vendredi 23 août 2019

" Il vaut mieux avoir rendez-vous avec les femmes qu'avec l'apocalypse "

Mon titre est une phrase de Françoise d'Eaubonne, tirée de Ecologie et féminisme, réédité en 2018.

Mais sera-ce le cas ? Les femmes subjuguées sortiront-elles de leur torpeur, de leur sidération, de leur atonie sociétale, de leur peur devant les ogres qu'elles mettent au monde, ogres qui les vampirisent elles, et tout ce qui peut être exploité pour leur plus grand profit ? Femelles animales dans l'élevage, abeilles et tous les autres pollinisateurs, océans vidés industriellement de leurs poissons, faune sauvage décimée par des braconniers et des chasseurs de trophées (la CITES est en réunion cette semaine à Genève pour tenter de "réguler la marchandisation des espèces sauvages à sa sauce libérale :(, techniques industrielles d'élevage aussitôt appliquées aux femmes dans la reproduction, contrainte à la reproduction dans la plupart des pays du monde, sachant que nous ne sommes que quelques privilégiées dans l'hémisphère nord à leur avoir arraché la dépénalisation de l'avortement, ailleurs, c'est double peine : mariage ET maternité obligatoires sous peine d'être déchue socialement. Mais prenons garde, le backlash, le ressac, font leur travail de sape, les fanatiques de l'élevage et du différentialisme culturel grignotent des parts de marché, en comptant sur quelques idiot-es utiles et collaboratrices de leur entrisme.

Cette semaine, c'est G7 à Biarritz à l'invitation du Président français ; pendant que les altermondialistes déplorent le bouclage de la ville, les multiples inconvénients, dont la limitation de circulation des simples citoyens, que des millions de tonnes de gaz à effet de serre vont être libérés une fois de plus, les 7 pays les plus riches et les plus puissants de la planète, 6 bad boys, cavaliers de l'apocalypse, 6 hommes et une seule femme. Par ordre d'apparition sur l'image ci-dessous : deux réformistes libéraux dont un relativiste culturel, qui font le contraire de ce qu'ils disent "Make our planet great again", "la maison brûle", on est priées de ne pas rire ; un premier ministre italien sans majorité et sans gouvernement, un chasseur de baleines espèce protégée par une convention internationale ; deux catastrophes capillaires, un versatile empêtré dans un Brexit impossible, et un sociopathe agresseur sexuel, 10 ans d'âge mental, sans résistance à la frustration, enfin, un président de l'UE ectoplasme, en intérim pour 6 mois.

Et une femme puissante, mais sérieusement affaiblie par l'usure du pouvoir, qui défend surtout les intérêts de son pays, l'Allemagne. Comme on le voit, pas de vision globale, pas de prise de conscience des enjeux, donc pas d'action à court et moyen terme. De la parlote, de toutes façons ce raout n'a que valeur consultative. Ça ne mange pas de pain. Tout ça pour ça. On va déboucher sur un accord à minima, comme toujours, chacun rentrera chez soi et continuera son train train pendant que la planète brûle littéralement.

Non invité au raout international, mais avec prix de consolation, le très viril Vladimir Poutine, exclu pour avoir envahi un voisin (comme c'est mâle !) a été reçu -serrage de louche de rigueur de la part des citoyen-nes français-es par Président interposé quelques jours avant, alors que personnellement je refuserais de monter dans sa voiture, même par gros orage, s'il me le proposait. Ce type qui fête ses 20 ans au pouvoir après quelques modifications bien utiles de sa constitution, n'a même plus besoin d'ordonner les assassinats de ses opposants ou journalistes, ses hommes de main les reçoivent cinq sur cinq par ondes de transfert d'énergie.


Screenshot ci-dessus tiré de la page Wikipedia sur le G7 2019

Épuisement des sols par l'agriculture intensive, artificialisation sous les besoins illimités d'une population toujours plus nombreuse et aux besoins de "rève californien" type hémisphère nord auquel le Sud entend bien accéder aussi, la croissance biblique inamendable, puisque c'est Dieu qui ordonne, faune et flore qui reculent devant l'invasion humaine et la destruction de leurs habitats (routes, autoroutes, voies ferrées morcelant le territoire de la faune animale), dispersion de déchets partout, aussi bien au fond des océans qu'au sommet des montagnes les plus élevées, guerres de basse, moyenne ou haute intensité qui tuent aussi des animaux, comme les incendies et inondations, toujours catalogués "catastrophes naturelles", alors qu'il n'y a plus qu'une catastrophe sur cette planète, l'espèce humaine, provoquant sans doute même les séismes, puisque le fracking (extraction de pétroles de schistes) consiste à fracturer les roches profondes, et qu'il secoue la croûte terrestre. Bolsonaro, le Président revanchard apparenté à l'extrême droite, pour qui les brésiliens ont voté, a donné de tels signaux à ses bûcherons pratiquant le brûlis, méthode "ancestrale" de défrichage, que la forêt amazonienne est en feu, le phénomène devenu incontrôlable se voit désormais de l'espace : Bolsonaro, incendiaire à l'échelle d'un pays.

Du côté des femmes, le Salvador, lui, s'illustre dans les pires restrictions à l'avortement, totalement prohibé dans ce pays, où les femmes (généralement des classes sociales pauvres, bien sûr) sont traînées devant un tribunal pour meurtre aggravé quand elles ont fait une fausse couche ou accouché d'un bébé mort-né dans l'ambulance qui les conduit à l'hôpital : " Comme si les femmes étaient un cheptel dont le seul droit valable, la seule revendication admise demeurerait celle d'avoir un bon herbage, une étable aérée et propre, le poil luisant et un vétérinaire attentif. Moyennant quoi, par quelle perversion refuseraient elles au fermier autant de veaux qu'en peuvent fournir leurs flancs généreux et leurs vulves toujours chaudes ? "

Le club de la lose au pouvoir. Toxique comme d'habitude, et apparemment inarrêtable. Sans partage depuis la nuit des temps, pour en arriver là.
En face ? Personne. Il y a bien quelques autochtones amazonien-nes ou hawaïen-nes qui manifestent contre la perte de leur biotope et de leurs ressources en Amérique centrale et du Sud, et Greta Thunberg, une très jeune femme, dont la soudaine popularité donne des aigreurs à quelques vieux mecs de plus de 60 ans qui se sont bien gavés durant les trente Glorieuses, qui n'ont rien vu arriver, hormis la menace sur leurs intérêts et leurs privilèges de caste dominante. Sinon, les femmes écolos feraient leur pain et leurs yaourts, solidement implantées dans leur cuisine, à tel point que Slate se demande si l'impératif écologique ne serait pas en train d'aliéner les femmes ?

Greta affiche

Puisque comme à chaque fois, on va nous resservir le vieux reproche de l'essentialisme, les femmes associées à la Nature et à la Terre, avec majuscules de rigueur, l'écologie et le féminisme sont-ils compatibles ? Oui, selon la thèse écoféministe (mal comprise ou mise à mal par quelques bons apôtres certainement pas désintéressés) : les femmes ont la terre sous les pieds, vu qu'elles font les corvées domestiques et qu'elles sont arrimées au quotidien de la survie de leurs familles dont elles sont éternellement responsables. Mais toute comparaison s'arrête là. Il n'y a aucunement à essentialiser ni à retourner à la cuisine. Au contraire, il faut faire de la politique. Et pas comme les hommes dont on voit ce que ça donne : des températures du Qatar en Bretagne, des tornades à Paris, à un moment, il va falloir arrêter les concours de bites, on n'a plus la place, ni les moyens. Tenter de renverser ce pouvoir toxique, son exploitation industrielle qui ne produit que des nuisances, du trop-plein, de la "ferraille humaine" sans avenir, qui déménage le monde en même temps que la Marchandise, qui d'ailleurs prétend que TOUT, absolument TOUT est marchandise. Même les enfants, même le corps des femmes. Même la faune sauvage, même l'air que l'on respire, et l'eau que nous buvons, la terre qui nous nourrit.

Voici ce qu'écrivait Françoise d'Eaubonne dans Le féminisme ou la mort en 1974 :
" Nous ne pouvons plus croire à l'essentialité sexuelle ou substantielle ; la métaphysique est devenue un fantôme. On sait qu'il n'existe pas plus de femme "essentielle" que de prolétaire prédisposé à l'être, ou de "criminel-né" ...". Les sous-races sont des fables, comme la mentalité pré-logique. "

Son manifeste est bien une incitation à sortir de sa cuisine, à arrêter de faire des yaourts, et à prendre des années sabbatiques (comme Greta Thunberg avec ses études) sur la reproduction, et à s'occuper enfin de choses sérieuses. D'ailleurs, ils se reproduisent très bien à l'identique sans nous, alors what the fuck ? A près de 8 milliards, il n'y a pas péril en la demeure, au contraire. On a le temps de voir venir, ça nous fera du repos. Au minimum, on desserrerait la pression sur les territoires des autres terriens, ce qui serait une avancée bienvenue. Pour une fois, laissons la charge des enfants aux hommes et qu'ils s'entraînent à faire des yaourts si ça leur chante. De toutes façons, je fais le pari que si ça tourne vraiment au vinaigre, ils nous laisseront comme d'habitude nettoyer leurs grandes écuries d'Augias, comme ils le font le plus souvent derrière leurs "crises" des suprimes, ou derrière le Brexit pour ne citer que les plus récentes.

Sur l'arrogant Titanic non plus, ils n'ont pas vu le glacier arriver, ils n'avaient même pas prévu autant de canots de sauvetage que de passagers, puisque le gros navire était insubmersible, voyons ! Ce sont évidemment les troisièmes classes, les plus modestes, le petit personnel, qui ont payé le plus lourd tribut au naufrage. Voulons-nous d'un nouveau Titanic ? Avec destruction des moyens de subsistance des plus pauvres ? Voulons-nous voir ceux qui ont cyniquement organisé le désastre s'en tirer ? 

Leur modèle de la grandeur divine  :

" L'illimitisme, une des structures de base de l'idéologie mâle que le patriarcat insère dans sa culture, ses églises, ses partis, a différents sobriquets : selon la panoplie de ses héros préférés, c'est le "faustisme" qui doit faire reculer la mort et éclater l'atome, c'est le "prométhéisme" si cher aux marxistes qui doit modifier à l'infini l'environnement et faire sauter les scellés de la nature "

Françoise d'Eaubonne - Ecologie et féminisme - 2018
Le prix payé par Faust était de vendre son âme au diable et Prométhée l'arrogant est châtié par Zeus pour avoir dérobé le feu de l'Olympe. Les mythes ont toujours le même pouvoir d'enseignement. L'hybris humaine, masculine, n'est plus de mise. La nature est en train de nous le rappeler par différents signaux.

Les citations en caractères rouge sont de Françoise d'Eaubonne : dans l'ordre, Ecologie et féminisme, Le féminisme ou la mort et de nouveau Ecologie et féminisme.

2 commentaires:

  1. Hell yeah ! (Si je ne m'abuse, c'est Icare qui a volé trop près du soleil, Prométhée a dérobé le feu de l'Olympe pour le donner aux humains.)

    RépondreSupprimer
  2. Effectivment, voilà ce que c'est que d'être trop sûre de soi et de ne pas vérifier. C'est corrigé. Merci de votre vigilance ;))

    RépondreSupprimer