mercredi 27 juin 2012

Artemisia qui ?

 Euterpe, de passage à Paris pour ses vacances, s'étonne devant l'affiche de l'expo "ARTEMISIA" au musée Maillol qu'on n'y mentionne que le prénom de l'artiste ! Artemisia Gentileschi, comme Séraphine de Senlis, n'ont pas de nom, juste un prénom. Les noms eux, sans prénoms, sont réservés aux mâles : Picasso, Munch, Le Caravage, Soulages...

Mais ma chère Euterpe, les femmes en France n'ont pas de nom, voyons ! Elles passent du nom de leur père à celui de leurs maris ! C'est pire qu'une loi, c'est un usage ! D'ailleurs la loi interdit formellement de porter d'autre nom que celui inscrit à la naissance sur l'état civil, sauf pour les femmes qui, elles, ont une tolérance sur le sujet. Nom dont elles changent d'ailleurs comme de chemise en changeant de mari. 
Et les lois n'y peuvent RIEN. 

En 2005, devant la perte irrémédiable des noms du matrimoine (la moitié tous les 25 ans - dans quelques décennies, tous les français s'appelleront Martin, vive la diversité !) et pour tenter de réparer une injustice intolérable à l'égard des femmes, le législateur a fait une loi pour permettre aux femmes de transmettre leur matronyme. Loi largement restée lettre morte, le bide absolu, puisqu'à peine 5 % des parents concernés en on fait la demande en 2007 selon cet article du Figaro ! Personne, et même pas les femmes, n'en cherche les bénéfices. Exister sous son nom me paraît pourtant être la marque de l'indépendance et de la libération. Pouvoir choisir de transmettre son beau nom à ses enfants, éviter lors d'un divorce de devoir continuer à porter le nom de l'ex pour "avoir le même nom que celui de [s]es enfants", casse-tête que doivent résoudre toutes les femmes divorcées, même quand le divorce se passe mal et que la rupture est consommée entre les deux partenaires : les bénéfices seraient considérables à ce que la loi reçoive plus d'écho ! Il faudrait aussi évoquer le cas des veuves qui continuent à vivre sous le nom et quelquefois le prénom (!) d'un mort, un véritable tombeau symbolique. Nous sommes une espèce qui donne des noms, c'est même le premier rite dans toutes les sociétés humaines, baptiser / nommer un enfant qui arrive dans la communauté humaine, le fait de nommer n'est pas anodin, il est même fondateur !

Deux exemples emblématiques de la situation suffiront à ma démonstration. Notre féministe nationale, proue du féminisme universaliste français, Elizabeth Badinter porte le nom de Robert ! J'ai toujours trouvé (mais c'est personnel, entendez bien) que c'était assez disqualifiant. Et la compagne actuelle du Président de la République qui tient tant à ne pas œuvrer dans la poticherie selon ses dires et ceux des journalistes, Valérie Trierweiler porte en réalité le nom de son précédent mari dont elle est séparée. L'exemple vient d'en haut, comme on peut voir. Pas réjouissant, tout cela !

14 commentaires:

  1. Pour ce qui d'"Artemisia", "Seraphine" ainsi que "Frida" (qui a aussi eu son expo et son film sous ce raccourci), on remarquera qu'il s'agit de peintresses mortes depuis au moins 58 ans. Les mortes ne pouvant pas se défendre et les étrangères de pays pauvres non plus (Frida Kahlo), il est facile de tronquer leur nom.

    Sinon sur la loi des patronymes, c'est vrai que les gens ne changent pas si vite leurs habitudes. 2005 ce n'est pas si loin. Je ne sais si on peut déjà parler de fiasco. Il y a la résistance au changement mais il ne faut pas désespérer, je crois.

    Merci pour le lien :)

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    1. Non, 2005, ça fait seulement 7 ans ! Mais si ça va aussi vite que pour la parité qui n'avance pas, les descendants des français-e-s seront tous des Martins ! Mais comme on va vers une extinction de la biodiversité dans tous les domaines, pourquoi pas dans celui-là aussi ?

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  2. Oui tu as raison, quelle frilosité ! Surtout que toute à mes recherches sur le XVIe siècle, je viens de lire ceci :
    "Antoine Ier de Gramont (1526-1576), seigneur de Gramont fils de Menaud d'Aure (1485-1534), vicomte d'Aster et de Claire de Gramont, héritière de François de Gramont. (Antoine prend le nom de famille de sa mère)"
    = cela se faisait sans problème dans l'Ancien Régime !

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  3. Prendre le nom de la mère se faisait souvent pour empêcher un nom de disparaître en l'absence d'héritier mâle du nom. C'était courant dans les familles aristocratiques.Cela est encore pratiqué quand le nom de la mêre est socialement plus valorisant (au minimum on l'accole au nom du père).

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    1. @ Euterpe et @ Jean-Michel : tout cela c'est avant le 19ème siècle, cet éteignoir juridique pour les femmes, cette mort civile !
      Nous vivons j'en ai peur encore aujourd'hui avec les préjugés et les pesanteurs du 19ème siècle, sur ce sujet-là qui n'est pas du tout anodin. Il est même, selon moi, fondamental.
      J'ai connu des femmes avec nom valorisant (aristocratique) : si elles optaient pour garder leur état civil dans le mariage, ce n'est pas pour cela qu'elles transmettaient leur nom à particule à leurs enfants ! Le "pouvoir de nommer" (Andrea Dworkin) restait quand même au père !

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  4. Nan nan nan, mâme Robert ne peut pas être universaliste, elle est relativiste, tolérant la coutume phallocrite des foulards de pudeur phallocratopatriarcale, et du bout des lèvres suppliant la burqua de mettre les voiles.

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    1. Relativiste est le mot. Féministe libérale réformiste. Arracher des petits bouts de choses, et ne pas remettre en cause le système dans son ensemble, surtout pas.

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  5. Quel sens de la solidarité politique et féministe démontré au détriment de la première candidate présidentielle de 2ème tour par (comment s'appelle-t-elle déjà l'épouse qui a gardé le patronyme de son ex-mari) en faisant tweetiquement voter toute droite confondue !

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    1. Bien d'accord. Juste après avoir protesté qu'elle voulait "exister" et ne pas faire "potiche" ! Sa seule façon d'exister, c'est de disparaître des écrans radars et de vivre sa vie de Valérie T ou L ! C'est la seule façon de se faire une place au soleil sans l'ombre d'un grand arbre/homme au-dessus de soi.

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  6. Attention les badinter ne défendent pa le voile, au nom de la laïcité, pa tellemen a cause de loppression des femmes. Il et elle son réglementaristes au nom du désir et de la liberté individuelle. Ceci fai sens, puisk loppression des femmes vient de nulle par. Ya une incohérence du poin de vue féministe radical pa pour les libérales. Enfin bref, merci pour cet article !!!

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    1. La GPA, la prostitution "choisie", la non pénalisation du client : tout-e-s choses approuvées au nom de "mon corps m'appartient", j'en fais ce que je veux. Le raisonnement tiendrait dans une société où il n'y aurait pas de pauvres (les femmes en majorité comme par hasard !), pas d'oppression, pas un long passé de dévalorisation et de péjoration des femmes et de leurs corps.

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  7. Oui, mais ça il et elle s'en foutent royalement, c'est le cas de le dire. L'oppression des femmes est inexistante, sauf dans les pays non occidentaux bien sûr, les femmes sont juste traités différemment des hommes. Ils suffit de les traiter parail , hin ?

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  8. Pour revenir sur l'utilisation du patronyme seul d'un artiste comme preuve de réussite ou de reconnaissance, je me souviens avoir entendu une interview de Mélanie Laurent lors de la sortie de son film "Les adoptés" (que je n'ai pas vu). Dans son discours sur la difficulté de prouver sa capacité de réalisatrice en tant que jolie jeune comédienne (oui elle cumule les tares la pauvre), elle citait cet élément qui l'a encouragé dans sa voie : un critique titrait " Laurent signe un film blablablacompliment". Elle a bien appuyé sur ce fait : on utilisait son patronyme, signe de reconnaissance de son travail artistique.

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    1. ;)) pour moi, c'est évident ! On marque par son patronyme, pas par son prénom ! Qu'on fasse un nanard ou un chef d’œuvre ! Imaginez-vous William sans Shakespeare ? Appeler les femmes par leur seul prénom fait montre d'une volonté de les dépouiller de la p-maternité de leurs œuvres. C'est indigne et injuste, c'est une machine à réduire et à détruire.

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