mardi 3 avril 2018

A un clic du pire : comment la pornographie a colonisé nos pratiques sexuelles


Cantonnée dans les années 70 à quelques cinémas à public largement masculin, la pornographie est ensuite entrée dans les foyers en utilisant le support video de la cassette VHS, puis le DVD. Désormais, elle est sur Internet, en accès libre, les formats VHS des années 80/90 ont été piratés et mis en streaming gratuit sur Internet ; des actrices qui ont aujourd'hui 70 ans voient leur image exposée en public sans percevoir de droits (les hommes tiennent la caisse enregistreuse, merci pour eux) ni sans pouvoir interdire quoi que ce soit ; tout ceci ruine évidemment les éditeurs et producteurs, et fait baisser les salaires des actrices d'aujourd'hui. L'industrie du porno s'est elle aussi uberisée. Tout le monde peut accéder à ces images : pas de paiement, juste un déclaratif sur l'âge, sans aucun contrôle. De plus, les algorithmes de Google peuvent proposer à tout moment un film pornographique dans les pubs et les liens qu'ils affichent. Les contrôles parentaux ne tranquillisent que les parents crédules, la majorité des films vus par les enfants le sont sur leurs smartphones. Ce qui fait que des enfants -à partir de 8 ans selon leurs déclarations- peuvent être exposés à des images crues de fantasmes sexistes, à une image dégradée des femmes. Ils sont plus familiers du vocabulaire qui accompagne ces images (fist fucking, éjaculation faciale, double pénétration...) que ne le sont leurs parents. Évidemment, cette industrie qui correspond davantage aux fantasmes sexuels masculins, même si, et il n'est pas question de le nier, les femmes regardent et sont intéressées, propose une image sexiste des femmes ; à force de saturer d'images les yeux du public, les enchères montent : " Aujourd'hui, on met des tartes aux filles dans les films, et tout le monde à l'air d'y trouver son compte, sans se demander pourquoi ce qui était marginal est devenu normal en l'espace d'une poignée d'années ", écrit Ovidie.

Pire, la pornographie formate les pratiques sexuelles, et les corps doivent être conformes aux codes pornographiques : épilation partielle ou intégrale du sexe, maquillage et chirurgie de la vulve -nymphoplastie des petites lèvres-, paillettes vaginales dans le but de faire s'écouler des paillettes parfumées durant le rapport sexuel. Toutes ces pratiques qui peuvent être dangereuses pour la santé répondent à un dégoût généralisé du sexe féminin. Les femmes trouvent leur sexe "moche" ! Les garçons trouvent qu'un sexe féminin non épilé c'est "dégoûtant" ! " Le porno, comme n'importe quel media, joue un rôle normatif dans notre rapport au corps " écrit Ovidie, qui constate qu'il est en train de réintroduire les "parties honteuses" du corps, concept dont on avait eu tant de mal à se débarrasser.

Après constat des ravages, Ovidie propose des solutions de bon sens aux parents : éviter l'interdiction qui sera de toute façon contournée, éduquer et avertir très tôt les enfants que cela existe, qu'ils peuvent refuser qu'on leur impose des images qui les dérangent, contextualiser, les prévenir que ce sont des mises en scène, que c'est infaisable dans la vraie vie, et dire aux filles qu'elles peuvent dire non et qu'elles ont le droit de dire ce qui leur ferait plaisir à ELLES AUSSI dans l'acte sexuel ! Il n'y a pas que le plaisir du partenaire qui compte. La conscience de classe n'a apparemment pas accompagné la pseudo libération sexuelle. Internet, le libéralisme radical, et la pornographie ont colonisé nos vies et celles de nos enfants. Il faut les avertir et les éduquer sans tabous, leur apprendre à contrôler leur image. C'est en substance ce que recommande ce petit ouvrage de 120 pages, à mettre entre les mains de tous les parents.

Définition : La pornographie c'est la domination des femmes par les hommes.
N'oubliez pas que ce sont eux qui tiennent le tiroir-caisse et qu'ils dominent le métier, comme dans toutes les industries.

Liens supplémentaires : j'avais fait une précédente chronique sur la pornographie à propos du livre de Jean-Luc Marret : Pornification, qui restitue bien le porno des années 80/90, celui d'avant Internet, à travers la carrière de Karin Schubert, actrice de La folie des grandeurs de Gérard Oury.

La biographie d'Ovidie sur Wikipedia.

2 commentaires:

  1. Bonjour, je ne pense pas que ce soit une bonne idée de faire passer Ovidie pour une féministe. Ses conseils "de bon sens" n'ont d'ailleurs rien d'original. Et, elle peut bien faire mine de s'opposer partiellement à l'industrie à laquelle elle participe. Il n'empêche qu'elle est pornographe. Et c'est aussi pour ça qu'elle défend l'industrie du viol. Elle a d'ailleurs obtenue le soutien d'une chaine de tv cofinancée par l'Etat allemand, qui empoche beaucoup d'argent avec ses camps de concentration patriarcaux où des femmes sont violées 40 fois par jour, pour la réalisation d'un "documentaire" mensonger à propos de la lois abolitionniste suédoise. Ovidie est une collabo. Laissons-là hors de nos luttes. Salutations féministes, Mélusine Vertelune.

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  2. Merci de votre passage et de vos commentaires. Ovidie est très ambivalente en effet sur le sujet du féminisme. Elle n'est pas la seule. Je n'ai par exemple pas aimé son documentaire (assez peu convaincant selon moi) diffusé sur ARTE le mois dernier sur la Suède contre les prostituées sur un cas particulier d'une femme abattue par un mari violent. Pour cet ouvrage, je l'ai trouvé utile, autant dans l'analyse que dans les propositions qu'elle fait. Elle n'est pas doctrinaire ; et quand à la traiter de collabo, elle n'est pas la seule dans ce cas, c'est une notion relative à frontière ténue. Curieusement, certaines féministes patentées se gardent bien de critiquer le mariage et la maternité qui sont pourtant des pièges entraînant toutes sortes d'empêchements et de violences, pour en être convaincue descendez la TL de mes abonnements Twitter. C'est sidérant.

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