"Je suis la résurrection et la vie" - Jean 11, 25
A entendre les scies publicitaires de Carrefour et de Casino à la radio, les gigots d'agneaux de Pâques sont arrivés dans leurs boucheries ! Les abattoirs fonctionnent au maximum de leurs capacités un mois avant la fête : noria de camions sur les routes transportant des bébés animaux aux abattoirs, heures supplémentaires pour le personnel abatteur. On prépare Pâques chez les catholiques. Chaque fête religieuse a son animal ou ses animaux dédiés, ça varie les plaisirs de table : massacre de chapons, oies, dindes à Noël, d'agneaux de quelques semaines à Pâques ; le Cifog essaie même de vous vendre du foie gras, histoire de se sortir du créneau étroit des fêtes de fin d'année et d'élargir la période de consommation d'un produit qui n'est même plus dans la "distinction sociale" (Bourdieu), ni dans le luxe, puisqu'on le trouve chez les hard discounters. Pour le plus grand malheur des canards. L'Aïd el kebir (fête du mouton !) se solde par une hécatombe de moutons chez les musulmans. Pour les juifs je ne sais pas, leur dieu n'étant, au moins, pas un dieu d'amour. Mais la Torah est un catalogue d'interdits alimentaires et de prescriptions sur la façon d'abattre et consommer les animaux et leurs sous-produits. Se nourrir chez les humains : cette construction sociale réglée par Dieu himself !
Une couverture de Beef Magazine, édition US, l'affirme : "Les plus belles œuvres de Dieu ont toujours été faites avec des côtes", allusion fine à la version biblique de la création d’Ève, tirée de la côte d'Adam, comme si les êtres humains ne sortaient pas tous du ventre d'une femme. Encore une inversion patriarcale, ce sont les hommes mâles qui donneraient la vie, selon la Bible ! Vie qui ressemble diantrement à la mort en patriarcat.
Dans Le Royaume, Emmanuel Carrère écrit que les cultes anciens aux déesses primordiales étaient des cultes de plein air (il ne dit pas qu'on n'y faisait pas de sacrifices !), puis quand les dieux mâles ont remplacé les déesses, leur culte s'est déplacé dans des temples où on sacrifiait des animaux pour calmer leur colère. Oui, parce que les dieux mâles sont coléreux : Freud fait l'hypothèse que les déesses mères bienveillantes ont été destituées pour cause de faillite à protéger leurs enfants humains après quelques tremblements de terres, raz de marées, éruptions volcaniques qui tuaient pas mal de monde, il faut bien dire. Du coup, elles furent licenciées pour faute grave et remplacées par des mecs beaucoup plus compétents, mais de sale poil, qui veulent nous faire expier nos fautes. Jupiter représenté avec la foudre à la main et les sourcils froncés fait perpétuellement les gros yeux, un vrai père fouettard, et comme c'est lui le modèle étalon pour toute la suite... Mais revenons aux temples masculins d'Emmanuel Carrère : pour ne pas gâcher, et aussi pour payer les frais généraux, les grands prêtres vendaient ensuite la viande des animaux sacrifiés aux fidèles, ce qui fait que les temples aux dieux masculins étaient en fait de prospères boucheries. Et selon une contribution de Françoise d'Eaubonne dans Le féminisme ou la mort, le malheur des animaux vient aussi de Caïn, le doux agriculteur, et d'Abel l'éleveur. Abel, ce fayot, faisait des offrandes d'animaux sacrifiés à Dieu pour rester dans ses petits papiers, ce qui énervait Caïn qui le jalousait parce que, du coup, Dieu le préférait. Résultat de cette rivalité de gamins jaloux : Caïn tue Abel et jette l'opprobre sur toute sa descendance d'agriculteurs. Abel victimisé, les éleveurs sacrificateurs avaient gagné : malheur aux animaux. C'est écrit dans la Bible, on ne peut pas lutter.
Du coup, CHARAL a le monopole du cœur. Pour l'éternité.
Voilà comment sont nées les boucheries patriarcales.
Joyeuses Pâques quand même, sans violence, si possible.
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