vendredi 24 novembre 2017
25 novembre - Mettez-vous en colère, ce monde masculin est insupportable !
En ces journées de lutte autour du 25 novembre, je propose un billet tentant de montrer que la violence contre les femmes est un long processus, mis en place et entretenu avec soin par la société patriarcale.
Cette journée va bien sûr être relayée partout au sens violences physiques et sexuelles faites aux femmes. Or, je pense pour ma part que la violence faite aux femmes est un continuum qui va de la violence économique à la violence sociale, à la violence psychologique pour aboutir à la violence physique et au meurtre. Si on ne s'attaque pas en priorité à la violence économique, on ne résout rien et les femmes restent dans l'impuissance. Cantonnées dans les basses zones de l'économie, à une douzaine de métiers peu payés et peu valorisés, aux salaires inférieurs de 20 à 40 % à ceux des hommes à qualifications et responsabilités égales, aux plafonds de verre, aux faibles équipements quand elles sont agricultrices ou créatrices d'entreprises, avec peu ou pas d'accès aux prêts bancaires, peu ou pas d'accès à la propriété, leurs indispensables contributions économiques ignorées des comptabilités nationales (PIB), les femmes sont pauvres, ou si elles ne le sont pas, leur richesse dépend de celle d'un homme. Elles se contentent de rôder autour des banquets des mecs qu'elles ont préparés (courses, cuisine, service et vaisselle), où elle grappillent les miettes qui tombent de la table : faibles retraites, précarité économique et sociale, sous-emplois partiels, supplétives de la "force de travail" masculine, renvoyées à la cuisine en périodes de chômage, évidemment tout cela est un programme politique voulu, exécuté en pleine connaissance par la société patriarcale et ses agents. L'empowerment des femmes passe d'abord par l'indépendance économique : éducation, profession, et plus si elles le souhaitent, mariage et maternité, mais les deux premiers piliers sont les plus importants, et les deux autres facultatifs. La valorisation de la maternité est le fait d'une société conservatrice qui ne pense les femmes qu'en terme de (re)production. L'indépendance économique, c'est ne pas dépendre d'un autre pour ses ressources donc sa vie, l'indépendance économique est la clé de l'émancipation.
La violence sociale est la conséquence immédiate de la première : la fragilité économique conduit droit vers les organismes sociaux, dont les aides sont massivement allouées aux femmes car pauvres et surchargées d'enfants qu'elles élèvent seules la plupart du temps sous le nom de familles mono-parentales. Quand elles connaissent leurs droits et qu'elles les font valoir, ce qui est loin d'être le cas pour un certain nombre d'entre elles qui ne savent pas ou n'en veulent pas, et après avoir subi une queue interminable à un guichet, parce que bien sûr, tout cela est traité par la file d'attente. Que celle qui ne s'est jamais fait humilier par la CAF ou un bureau d'aide sociale lève la main. La violence sociale, c'est aussi se limiter et se sacrifier pour d'autres qu'on estime devoir faire passer avant soi. La violence sociale, c'est limiter ses ambitions et potentialités pour être au service contraint des autres.
La violence psychologique fait l'appoint : diktats sociétaux, injonctions patriarcales, même paradoxales, car c'est tout bénef quand on ne comprend rien à deux propositions contradictoires bien shizoïdes dans la même phrase : quels que soient vos choix, vous aurez tout le temps tort ! Suivent la dévalorisation, les remarques acerbes, les propositions grivoises, les menaces sournoises, la mise en doute permanente de nos capacités intellectuelles et professionnelles, va-t-on réussir à "concilier" vie professionnelle et vie de famille, ou alors si vous n'avez pas la (mal)chance d'être dans le dilemme, on met en doute votre "féminité" : mais pourquoi vous n'avez pas d'enfants ?" (entendu en entretien de recrutement plusieurs fois). Pas de doute, ils sont pro-fes-sion-nels, EUX.
Évidemment, cette perpétuelle guerre d'attrition, cette stratégie des mille coupures, ce travail de sape, combinés à un environnement hostile, ne tardent pas à porter leurs effets, la violence physique peut alors se manifester. Coercition, chantage à la sécurité et à l'emploi. Faible estime de soi, sensation de danger permanent, rappels à l'ordre, diffamation de nos personnes et de nos qualités, propositions salaces directes et insistantes, insultes, attouchements, placage contre des murs ; quand l'agression se précise et se concrétise, nous sommes tétanisées, pétrifiées, et pour nous consoler nous nous répétons que tout cela n'est pas trop grave et qu'après tout on n'en est pas mortes. SAUF que de temps en temps, une fois par jour ou tous les deux jours, il y a quand même une morte : chez elle (l'endroit le plus meurtrier), dans la rue, en faisant du jogging, en allant ou en revenant de l'école, sur un campus d'université, dans une soirée "entre potes", NO SAFE PLACE. Le terrorisme viril, la terreur machiste règnent de façon à bien faire comprendre aux récalcitrantes qu'il vaut mieux filer droit (à la maison, au foyer), ne pas empiéter sur leurs espaces, clubs mafieux, rues, bistrots, lieux de pouvoir et partis politiques, et que c'est ainsi que nous n'aurons pas d'ennuis.
Évidemment tout ceci est un leurre : des ennuis on en a tout le temps ! Alors si pour une fois la terreur changeait de camp, si la colère, cette émotion si peu féminine à les entendre, nous emportait et nous submergeait ? Si nous l'ouvrions une bonne fois ? Si nous balancions tout ce qu'ils nous ont fait en pariant sur notre passivité et notre manque de répartie, sur notre tétanie ? Si nous devenions rouges et tremblantes de rage, comme Uma Thurman dans la vidéo ci-dessous ?*
La honte et le déshonneur ne sont pas nôtres, ce n'est pas à nous de les porter. C'est eux, les malhonnêtes, les tricheurs, les incompétents, les violents, ce sont eux qui fournissent les gros bataillons des lâches. Alors pourquoi courber l'échine, pourquoi se taire et faire comme s'il ne s'était rien passé ? Pourquoi la surdité de la société alors que les femmes parlent, voire hurlent ? Etre féministe, c'est être en colère. Contre l'injustice. Contre la brutalité aux plus faibles, quels qu'ils soient. Contre le monde tel qu'il va entre leurs mains et leur pouvoir délétères. Contre leurs gouvernements mafieux masculins cooptés. Alors oui, nous avons des raisons d'être en colère. Soyons en colère, approprions-nous la colère. La peur et la honte doivent changer de camp. Maintenant.
* Uma Thurman, interrogée à propos des accusations de harcèlement contre le producteur Weinstein, dit en résumé, le rouge aux joues et bouillonnant de rage contenue, que quand elle était plus jeune et qu'elle parlait sous le coup de la colère, elle s'exprimait mal. Donc, qu'elle va se reprendre et quand elle ne sera plus sous le coup de l'émotion, elle dira ce qu'elle a à dire.
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Saine colère, celle qui maitrisée donne libre cours aux actes constructifs.
RépondreSupprimer:)) Merci de ton passage et de ton commentaire. Les femmes sont trop polies !
SupprimerVous devriez préciser que vous décrivez une situation de certains pays bien précis. Au choix : Afghanistan ? Yémen ? Arabie Saoudite ? Certains villages reculés du continent indien ? Ou alors, si vraiment cette situation vous semble correspondre à la France, vous devriez préciser "des" femmes et non "les" femmes. Je n'ai jamais de toute ma longue vie été confrontée à cet état de choses ni n'ai jamais rencontré de femme qui le soit. Toutes générations confondues les femmes que j'ai côtoyées ou connues étaient de fortes natures qui n'ont pas subi l'esclavage que vous décrivez et qui ont, bon an mal an, courtoisement vécu auprès de ces "horribles" hommes !!
RépondreSupprimerRegardez quand même du côté de vos salaires et accessoires de salaire, avancements, si vous êtes salariée, et scrutez bien votre retraite et comparez aux hommes à situation égale par ailleurs, formation, qualification et responsabilités, si c'est votre situation, MEME si vous êtes célibataire sans enfants. Et comparez bien tout : le diable est dans les interstices, ils ne peuvent pas s'en empêcher. Il n'est pas question de "fortes natures", les fortes natures n'ont jamais empêché quelque chose qui fait système politique de fonctionner. Même moi, qui ai une culture politique, elle ne me sert qu'à voir et repérer l'inégalité de traitement et à tenter d'y parer du mieux que je peux. En Afrique les femmes n'ont pas accès à la terre ni aux prêts bancaires, mais en France, les femmes non plus, pas de prêts bancaires, les banques sont réticentes, alors que Drahi, lui, endetté jusqu'à la moelle, les banques lui prêtent sans discussion. Si vous avez eu des enfants, le travail qui consiste à les élever et les corvées de ménage n'ont jamais été comptabilisées dans le PIB français et vous vous êtes au moins tamponné une double journée, en espérant que vous n'ayez pas été obligée de prendre un "temps partiel" pour "concilier". Mi-temps = demi-salaire = demi-chômage = demi-retraite, ça va mieux en l'écrivant ! La situation des femmes n'est pas la même partout évidemment, mais le patriarcat vampire parasite est partout, il est consubstantiel des sociétés humaines. Vous et moi n'y pouvons pas grand chose, à part le combattre. Je sais que c'est douloureux à admettre, mais je n'y peux rien du tout. C'est certainement plus facile de s'aveugler et de vivre dans l'illusion. Mon blog sert à casser l'illusion et l'aveuglement.
SupprimerBonjour,
RépondreSupprimerAlfred de Vigny disait : « Après avoir bien réfléchi sur la destinée des femmes, j'ai fini par penser que tout homme devrait dire, à chaque femme, au lieu de bonjour, pardon ! Car les plus forts ont fait les lois. »
https://livresdefemmeslivresdeverites.blogspot.fr/
Cordialement.
Autrement dit par Ti Grace Atkinson "C'est l'oppresseur qui écrit les définitions". Merci de votre commentaire.
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