Episode 2 sur mes héroïnes au féminin dans la pop culture : cinéma, BD, séries. Cette semaine, ça va être nettement séries télé, un genre où elles font florès. Birgit Nyborg, Katrine Fønsmark (Borgen), Katniss Everdeen (The Hunger Games, romans puis transposition au cinéma), Carrie Mathison (série Homeland), et Daenerys Targaryen (série Game of Thrones).
Birgit Nyborg, héroïne de la série Borgen diffusée en France sur Arte, est une femme politique danoise centriste pressentie par son parti politique pour former un gouvernement de coalition (régime non présidentiel comme chez nous où le "roi" est oint du suffrage universel, et ça fait du bien) dont elle sera la première Ministre.
Femme déterminée et intègre, Birgit Nyborg accède donc à la tête de l'exécutif danois après des tractations avec les partis concurrents coalisés. Rien d'évident : après de subtiles négociations, il faut parvenir à former une coalition de gouvernement qui tienne la route et soit d'accord pour proposer et mener ensemble une politique pour le pays. La série a le mérite de bien montrer les approches, les accords, les désistements, bref le consensus qu'il faut obtenir dans une démocratie pour gouverner. Birgit est aussi épouse et mère de famille. Son mari, père de ses enfants, va vite se sentir marginalisé par le rôle écrasant que tient sa femme, d'autant que son propre métier se révèle en conflit d'intérêt entre son statut d'époux et celui de cadre d'une entreprise où il peut tirer profit de sa position de mari du Premier Ministre. Le couple n'y survivra pas.
Birgit Nyborg n'a pas de super-pouvoirs, elle n'est pas une super-héroïne, elle est juste une femme de bonne volonté qui expérimente la charge du pouvoir, cette chose sacralisée par les hommes, charge qui l'éloigne d'eux et s'exerce dans la solitude, même dans une démocratie apaisée comme l'est le Danemark. On la voit au fil des épisodes se colleter avec des dossiers comme le statut des prostituées, l'élevage hors-sol, ou proposer sa médiation (réussie) entre deux belligérants africains. Birgit rentre tous les soirs chez elle, car elle refuse d'habiter dans la demeure de fonction qui lui est réservée : elle surveille les devoirs des enfants, remplit le frigo et assiste à la défection de son mari. Mais Birgit a le virus de la politique et le goût de la conviction et du pouvoir. Elle est trahie, elle pleure, tombe et se relève. C'est une héroïne ordinaire, positive et empowering. Elle inspire peut-être l'actuelle Première Ministre sociale-démocrate du Danemark, Helle Thorning-Schmidt.
En parallèle de Birgit, et en face d'elle, on assiste à la montée en puissance d'une journaliste de la principale chaîne de télévision du pays, Katrine Fønsmark dont l'amant puis père de son enfant est le spin doctor de Birgit Nyborg. Katrine, comme Birgit est une femme qui fait carrière sans états d'âme, tout en menant une vie de famille à peu près normale. Deux femmes puissantes dans la même série, que demander de plus ?
Katniss Everdeen - Héroïne de The Hunger Games trilogie bestseller de science-fiction (cauchemardesque) de Suzanne Collins. L'adaptation au cinéma était donc inévitable. Nous sommes dans un univers post-apocalypse où règne une dictature effroyable : deux classes sociales, des privilégiés minoritaires et des masses informes qui survivent dans des districts crasseux et doivent fournir une fois par an un garçon et une fille pour des jeux télévisés, les Hunger Games, genre télé-réalité mortelle. Katniss se propose en remplacement de sa jeune sœur dans le premier épisode où elle s'allie avec un garçon de l'équipe adverse, amoureux d'elle, ensemble ils gagnent le concours après avoir éliminé les autres concurrents.
J'ai vu le 2ème film Catching fire (L'embrasement) que j'ai trouvé
mauvais ! Bavard, pesamment illustratif, voire téléphoné, truffé d'effets spéciaux, la plaie du cinéma actuel, on assiste au retour triomphant de Katniss dans son district, en vainqueure à l'abri du besoin. Une sorte de révolte des districts accompagne sa victoire. Les dictateurs décident de nouveaux jeux pour les calmer. Défilés spectaculaires genre Nuremberg nazi filmés à la grue ou en hélicoptère, présentatrice de télévision aux tenues extravagantes, et jeux mortels dans une (fausse ?) forêt truffée de pièges électroniques, de trompe-l’œil, d'images de synthèse qui remplacent la réalité, de brouillards chimiques brûlants, Katniss est à rude épreuve. Le film s'arrête un peu abruptement : Katniss, Peeta, son amoureux, et deux ou trois autres survivants, on devine qu'il va y avoir une suite rapidement.
Katniss est une archère hors-pair (comme Merida), une sorte de belle Artémis qui sort élégamment ses flèches de son carquois, vise et tire à la vitesse de la lumière sans (presque) jamais manquer sa cible. Heureusement qu'elle est là ! Sans elle et son charisme désespéré, il n'y a personne d'autre. Elle écrase l'histoire. Notez que je ne me plains pas. Elle est vaguement amoureuse d'un garçon Peeta (sans roulages de pelles excessifs) son ex-adversaire, et elle est solidaire de sa famille. Elle est empathique mais puisqu'elle vit dans un univers impitoyable, elle joue littéralement le jeu. Il n'y a pas vraiment de contestation chez elle, pas de révolte. Elle survit grâce à ses qualités de combattante : struggle for life. Ne comptez pas sur Les Hunger Games pour faire dans la contestation politique, même embryonnaire. Mais, une gladiatrice dans les jeux du cirque, comme on n'avait jamais vu ça, je prends, d'autant qu'elle est victorieuse. Elle permet aux mecs spectateurs (j'ai vu le film dans une salle où il n'y avait que des hommes dont un nous a enfumés sournoisement, je suis allée le cafter à la caisse à la sortie, mais bien entendu, il n'était plus là, ce misérable !) de remplacer leurs stéréotypes mâles qu'on a vraiment assez vus. Ah oui, le personnage de Katniss doit beaucoup à Jennifer Lawrence, son interprète, belle fille que les standards de beauté faméliques de Hollywood trouvent obèse (c'est elle qui le dit), et que la presse magazine photoshoppe !
Carrie Mathison - Héroïne de Homeland, série diffusée par Canal+ et D8 où je l'ai vue ; Homeland, série paranoïaque, est l'adaptation américaine de Hatufim, l'excellente série israélienne qui raconte le retour de soldats prisonniers de guerre qui ont possiblement été retournés par l'ennemi palestinien, ou Al Qaeda dans le cas de Homeland.
Carrie Mathison est une agente de la CIA traumatisée par les attentats du 11 septembre que son administration n'a pas su prévenir. Elle aurait donc tendance à voir des complots là où il n'y en aurait pas ? En conflit permanent avec sa hiérarchie, atteinte comme son père de troubles bipolaires dont son employeur ne sait rien (sauf son mentor Saul Berenson), elle est soignée en douce par sa médecin de sœur qui lui prescrit régulièrement un stabilisateur de l'humeur. Il arrive à Carrie de lâcher la rampe et de partir en plein délire ; de plus, elle n'hésite jamais à violer les lois américaines de protection de la vie privée ni le règlement intérieur de son service pour arriver à ses fins. Détail supplémentaire : sa hiérarchie tout en la tenant pour brillante, ne croit jamais ce qu'elle prédit. Mais au final ses prédictions se révèlent toujours justes.
Carrie Mathison est une héroïne traumatisée (il n'est pas impossible qu'elle porte un lourd secret), complexée, manquant de confiance en elle, malade (comme Lisbeth Salander), mais ses crises maniaques peuvent déclencher chez elle des trouvailles géniales. Carrie est atteinte du syndrome de Cassandre qui prive les femmes du magistère de la parole : ce qu'elle prédit n'est jamais cru, alors que les faits lui donnent toujours raison : le soldat Brody a bien été retourné. Classique anti-héros, vilain petit canard dans une portée de cygnes, elle doit sans arrêt en faire plus : cynique, carriériste, paranoïaque, elle s'impose toujours. Toutes ces caractéristiques finissent par lui donner un côté positif : têtue, combative, libre de ses choix, obligée de combattre ses complexes, elle en devient sûre d'elle tout en restant humaine.
Daenerys Targaryen - Héroïne (interprétée par Emilia Clarke) de Game of Thrones, une série diffusée par Canal+ et D8, juste derrière Homeland, hélas, à pas d'heure, deux épisodes comme il se doit : le mépris habituel des diffuseurs pour leur public ! Game of thrones est une série de médiéval fantasy ou heroïc fantasy, genre auquel je n'accroche pas. Donc à 23 H 20, à la première coupure pub, je sombre dans le coma. Ce qui caractérise l'heroic fantasy, c'est que malgré les super-pouvoirs de certains, les femmes y sont traitées en butin de guerre et monnaie d'échange, en chèvres autrement dit ! Dès le premier épisode, cette pauvre Daenerys, issue d'une famille déchue et consanguine (explication paraît-il de ses cheveux blancs) est donnée à un rustre qui la viole lors de sa nuit de noces. C'était plus que je n'en pouvais supporter.
Mais une discussion passionnée sur Twitter avec des twittas fans de la série m'a convaincue de persister : Daenerys va monter en puissance dans la saison 3. Pour son mariage, des œufs de dragons non éclos lui ont été offerts. Ses petits dragons vont éclore, grandir avec elle, et lui donner la puissance qu'elle n'a pas. Ses frères, sa famille, tous ses proches sont morts. "Quand mes dragons seront grands, nous reprendrons ce qui m'a été volé et nous détruirons ceux qui m'ont fait du mal !", hurle-t-elle dans la bande annonce. Persistance du mythe de la femme associée au serpent. Du statut de victime (première et deuxième saison), elle gagne en ascendant et en épaisseur : levant une armée puissante après avoir libéré tous les esclaves, tous sont prêts à se battre pour elle. Daenerys serait-elle la prochaine sur le Trône de fer ?
Liens :
Les Martiennes : Game of thrones, une série féministe ?
Les Martiennes toujours : Séries TV - Top 10 de nos héroïnes féministes préférées.
Daenerys Targaryen : Taking the power back en anglais chez HBO.
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.......et n'avoir plus aucun héro ni masculin ni féminin.......et enfin se défaire de tous les archétypes qui nous hantent........et se rendre compte enfin que la liberté est une nudité absolue........et se tenir debout semblable à un arbre libre en ma fragilité......je marchais seule dans la forêt lorsque j'ai rencontré cette porte vers cet ailleurs si présent mais ailleurs pourtant......cet ailleurs auquel j'ai accès........et Là j'étais arbre depuis la nuit des temps.......et Là j'étais libre au delà de tout.......je me dressais simplement au monde......tendue entre la terre et le ciel.......déployée libre à l'infini.......au delà de tout.........depuis toujours.............
RépondreSupprimerLe problème c'est qu'il y a surtout des héros masculins actifs et des femmes passives dans toutes les histoires. Donc, en attendant le jour béni que nous appelons toutes de nos voeux, il faut bien se défendre :)))
SupprimerBonjour, en tant que fan des livres depuis une dizaine d'année, je voudrais rectifier deux points à propos de Daenerys.
RépondreSupprimerLa couleur de ses cheveux n'a rien à voir avec la consanguinité, sa famille n'est pas originaire à la base de Westeros mais d'un royaume disparu dans un cataclysme et cette couleur de cheveux n'est pas rare dans certaines régions du continent où elle se trouve actuellement et où d'autres survivants de ce cataclysme ont fait souche.
Le 2e point concerne sa nuit de noce qui est traitée comme un viol dans la série mais totalement différemment dans les livres (le Khal voit qu'elle est terrorisée et fait tout pour calmer sa peur), d'ailleurs il y a beaucoup moins de scènes de sexe.
PS : j'ai bien lu que vous n'aimez pas la fantasy mais au cas où vous ne le sauriez pas, les deux principales sources où George Martin a puisé son inspiration sont La guerre des deux Roses et Les rois maudits, on est donc très loin de Conan le Barbare ou du Seigneur des anneaux.
Merci de cette contribution ! Je n'ai aucun mépris pour aucun genre littéraire, et j'aime bien la pop culture, et ceux qui s'en délectent ! L'humanité raconte à peu près les mêmes histoires depuis la nuit des temps, sans réelles variantes ! J'ai regardé sur Arte hier un film d'une heure et demi sur la Table Ronde et le roman du roi Arthur. Il y a même plusieurs versions et des savants pâlissent sur les manuscrits, c'est dire !
SupprimerEffectivement, les scènes de sexe sont omniprésentes sur la série Game or Thrones : j'ai même classé une infographie sur le sujet (en anglais) : http://www.pinterest.com/pin/523895369124050634/
Je l'ai vu aussi il me semble mais je ne me rappelle plus s'ils ont mentionné Marie de France parmis les auteurs médiévaux.
SupprimerPas entendu un mot sur elle, en revanche le nom de Chrétien de Troyes, pas de problème, comme toujours !
SupprimerJuste un apparté, les chaînes françaises sont soumises à des quotas par plage horaire selon l'interdiction d'âge par le csa. D'oū des séries complètement mélangées s'il y a un épisode de moins de 12 ans qui sera relégué après 23h plutōt que de suivre la chronologie ou des séries complètement mise en deuxième partie de soirée malgré l'audience pour cause de trop d'épisodes non recommandés au moins de 12 ans.
RépondreSupprimerMerci pour la précision ;)) Le pire, c'est quand même les séries diffusées en désordre, sale habitude de TF1 pour ne pas la nommer :((
SupprimerOui vu les series genre les experts ils depassent très vite les quotas et sont obliges de melanger les episodes
SupprimerPetite précision concernant le premier Hunger games : dans le roman, Katniss n'est absolument pas amoureuse de Peeta. Seulement, elle doit faire semblant de l'être pour une raison de survie, car un amour télévisuel pourrait lui apporter des commanditaires, donc de l'équipement de survie. Je n'ai pas vu le film, mais on m'a dit qu'il entretenait un flou sur ses sentiments. Par contre, Peeta, lui, est amoureux de Katniss.
RépondreSupprimerQuelle culture ! Génial ;)) Effectivement, elle ne le traite pas comme le ferait une amoureuse dans Catching fire, enfin, moi, je n'ai pas trouvé. Les garçons sont assez pâlots dans le film, de toutes façons.
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