samedi 23 mars 2024

Ce très commode universalisme lexical qui nous fait endosser les crimes masculins

 Cela a commencé par un xweet (soyons aussi créative que le mirifique repreneur de la plate forme X) de France Info rapportant que "les peines planchers à l'encontre des délinquants récidivistes n'ont eu qu'un 'faible effet dissuasif ', selon une étude " (ah, les études de France Info !) relayée par La Croix. Auquel j'ai répondu : "Et vous savez que les quelques 3200 femmes incarcérées sur 73 000 sous écrous pour 60 000 places disponibles, elles, ne récidivent jamais ? La récidive est masculine, mais on lit et entend sans arrêt 'la prison est l'école de la récidive'. Car les hommes, fournissant largement la population carcérale, fait passé sous silence universel, récidivent. 

Depuis environ 125 ans de déconstruction et d'épistémologie féministe (anthropologique, sociologique, psychologique, mythologique, juridique...), soit six ou sept générations bien tassées, la parité en prison n'est toujours pas atteinte dans les prisons françaises et mondiales, les femmes y étant scandaleusement sous-représentées. Pire, même, on n'en parle JAMAIS. Une abonnée m'a aussitôt répondu que depuis 1992, année de la mise en place de stages de récupération de points de permis de conduire, un professionnel de la sécurité routière lui avait précisé qu'il n'y voyait qu'une à six femmes sur vingt participants, sans évolution non plus depuis 30 ans. Il y a encore des stages où il n'y a aucune femme ! Le refus d'obtempérer du délinquant routier n'est décidément pas notre genre. 

Alors Mesdames, on joue petit bras ? On renâcle à délinquer ? On refuse le braquage de banque ? On se contente de filmer les émeutes des "jeunes" par la fenêtre de son immeuble à Aubervilliers, Dijon ou La Courneuve ? On obtempère docilement quand la police ou la gendarmerie vous demandent de vous arrêter et de vous garer ? On ne sort toujours pas une lame quand un mec vous parle mal ? On ne trucide pas Jules quand il vous quitte ? Même la baffe lestement envoyée à un lourdaud insistant qu'on voyait dans les films des années 40 et 50 n'a plus cours : désormais c'est la paralysie de tous les membres lorsqu'on se prend une main au cul ou que les insultes fusent ? Je suis moi, dans ce cas, pour le cumul des mandales. 

Et pourtant, il y aurait matière à redire et à riposter. Cantonnées dans les basses zones de l'économie sur douze ou treize métiers du soin, sans machines ni outils comme ceux des hommes pour gagner en productivité, mal payées, un bon braquage de banque bien organisé devrait aider à "finir les fins de mois" SIC comme écrit la presse ventriloque. La misère sociale, la répression et l'absence de perspectives qui sont toujours invoquées pour justifier les passages à l'acte des émeutiers (émeutière n'a pas de féminin !) ne seraient la plaie que des seuls hommes ? Mais qui est la plus maltraitée par la société patriarcale des familles, des tribus et des entre-soi étouffants banlieusards et des quartiers ? Injonctions vestimentaires, demande de papiers pour rentrer dans son logement, comme Yvette au Blosne à Rennes, discrimination à l'embauche, au salaire, à la promotion professionnelle, abandon de la femme et des enfants par les géniteurs, moi je n'appelle pourtant pas ça la félicité domestique ! Et les mecs, ils vous parlent bien ? La misogynie tisse littéralement le langage et les comportements publics comme privés. Et Jules qui se tire quand il en a assez de mômes braillards et ingouvernables, vous abandonnant dans le pétrin, il ne mérite toujours pas de représailles peut-être ? Non, je demande. Parce qu'il y a tout de même matière. Et des baffes se perdent. 

On en a tout de même une, relevant le niveau, qui s'est énervée ces derniers jours : c'est alors traitement double standard dans la presse nationale et régionale. La Dépêche du Midi le 17 mars titre : "une femme" (ah tiens ? On n'écrit plus le pudique 'un individu', une 'personne' appliqué aux hommes ? Pour les femmes, on y va franc du collier, on nomme ?), "Une femme donc, déchaînée (vous lisez ou entendez 'déchaîné' à propos de la violence masculine vous ? c'est vrai qu'eux ne sont pas 'enchaînés' comme nous, aussi on devrait lire 'désenchaînée' s'ils écrivaient en français correct et factuel) s'en prend à une dizaine de chasseurs avec une matraque et un lacrymo (quel héroïsme, cette femme contre 10 chasseurs, tous mâles, forcément) et en envoie deux à l'hôpital ! En roulant dessus avec sa voiture. Une héroïne. Notez que dans la suite de l'article, la femme en question s'est spontanément présentée ensuite à la gendarmerie, ce que les hommes, eux, ne font jamais. Mais ça m'a fait la journée et même la semaine, j'ai bien aimé, malgré le traitement inéquitable de la Dépêche du Midi. Là où les mâles délinquent, c'est présenté comme fatalité, la totalité de l'espèce renvoyée à la violence de la société, mais qu'une femme manifeste de façon un peu visible sa contrariété d'être emmerdée par des chasseurs lors d'une balade en forêt, c'est stigmatisation par les patriarcaux mutiques sur la violence masculine, mais gardiens de l'ordre sur le troupeau des femelles. Et il n'y aurait pas de quoi s'énerver ? 

Ainsi disparaît sous un universalisme de bon aloi le grand calme des femmes, contrastant avec les constantes incartades, incivilités, et les crimes masculins, les femmes toujours passées sous silence, invisibles, indétectables par leurs radars, toujours vues en creux, comme contrepoint inaudible. Mais imaginez qu'un jour nous commencions à monter en puissance dans la délinquance, puisque le féminisme est aussi un plaidoyer pour la parité, que ne va-t-on pas entendre ? Des cris, que dis-je, des hurlements d'indignation, une logorrhée d'anathèmes : j'imagine les plateaux télé avec toutologues, psychologues, médecins, psychanalystes (molosses du patriarcat, invariablement muets sur la violence masculine), experts en sécurité en train de se battre les flancs pour tenter d'expliquer la mutation. J'ai hâte de voir ça. 

Ce billet est un pamphlet ironique. Evidemment que je suis universaliste tout en gardant un œil critique sur les impasses du système. Toutefois, je ne suis pas de ces féministes réformistes pensant que si les femmes sont capables de nettoyer un évier, elles sont capables aussi bien de riveter une aile d'avion (ce à quoi j'adhère), donc qu'elles peuvent et doivent gagner la parité partout, y compris dans les activités délétères et inamendables pratiquées historiquement par les hommes : corridas, chasse, pêche, combats de coqs, guerres et autres joutes stupides où ils s'illustrent régulièrement pour l'ébahissement puis la résignation des foules. 

Passer sous silence à ce point notre calme tout en déplorant les méfaits et les crimes commis par les hommes me semble contre productif, car je ne vois pas comment lutter contre un fléau -coûteux socialement- sans jamais le nommer. Mais jetez-moi des pierres pour manquement à l'universalisme aveuglant auquel les femmes ont tellement peur de s'attaquer, ça me va aussi. Même si celles qui le font actuellement, dont je ne fais pas partie, les décoloniales, différentialistes culturelles et autres woke, errant dans des impasses théoriques, incapables de voir la totalité de l'oppression, fragmentent nos luttes, voire les cannibalisent,  et sont la meilleure caution au statu quo ante. 

Image : une contemporaine Diane vengeresse. 

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