mardi 5 mai 2020

Prophylaxie

En France, devant les dégâts causés par la violence routière (3500 personnes tuées par année sur les routes, plus plein d'autres estropiées, handicapées à vie) on a imaginé des mesures de prévention de ladite "violence routière", nommer le problème est un progrès : vitesse sans cesse abaissée sur les routes et autoroutes, contrôles routiers aléatoires en voitures de police banalisées, radars de plus en plus perfectionnés, dos d'âne-traquenards sur les lignes droites qui menacent votre suspension si vous dépassez 30 à l'heure, contrôles du taux d'alcoolémie des conducteur pour ceux (celles ?) qui voudraient prendre la route avec une mufflée.  Toutes ces mesures ont fait que les accidents provoqués par la délinquance routière baissent sans discontinuer depuis 20 ans.

Par ailleurs, on recense 60 000 morts du cancer du poumon dans notre pays, dont 44 000 de cancer dû au tabac. Des mesures prophylactiques ont donc été mises en oeuvre pour stopper l'épidémie : augmentation du prix du tabac, interdiction de la publicité des marques de cigarettes, emballages anonymes de plus en plus dissuasifs avec FUMER TUE inscrit dessus, campagnes de publicité sur les moyens d'arrêter.

Enfin, l'alcool rend malade et tue : on considère que 60 % des lits d'hôpitaux tous services confondus, y compris la psychiatrie, sont occupés par des maladies liées à l'alcool, inclus les polytraumatisés de la route. Pareillement, des mesures prophylactiques sont prises pour limiter le fléau : interdiction de vente aux mineurs, interdiction de vente d'alcool sur les autoroutes, contrôles d'alcoolémie au volant, campagnes dissuasives. Pour l'instant, mais jusqu'à quand, la publicité pour l'alcool reste autorisée sous la pression du puissant lobby viticole.

Si l'on considère à présent les victimes de la violence appelée "conjugale" où c'est en écrasante majorité les hommes qui maltraitent, blessent et/ou tuent, violences en recrudescence d'au moins 30 % depuis le début du confinement de l'épidémie de COVID 19 selon les statistiques des associations de prévention et de secours, on obtient certes un nombre de victimes nettement inférieur même si on ajoute les enfants tués ou blessés avec leurs mères, les suicides abusivement déclarés "altruistes" (le père tue toute la famille avant de se donner la mort, dans le cas de séparations violentes) : on obtient entre 2015 et 2018, 1086 femmes victimes d'homicides et 363 enfants morts sous les coups de leurs parents entre 2012 et 2016, ces statistiques ne faisant pas de différence entre les meurtriers, les femmes étant davantage infanticides, et l'infanticide se nomme ainsi jusqu'aux deux ans de l'enfant. Il ne tient pas compte non plus des enfants battus, ou victimes d'inceste en général par un père, grand-père, beau-père, frères ou demi-frères, les filles étant sur-représentées dans les victimes de ces crimes. Mais en tout état de cause on peut dire que le sacro-saint mariage ou l'union libre blessent, handicapent, tuent violemment des femmes et des enfants, voire mettent gravement en danger leur santé physique et mentale. On me rétorquera que ce ne sont pas les mêmes niveaux de chiffres et qu'on ne pourrait donc pas comparer. Sauf que dans ce dernier cas, il s'agit généralement de coups, de crimes, d'actes de torture, de morts violentes, dont les enfants sont parfois témoins, et qu'ils mettent en péril l'ordre public. Ils choquent davantage l'opinion. Et puis, il y a une différence entre s'arsouiller copieusement chez soi en solo, fumer comme une cheminée pendant des années et en payer ensuite le prix individuellement tout en coûtant à la société et au système de santé tout de même, et mourir violemment aux mains du précédemment mal nommé Prince Charmant ! Je t'aime, je t'ai dans la peau, je te tue, serinent l'opéra comme la chanson populaires qui regorgent de ces refrains.

Aussi, je me demande s'il ne serait pas temps de mettre en garde (dissuader) les femmes contre le conjugo (de la main droite comme de la main gauche) vu les mort-es et les blessé-es qu'il provoque. Parce que c'est bien beau de compter les mortes comme font les associations féministes, d'être en permanence dans le constat (impuissant) et la déploration sans jamais engager de mesures dissuasives du type de celles évoquées ci-dessus contre la violence routière, le tabagisme et l'alcoolisme. Vous me direz, il s'agit de l'aaaamourrr tellement prisé, survalorisé même, surtout quand il s'agit de l'amour entre parents et enfants, de l'aaaamourrrr (névrose, dépendance) entre une femme et un homme. Trouver le bon, trouver l'amour, trouver et garder sa moitié d'orange, se sacrifier pour ses enfants : toute la littérature, la culture, populaire ou plus huppée, la chansonnette, la poésie, toutes ces narrations édifiantes nous entretiennent dans l'illusion cékedubonheur : l'amour, le conjugo, la maternité et la paternité, bref toutes les vaches sacrées du patriarcat sans lesquelles la société ne serait pas ce qu'elle est, une succession de normes intangibles et inamendables. Tiens d'ailleurs, c'est tellement un lieu commun indiscutable malgré le malheur occasionné que j'ai vu passer un concours lancé par un tweet genre "on se désennuie pendant le confinement", je vous le donne en mille : quel est le plus beau film d'aaaaamourrrr que vous ayez jamais vu ? Devinez ? Le tweet d'origine a été repéré par une (importante) asso féministe dont je vais taire le nom par charité, et relayé ! Je n'ai pas creusé, mais il serait intéressant de savoir combien de féministes ont voté pour Pretty Woman, histoire d'amour entre une prostituée et son client qui la sort par.... le mariage de... la prostitution ! Richaaarrrd, Juliaaaaaa ! Non mais on se pince.

Bien que personnellement je n'ai jamais tenté le DIABLE, (voir mes nombreux précédents billets sur le sujet) je vais tenter, devant le silence abyssal de la société, quelques propositions pour au moins avertir les filles et femmes avant que le mal soit fait ; si j'en sauve une ou deux ce sera déjà un succès.

Aux grands maux, les grands remèdes, suggestions préventives -les solutions curatives, il y en a plein : trois propositions prophylactiques.

Il convient d'abord de se sortir de l'ornière et arrêter de dire par actes délibérés ou manqués que se marier et avoir des enfants est l'alpha et l'oméga d'une vie de femme ; on leur expliquera même les tas d'INCONVENIENTS auxquels elles s'exposent en s'engageant dans un système qui n'est décidément pas fait pour leur plus grand épanouissement social, économique et politique. Pas de fausse pudeur, il est temps d'arrêter la machine à décerveler et aliéner. Cela vaut évidemment pour les garçons, même (surtout) si vous vous attaquez à leurs privilèges d'ayant-droit. Avant de se marier, c'est la loi, il faut déposer des bans qui seront affichés en mairie : c'est le bon moment pour que les fiancés repartent avec un copieux fascicule leur rappelant leurs droits d'êtres humains : vivre en paix et en sécurité sans prendre de baffes pour madame en lui rappelant que la société le lui garantit, et pour monsieur, un sérieux rappel à la loi, le mariage ne lui donne pas tous les droits, et qu'au cas où il récalcitrerait ou se montrerait non respectueux des conventions, lui faire bien comprendre que ça peut vraiment barder pour son matricule. Joie, liesse, ok, mais dans le strict respect des lois et us, on n'est pas là que pour rigoler et s'embrasser. Bis repetita placent : le jour du mariage s'ils ont décidé de persister contre tout, rajouter un moment dans la cérémonie, à un endroit stratégique, leur rappelant bien tout ce à quoi ne s'engage pas madame (se prendre des baffes et servir d'exutoire aux frustrations de Monsieur) et à quoi s'engage Monsieur, assurer à deux la paix dans le ménage. Sans quoi, etcoetera...
J'avais pensé rajouter que, sur le modèle des paquets de cigarette où est inscrit "fumer tue", on aurait pu inscrire de la même manière sur le fronton des mairies ou au moins sur celui de leurs salles de mariage, SE MARIER PEUT PROVOQUER DES BLESSURES physiques et psychiques GRAVES, et MEME LA MORT ! Mais bon, toutes celles qui n'y passent pas ne le verraient pas. Mais quand même, franchement, ça se tente, ce n'est pas parce que les unes ne le voient pas qu'elles ne savent pas par les autres ce qui est écrit. Non, franchement, finalement, c'est une bonne idée. De même, lorsque les femmes sont enceintes et lors des examens médicaux obligatoires, ces conseils de prévention prophylactique seront rappelés : n'oublions pas que les violences commencent quand la femme est en situation de vulnérabilité : être enceinte réduit vos possibilités de fuir le prédateur, être enceinte est une situation de vulnérabilité.

Ces propositions ne sauraient être exhaustives, ce sont des rappels préventifs oraux et par écrit, car l'écrit est dissuasif dans notre pays de droit romain. Toute autre suggestion peut être ajoutée en commentaires.

Je mets en lien un texte de Marlène Schiappa, publié par la Fondation Jean Jaurès sur les implications et les conséquences pour les femmes de la pandémie de COVID19 : évidemment pas réjouissantes ! Quand les mecs déclarent et font la guerre, nous les femmes on est mal, quand on revient à la paix on est mal, quand le réchauffement climatique pointe on est les premières impactées, quand la planète tombe malade, on est en première ligne littéralement, salariées ou bénévoles fabriquant des masques grand public en tissu, et payant le prix sur notre santé, bref, on est toujours les plus désavantagées. Il est plus que temps de sortir de la déploration, de proposer des solutions et de les appliquer.
Je suis passée pour une ennemie du genre humain, asociale, parce que refusante de toutes ces injonctions dont je n'ai jamais vu quel avantage personnel j'en retirerais, ni pour quelles raisons je devrais me sacrifier pour la société : carrière, engagement syndical, politique et associatif, bien-être personnel, je n'ai même jamais pensé que ce serait un plus pour la société si, perdue dans les regrets et les remords, j'avais été une charge pour elle parce que je n'aurais pas pu faire face à mes "obligations" de femme mariée et mère de famille. Et surtout, je n'ai pas été élevée comme cela. Je n'ai pas vu non plus pourquoi il fallait absolument inviter de nouveaux participants au banquet humain dont on voit de plus en plus qu'il est empoisonné, surtout pour les femmes. J'ai donc préféré m'abstenir. Dès lundi, jour du déconfinement, les nouvelles règles de vie en société vont être la distanciation sociale, un-e tous les deux mètres, arrêt de tous les grands raouts où l'humanité se plait à être innombrable et en grande promiscuité dans un grand melting-pot d'amour et de convivialité ; à l'école ça va être 15 enfants par classe maximum ; haro sur les transports en commun bondés, bus, métros, vols en avion à bas coûts mais vrais transports de bestiaux vers des plages achélèmes surpeuplées où votre serviette touche celle d'un-e parfait-e inconnu-e ; les gens commencent à envisager de fuir les mégapoles ; fin du mythique open space teeeellement convivial et chaleureux de la joyeuse bande des collègues de travail (tu parles !), et avènement du télétravail : chacun dans sa chacunière. Fin des serrages de pognes, fin des fricassées de museaux, comme on dit dans les Côtes d'Armor, pour tout et pour rien. Une nouvelle ère commence : je ne me prononce pas si c'est mieux ou moins bien. Mais clairement, pour l'instant, celles et ceux qui trouvaient quand même comme moi que c'était too much vont avoir, au moins temporairement, raison.

Je vous souhaite un déconfinement le plus sécurisé possible ; à nous de tirer toutes les conséquences de cette crise en remettant à plat nos standards de vie. Et par dessus tout, puisque le thème de ce billet est la prudence, soyez prudentes.

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