout cas, je ne me sépare pas, je ne me place pas au-dessus de la condition de l'être vivant qui doit sa subsistance à d'autres êtres vivants.

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    1. Merci de ton passage et de ton commentaire avec lequel je suis globalement d'accord. La violence est effectivement dans l’œil de celui/celle qui regarde. L'espèce humaine tue avec des instruments, c'est aussi une différence avec les animaux. Il est très difficile d'échapper en tout état de cause aux narrations humaines, puisque nous sommes une espèce qui raconte des histoires pour tenter d'expliquer le monde. Et qui nomme : les animaux dans les documentaires animaliers ont toujours un nom. Quand aux végétaliens qui coupent des limaces en deux, même pour protéger leur carré de salades, ça ne me paraît pas très végane ! C'est plus difficile de mettre ses actes en accord avec ses principes quand on a une invasion de fourmis, par exemple. Mais on peut faire de la prévention.
      Je ne me sépare pas des autres êtres vivants, je crois, mais je pense avoir plus de responsabilités qu'eux. Ne serait-ce que parce que nous avons gagné et que nous sommes l'espèce prédatrice par excellence.

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  2. Moi non plus je ne regarde plus les documentaires animaliers , parce qu'en fait la vie des animaux leur appartient et je n'ai pas envie de la connaitre .... En fait leurs vies ne me regarde pas ...... Je suis une personne capable de violence , et , en temps que travailleuse agricole j'ai déja tué des animaux ...... Je ne le fais plus et ne le ferais plus ..... Mais je me sens capable de tuer des êtres humains si ma vie en dépendait ....... Je sais cette violence en moi ...... C'est ma violence , mais celle des animaux ne me concerne pas ..... Qu'ils vivent leurs vie comme il peuvent et comme ils veulent ..........

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    1. "Je serais capable de tuer des êtres humains si ma vie en dépendait"(ou, sans doute plus plausible, de les incapaciter sérieusement) c'est de la légitime défense, il me semble.

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