lundi 6 décembre 2021

La terre au carré : l'écoféminisme de Françoise d'Eaubonne

Choquée par la lecture du Rapport Meadows commandé par le Massachusetts Institute of Technology, approuvé par le Club de Rome, The limits to Growth (Les limites de la croissance) paru en 1972, Françoise d'Eaubonne écrit à l'inspiration radicale et dans la foulée Le féminisme ou la mort paru en 1974. Manifestement, avant que l'expression contemporaine soit inventée, elle souffrait d'éco-anxiété. 

Je relaie sur mon blog l'émission La terre au carré diffusée sur France Inter le 22 novembre 2021 et aimablement signalée par une twitta : l'écoféminisme ou comment lier écocide et patriarcat. Pour une fois, la philosophe Jeanne Burgart-Goutal rend à Françoise d'Eaubonne, féministe radicale, son universalisme et répudie l'idée d'essentialisme, dont on accuse les écoféministes, comme étant un contresens. Vincent d'Eaubonne, le fils 'dégoupilleur de matriarcat' selon ses mots, est également dans le studio et parle des idées de sa mère, qui soulignait comme dans Les limites de la croissance, le hiatus entre les limites de notre biotope, la Terre, et la "cadence de la démographie" ; tout cela s'est fait sous l'empire des hommes depuis le début de  l'histoire. Epistémologie féministe. Françoise d'Eaubonne fait le lien entre toutes les oppressions (nature, animaux, colonisés, femmes) sous le joug des mâles, et invente l'éco-féminisme en 1974 en publiant Le féminisme ou la mort. Dans l'émission, on entend deux fois la voix de Françoise d'Eaubonne, dont une fois où elle évoque la "suppression des hommes" devant un Bernard Pivot tétanisé. C'est passionnant et pas du tout "woke", ni surtout revisité ni renommé selon le vocabulaire actuel. Aussi, elle me paraît intéressante à relayer. 

Rétrolien vers le site de France Inter en cliquant dessus. 

 
" La société mâle et industrielle a détruit l'environnement. Je suis à fond pour que les hommes perdent le pouvoir ". 

" La terre fait 40 000 km de tour et toute la science humaine n'en rajoutera pas un de plus

" J'ai eu une vie quelque peu ratée mais joyeuse. Je ne regrette pas de quitter ce monde compte tenu de ce qui va vous arriver, si ce n'est que j'aurais souhaité vous le laisser dans un meilleur état.
Françoise d'Eaubonne - 2005 année de sa disparition. 

De tous temps, les femmes qui luttaient -et qui luttent toujours- pour leur autodétermination ont été accusées d'être anti-hommes, le procès intenté à Alice Coffin ces jours-ci, à qui on reproche de ne plus vouloir lire ou voir d'oeuvres masculines, ce qui est parfaitement son droit, n'est qu'une resucée des mêmes reproches qu'on faisait aux féministes du MLF, et même aux suffragistes de la fin du XIXème et du début de XXème siècle ! À partir du moment où nous revendiquons nos choix en nous passant de leur avis, ou même en faisant abstraction ou en nous passant de leur personne, c'est pour eux forcément un sacrilège commis contre eux. Toutes nos luttes et nos victoires ont été vues par eux comme des spoliations : le droit de vote comme une spoliation du privilège à décider de tout pour toutes, le droit à la contraception et à l'avortement comme une spoliation de leur droit à contrôler la fécondité des femmes (qu'ils s'étaient adjugé sans l'aval des concernées, et qu'ils gardent sur une large portion de la planète), désormais c'est leur droit divin d'accès aux assemblées où se décide la politique, y compris celle des entreprises, assemblées, où les places sont limitées.

Les féministes (réformistes libérales) qui prétendent que "sans eux on n'y arrivera pas", et qui les appellent à l'aide (#HeForShe par exemple, pour ne parler que de cette campagne) ou qui prétendent que les hommes peuvent trouver pour eux un bénéfice aux acquis féministes se trompent lourdement : ils ont tout à perdre de l'autonomisation des femmes, à commencer par la domestique bénévole à la maison qu'ils reçoivent par mariage et qui ne leur coûte rien, mais dont ils attendent tout, services domestiques, sexuels et reproductifs, un être à leur service, d'où découlent certainement les meurtres de femmes qui veulent partir, crimes paroxystiques commis par des terroristes de la masculinité, mais qui servent d'avertissement pour toutes les autres. Toutes nos avancées ont été obtenues après de longues luttes contre leur farouche opposition menée à base d'insultes, de cris effarouchés, de tentatives d'intimidation contre notre supposé séparatisme, cela peut même aller jusqu'aux coups et au meurtre. Et franchement, pour rester dans le matérialisme, la lutte des classes, puisque Françoise d'Eaubonne avait une formation marxiste, est-ce qu'il viendrait à l'idée de la classe ouvrière d'appeler à l'aide la classe sociale patronale en prétendant que sans eux, les ouvrièr-e-s n'arriveraient pas à défendre leurs droits ? 

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