L'Express s'est retrouvé ces derniers jours sous les feux des féministes au sujet de plusieurs couvertures jugées misogynes par différents sites et blogs. Je les ai évoquées ici même deux billets plus bas dans "Rhétorique de la calomnie, du viol et de la violence". Cette semaine, excédée par les attaques, dans sa rubrique "Express yourself", la Rédactrice en Chef de l'Express Service Société (le service politique est réservé aux hommes comme m'a un jour expliqué entrequatzyeux une journaliste de Libération) se fend d'un article pour la défense de Stéphane le Fol, Ministre de l'Agriculture, pris à partie lui aussi par ces viragos de féministes pour avoir prononcé la malheureuse phrase suivante : "J'ai tenté de promouvoir des femmes le plus possible [au ministère de l'agriculture], bien que nos dossiers soient très techniques" ! Et effectivement, son cabinet est paritaire, malgré les dossiers tekniks où les femmes ne seraient pas compétentes.
"Madame, chez nous, c'est très technique et très spécifique" est la phrase que j'ai le plus entendue dans ma carrière d'ingénieure commerciale. Dans les industries, les bureaux d'études, les SSII, les services de R&D, toutes les sociétés de technologies des technopoles de l'Ouest (Rennes Atalante, Nantes Atlanpole, Brest, Caen, Angers, Lannion Technopoles...) que j'ai rencontrées dans ma pratique professionnelle, soit comme chargée d'affaires, soit comme candidate à un emploi de commerciale B2B, je l'ai entendue jusqu'à la nausée, et je n'ai pas fini de l'entendre, vu le backlash sévissant. Il faut dire que, candidate à un poste de technico-commerciale ou manageure commerciale, je suis généralement la seule femme à avoir postulé et que j'ai donc droit à une visite gratuite (pour eux), la curiosité étant la plus forte. Comment ça ? Une bonne femme a le culot de candidater ? Mais on veut la voir ! A ses frais bien entendu, tant que ça ne mange pas de pain... Trois en un comme chez les lessiviers : sexistes, ploucs ET radins ! Pour mes recommandations / propales de 40 pages d'ingénieure commerciale ayant rapporté une affaire (oui, je gaze, j'ai la faiblesse de penser que je suis compétente et les prescripteurs-acheteurs, ces pauvres poussins, ne voient jamais de femmes, donc ça me sert !), le directEUR teknik a tendance à surveiller de près mes pages d'écriture (où je suis cent fois meilleure que lui, au moins les miennes ne sont pas bourrées de fotes dortograf ni de fransais), pour le cas où je profèrerais une énormité technique. Qu'ils se rassurent tous : je ne suis pas comme les mecs, moi, quand je ne sais pas, JE DEMANDE ! Ce qu'eux ne font jamais.
Je rassure Stéphane Le Fol : l'agriculture m'a épargnée. OUF. Mais au fait, pourquoi donc ? Cette profession n'est pas connue pour ses pratiques paritaires, j'ai également eu l'occasion de l'évoquer ici. Et je n'ai aucune formation agricole. Réponse : parce que j'y travaille en bénévolat pour deux ou trois ONG d'activistes de protection animale. ONG qui me demandent de temps en temps d'aller (je cite une action parmi d'autres) au SPACE à une conférence de l'ITP-IFIP (Institut Technique du Porc, dirigé par une femme d'ailleurs, qui sera la conférencière) sur, tenez-vous bien : les différentes techniques et pratiques de castration à vif des porcelets dans l'Union Européenne. Et les méthodes substitutives à mettre en place dans le cas d'un ban demandé par les lobbyistes des ONG précitées. Plus teknik, tu meurs. Comme je suis sérieuse moi, en tous cas plus que certains mecs, je ne vais pas y aller sans munitions, question de professionnalisme, les animaux le valent bien. Plusieurs heures de préparation (bénévole gratuite) plus tard, après avoir trouvé sur Internet et lu de la documentation et des statistiques en anglais (l'UE pond ses documents sur ces sujets en anglais, pas une ligne en français), après m'être coltiné le droit européen (je n'ai pas non plus de formation de juriste) et les différentes directives, notamment la Directive porcs, plus les documents commerciaux de la très américaine firme Pfizer qui est la première à proposer un vaccin anti-couilles de porcelets à base d'hormones -elle est aussi l'inventrice du Viagra, produit nettement plus pro-couilles, quand il s'agit de celles de l'espèce humaine !) je suis fin prête. Je passe la journée au SPACE, vais à la conférence, pose mes questions, m'intéresse, note en buvant du petit lait que nos ONG sont craintes par le lobby, reviens avec des pages de notes, les synthétise et les mets au propre. Les envoie au bon endroit. Qui me remercie. Deux jours plus tard, j'ai des commandes de Belgique et de Hollande pour des envois supplémentaires. Mais à part cela, les bonnes femmes sont des nouilles incompétentes en teknik.
Conclusion : les femmes ne sont compétentes que quand elles travaillent pour la peau. Le larbinat féminin a de l'avenir. Les différentes remarques sexistes et injustes des ministres, de leurs cabinets, et des journalistes qui les soutiennent et défendent ne sont proférées que pour maintenir le statu quo : à la cuisine les femmes, the place where they belong ! Il va de soi que je ne regrette pas ces travaux et bien d'autres, pour des associations qui défendent une cause juste et bonne. Je signale juste l'habituel double standard. Mais fini de parler de moi. Ça m'a tellement énervée, cette histoire...
Je vous mets un cadeau bonus, en guise d'excuses pour ce billet malpoli, une vidéo de l'espiègle Bridget Kyoto, que je dédicace spécialement aux Ministres de l'Agriculture et de l'Elevage, passés, présent et à venir :
* B2B : Business to business - Propale : Proposition commerciale.
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La femelle est une éternelle amatrice incapable de professionnalisme, voyons.
RépondreSupprimerNéanmoins tu as de la chance d'avoir obtenu un poste que l'on ne confie d'ordinaire pas aux femmes !
Pour un imposer aux bonhommes, il faut avoir une belle assurance de soi, tout en n'ayant pas l'air de les mépriser. Cela ne doit pas être simple.
Oui, enfin, ma vie professionnelle peut être un enfer certains jours. Mais quand un directeur technique veut m'accompagner chez un client ou prospect, (genre : on la fait sortir avec un cageot, histoire de lui mettre un handicap !)j'exige de conduire la voiture. Parce que les mecs au volant, la mort au tournant.
SupprimerC'est usant en fait. Dans les réunions et les déjeuners, vous osez donner un avis vous avez au mieux un sourire en coin "tapotage de bras" entre ces messieurs, au pire ils détournent la tête pour parler entre eux. Et si vous osez redire la même chose, tout le monde se retourne très étonné en pensant "mais quelle agressivité!!"
RépondreSupprimerMais un homme peut beugler, suer, être en colère, partir en claquant la porte, ne jamais changer d'avis mais lui n'est pas perçu comme agressif.
Le pire c'est qu'ils ne s'en rendent même pas compte en toute bonne foi.
Usant est le mot ; j'ai vécu ça des dizaines de fois. Dans des réunions où il n'y a que des hommes. Je ne souris plus dans ces endroits, comme eux, on attend tellement des femmes qu'elles soient souriantes ; ils se disent donc que je ne suis pas une marrante et ils se tiennent à carreau, ce qui m'arrange. En revanche, je ne suis pas d'accord avec ta dernière phrase : je suis convaincue au contraire qu'ils le font en toute mauvaise foi, en se disant qu'il en restera quelque chose qui leur servira. C'est donc un programme politique destiné à nous écarter des lieux où ils se veulent entre eux. Merci de ton commentaire ;))
SupprimerJ'applique aussi le non-sourire mais cela me dessert vu mon jeune âge et ma "blondeur". Mes collègues du même âge trouvent que j'ai tort de ne pas user de gloussements et mièvreries. Mais on va dire de voir les vieux croutons incompétents s'insurger que je ne fasse pas la pintade (mais pour qui se prend-elle?) ou certains directeurs avoir peur de passer à côté de mon bureau est franchement jouissif. Ils aiment particulièrement faire des compliments physiques sur d'autres jeunes femmes en ma présence en me regardant avec défi, c'est très drôle.
RépondreSupprimerSinon je pense quand même qu'il y a une part d'inconscient. Mon directeur général vient d'une famille bourgeoise très traditionnelle. Il n'a de toute façon pas été éduqué pour avoir des collègues femmes en dehors des assistantes. Un peu comme faire rentrer un carré dans un rond. Quand je lui ai été présenté, il m'a réservé un franc sourire amical, j'ai vu quelques secondes sur son expression "euh qu'est-ce que je peux dire" puis tout content un compliment sur mon physique. Pour lui c'était sa façon de s'adresser à une femme convenablement "pour lui faire plaisir". Quand un stagiaire de 18 ans lui a été présenté, un sourire professionnel, une poignée de main et il a enchaîné sur des questions sur les études du stagiaires, sur son propre parcours.
C'est sûr qu'il y a des archaïques qui n'ont rien compris du monde où ils vivent. Les femmes à leur service font écran. Il n'empêche que le système global est fait pour détruire les femmes et les maintenir dans les postes subalternes en les convainquant de leur indignité. Je maintiens effectivement qu'on n'a pas à sourire, ça évite des ennuis car ça leur passe l'envie de te demander de leur faire une photocopie ou un café, et on n'est pas payées pour être populaires mais pour faire un boulot (à objectifs chiffrés en ce qui me concerne). Il y a bien sûr des inconvénients à être considérée comme la mère Tapdur du coin, mais les avantages dominent au bout d'un moment. Dans une association féministe où j'ai milité il y avait une maxime sur le fronton du local où nous travaillions : Si tu t'écrases, ils t'écraseront" ! C'est totalement vrai ;))
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