lundi 3 mars 2014

Dirty week-end - Peut-être est-ce eux qui devraient avoir peur...


Je viens de lire ce roman d'Helen Zahavi publié en 1991 et qui m'avait totalement échappé : merci à une de mes abonnées/abonnements sur Twitter de me l'avoir révélé.

Bella est une jeune femme de Brighton, station balnéaire anglaise ; elle vit dans un appartement en sous-sol sans air et sans soleil. Elle est petite, menue et fragile, et elle ne demande pas grand-chose à l'existence. Comme toutes les filles, "elle avait appris à être une bonne perdante". Elle veut juste qu'on lui fiche la paix, qu'on la laisse prendre ses thés et chocolats au lait, et lire les petites annonces des journaux gratuits qui arrivent dans sa boîte aux lettres. Elle croit aussi qu'on peut vivre sans souffrance car "son seuil de tolérance est extrêmement bas".

Malheureusement pour elle, son voisin d'en face la mate derrière ses fenêtres surplombant son sous-sol, se met à la harceler au téléphone, à la suivre, puis l'aborder dans la rue, et à la menacer carrément de lui "faire mal, parce qu'il en a très envie". Alors Bella va s'insurger, se révolter. Après une période où, terrorisée, elle s'enferme à double tour chez elle, et que les choses ne s'arrangent pas, Bella décide de se venger : elle pénètre de nuit chez le voisin, et le tue avec un marteau.

Le roman de 200 pages est parsemé de notations très précises et justes sur la situation faite aux femmes dans la rue, dans les bars, sur la jetée et à la plage, dans les voitures des mecs qui ont proposé de les raccompagner chez elles, dans les ascenseurs..., tous endroits où les mâles font régner la terreur. Bella va en tuer sept : tous terroristes machistes qui viennent au devant d'elle ou la suivent pour lui pourrir la vie ! Le dernier est même un violeur/ tueur en série qui laisse une trace sanglante derrière lui et que la police n'arrive pas à prendre, alors qu'il assiste aux enterrements de ses victimes ! (Avis aux gendarmes et aux policiers, à toutes fins utiles). Conseil également aux agresseurs qui, après vous avoir forcée à une fellation brutale dans leur voiture, laissent la clé sur le contact pendant que leur victime est sur le siège passager avant, et qu'ils sortent pisser contre un mur sans se méfier : vous faites une erreur mortelle. Bon, je ne vais pas vous raconter tout de ce petit polar noir jouissif, ce serait une mauvaise action. Mais en voici quelques phrases-culte :

"Il la voyait comme un récipient vide que lui seul pouvait remplir".
"Peut-être que sa mère lui répétait qu'il était beau, en le nourrissant de mouillettes. Peut-être lui disait-elle qu'aucune femme ne serait jamais assez bien pour son garçon, et peut-être le croyait-il".
"Des hommes à la voix douce dont la haine épaississait l'air".
Quand ses (futurs) agresseurs lui demandent dans quelle branche elle travaille, elle répond :
"Je suis dans l'hygiène publique, je désinfecte, je bosse dans l'enlèvement des ordures". (Oui, c'est drôle en plus !).
"Il redoute ses sarcasmes. Elle redoute sa fureur. Elle pourrait se moquer de lui. Il pourrait la tuer".
"Plus l'homme est petit, plus grand est son ego".

"Ce que Bella désire, c'est ce qu'elle ne peut avoir. Ce qu'elle désire, ce sont des fenêtres ouvertes les nuits d'été. Des promenades solitaires au bord de l'eau. Sans la crainte de la panne sur l'autoroute. Sans la peur du noir. Sans la terreur des bandes. Sans réflexions dans les rues. Sans attouchements furtifs dans le métro. Ne plus être obligée de flatter leur ego par peur du poing en pleine figure, du nez cassé, du sang et de la morve qui coulent dans sa bouche. Bella est née libre et partout elle est enchaînée. Des usurpateurs lui ont volé son héritage, et elle doit le récupérer."
Alors, faites gaffe : "sans le savoir, sans réfléchir, sans le vouloir, vous aurez peut-être posé votre grosse main sur Bella. Or, elle s'est réveillée ce matin, et elle s'est aperçue qu'elle n'en pouvait plus."

Figurez-vous qu'à la sortie du roman en 1991, le Parlement britannique s'est ridiculisé en demandant son interdiction pour "atteinte aux bonnes mœurs". Sans rigoler. Quand le roman de Bret Easton Ellis "American psycho" (durant tout le roman, on est dans la tête d'un tueur en série qui torture longuement ses victimes, toutes des femmes, avant de les tuer) est sorti dans les librairies, PERSONNE, et surtout pas le Parlement britannique, n'a demandé son interdiction. Pas plus que ne sont interdites toutes ces "productions culturelles" nihilistes et nécrophiles : séries télé, films de tueurs psychopathes et sociopathes, romans policiers, où les femmes vont éternellement à l'équarrissage ! Alors ?

Ce petit roman est une perle noire, drôle, juste, et il fait vraiment du bien à la tête tant il est anti-assommoir culturel. Les scènes de meurtres sont factuelles, courtes, sèches, jamais voyeuristes, Bella est toujours en situation de légitime défense  De plus, le roman est très bien écrit et très bien traduit.

Lien supplémentaire : Le permis de tuer du patriarcat.

8 commentaires:

  1. De toute façon les agresseurs ont peur, sans arrêt ! Les livres du style "dans la tête d'un serial-violeur ou killer" sont bidons car ils ne les montrent que dans leur phase ascendante lorsqu'ils fantasment puis commettent leurs crimes ce qui leur permet d'être anesthésiés par la violence. Alors qu'en temps normal, ils sont souvent ravagés par l'angoisse et les troubles psychotraumatiques. Mais les patriarcaux haïssent la fragilité et la faiblesse, ils ont besoin de ces figures masculines prédatrices surréelles pour se convaincre qu'ils sont des êtres supérieurs même dans le mal et tenir les femmes en cage sous la protection d'hommes soi-disant "bons". Une écrivaine A.M. Holmes a écrit un livre où elle fait parler le violeur et assassin d'une enfant. Je ne sais pas s'il est bien parce qu'il y a - paraît-il je ne l'ai pas lu - des passages gores mais il a été recommandé par des psychiatres criminologues pour son réalisme. La personnalité du narrateur n'a rien de grandiose, enfermé dans ses fantasmes pervers et sa douleur fantôme d'ancien enfant incestué ce n'est qu'un minable manipulateur comme tous ses semblables.

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    1. Pas mieux : je suis complètement d'accord. On peut résumer en une phrase : les garçons ont peur que les filles se moquent d'eux, les filles ont peur que les garçons les tuent. Et toute cette terreur machiste profite également aux hommes moins violents ou non violents. Eux aussi profitent du système.

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  2. Est-ce vraiment des meurtres en légitime défense ou bien des meurtres par vengeance? parce que la fois où elle va chez le harceleur pour le tuer à coup de marteau je trouve pas ça top! en faisant ça elle devient juste comme eux :(

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    1. Oui, bien sûr, Monsieur ou Madame le/la courageuse anonyme qui postez régulièrement des commentaires sur mes billets. Elle se venge : on est dans un polar noir, rappelez-vous. Et puis elle, elle a un mobile, ce que n'ont pas les tueurs en série, c'est même ça qui les rend aussi dangereux puisqu'on ne peut pas les relier à la victime (choisie au hasard parce que femme, généralement) par un mobile raisonnable. Elle prend donc le risque de se faire prendre, et s'introduire dans le repaire du prédateur, je trouve cela courageux, figurez-vous. Merci pour vos leçons de morale à double standard. Les femmes peuvent se laisser assassiner sans se défendre : c'était la leçon patriarcale de la semaine. Merci d'être passé. (e ?).

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  3. je suis désolée que vous ayez mal pris ce que je vous ai dit! je suis une femme et je suis touchée chaque jour par la misogynie que je vois empirer de jour en jour! sachez que tout ça me touche particulièrement et me ronge aussi chaque jour. En ce moment, je reprends mes études pour repasser mon bac et je peux pas vous dire à quel point c'est horrible de voir l'histoire mais aussi le français ... qu'au masculin (de plus le mot homme utilisé sans cesse dans leurs bouquins pour parler de l'humanité et en train de me sortir par les yeux!!!) et ça me touche d'autant plus que j'ai l'impression que ça ne choc que moi dans mon entourage! Donc quand je viens lire votre blog ainsi que d'autre blogs féministes, je me sens mieux, car je me sens moins seule.
    Si je vous ai demandé si le livre parle de vengeance meurtrière ou de légitime défense c'est parce que je n'aime pas ce genre de livre (sur les vengeances meurtrières) pour moi cela rend le ou la vengeuse comme les personnes qu'il ou elle essaye de combattre.
    je suis encore désolée si vous avez eu l'impression que c'était une critique envers les femmes, sachez en tout cas que j'aurai eu la même réaction avec un héros masculin.
    PS: je n'écris pas souvent sur votre blog, j'ai mis mon nom ;)

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    1. Excusez-moi mais j'ai un anonyme qui vient régulièrement poster des commentaires vengeurs sur mon blog, commentaires que la plupart du temps je ne publie pas. Entre les anonymes, vous en conviendrez, c'est difficile de faire le tri. Mon billet propose à la lecture un polar qui m'a bien plu. Mais chacune reste libre de ses choix de lecture, et de ses goûts littéraires, bien entendu. De plus, les romans sont des fictions, ils ne sont pas la vie réelle, même s'ils s'en inspirent. Mon blog n'est pas consensuel : je n'en vois pas l'intérêt, d'autres font cela mieux que moi. Mais merci de votre intérêt pour mes billets qui peuvent être épidermiques. Moi, l'injustice et les discriminations me révoltent, et la tolérance de la société aux méfaits des hommes me met dans un état impossible à décrire. Désolée pour le ton énervé de ma première réponse, et encore merci de votre intérêt pour mon blog où vous êtes la bienvenue ;))

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  4. Merci beaucoup et ne vous inquiétez pas j'ai tout de suite compris que vous m'aviez confondu avec un autre anonyme, qui apparemment vous harcèle! c'est de ma faute en fait, je me suis mal exprimée et j'avais qu'à mettre mon pseudo :) Sinon, moi non plus je ne vois pas l'intérêt d'un blog consensuel ;) donc continuez comme ça, j'adore votre blog que je viens voir tous les jours.

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