vendredi 12 juin 2020

Je n'ai pas d'enfant et je vais bien !

Mon blog devenant collaboratif, je publie bien volontiers cette semaine un billet proposé par une autrice sur le sujet de la maternité, refusante elle aussi ! En guise de préface, je propose une citation de Nicole-Claude Mathieu, anthropologue, théoricienne du féminisme, dont la thèse est que la fécondité et les capacités reproductives des femmes sont appropriées par les hommes, que la reproduction est contrainte, tout comme l'hétérosexualité. Ce sont des constructions sociales, et il faut beaucoup d'assertivité pour les refuser et s'en affranchir.

" A l'enseigne des saigneurs, il y a une internationale de la violence contre les femmes, dont la croissance démographique -qu'on pourrait appeler violence démographique contre les femmes n'est pas la moindre manifestation. Cette "croissance" ne se fait pas toute seule. Elle est le résultat de la volonté de maintien du contrôle des hommes sur la sexualité des femmes dont la collusion entre le Vatican et l'Islam démontre bien le caractère transculturel. Contrainte à la grossesse imposée en tous temps : temps de guerre ou de paix, temps de prospérité ou de famine, temps des camps de réfugiés..."

" ... entre la capacité et le fait de procréer s'interposent des interventions sociales sur le corps, la sexualité et la volonté des femmes, qui vont moins dans le sens d'une limitation des naissances que dans celui d'une rentabilisation des possibilités biologiques.
Nicole-Claude Mathieu L'anatomie Politique 2 

Voici le texte d'Annah Scott :

Je fais partie des 5 % de français, hommes et femmes confondus, à ne pas vouloir d'enfant. A 34 ans, ce choix a été longuement réfléchi et est aujourd'hui totalement assumé. Pourtant, il m'est encore souvent impossible de seulement laisser sous-entendre de ne pas désirer de chérubins.

Quand l'entourage s'en mêle

A défaut, j'ai droit aux réflexions coutumières :

Tu changeras d'avis !
Tu es égoïste !
Tu regretteras :
Tu finiras toute seule ! 

Ou celle implacable qui me rappelle que mon corps n'est pas mon allié
L'horloge tourne ! Dépêche-toi ! 

Tous mes besoins personnels tels que l'envie de conserver ma liberté au quotidien et mon autonomie dans mes choix de vie, trouvent une réponse imparable.

Commence alors une joute verbale parsemée des mêmes arguments entendus et répétés des centaines de fois. Aucune personne, en âge de donner son opinion, ne se dispense de son devoir de me ramener sur le "droit chemin".

Que ce soit dans mon cercle familial, privé ou professionnel, ces répliques cinglantes préfabriquées sont basées sur des arguments arriéristes condamnant les brebis égarées et hissant la procréation au rang de devoir.
Nous voici donc, femmes sans enfant, destituées de notre plein statut féminin !

Les diktats de la famille parfaite 

Après une telle vague de soutien, de tolérance et de compréhension, je me suis mise à penser que je ne devais sûrement pas avoir bien compris ce qu'était une vie réussie et que je devais sous-estimer la magnificence du rôle de mère.

Ces réactions archaïques inconscientes s'inscrivent pourtant dans un paradigme social et culturel, et répondent au besoin primaire de sécurité de l'Homme.

Aux yeux de ces personnes, nous remettons en cause la notion même du principe créateur si précieux à la religion chrétienne et représentons une menace à l'ordre établi depuis des siècles.

Lors d'une soirée entre amis, j'abordais ce thème avec la mère d'une enfant de huit ans. Tandis qu'avec son conjoint, ils avaient pris la décision commune de ne pas donner naissance à nouveau, elle m'avoua être sans cesse sous le joug des critiques de son entourage lui enjoignant de faire une autre enfant le plus rapidement possible.

Après tout, comment osait-elle se soustraire à la règle du second !? Les attributs masculins de son conjoint lui permettaient, quand à lui, d'échapper à cette injonction.

Je tombais des nues 

Je n'ai jamais ressenti ce besoin ardent, viscéral, ce cri du cœur et du corps à porter la vie. Lorsqu'un jour, une amie me confia vivre avec la sensation d'un vide immense au creux du ventre et son urgence physiologique de porter un enfant, je tombais des nues.

La seule urgence dont j'avais jamais été victime était celle de faire ma valise pour partir illico en voyage ou à la rigueur de m'offrir une escapade à cheval.

J'explorais, pour la première fois, le désir d'être mère à travers une autre personne. Est-il possible d'être dénuée du programme génétique de la maternité ? A ce jour, toujours aucun signe de vie du besoin irrépressible de materner !

Je célèbre, au contraire, mon goût des grasses matinées, des soirées et des week-ends improvisés et le bonheur des voyages hors vacances scolaires. Si l'International Childfree Day (la Journée internationale des femmes ne désirant pas d'enfant) fête ces privilèges chaque 1er août, j'ai la chance de les honorer toute l'année.

La reine mère

Tandis que la mère est sanctifiée, nous, qui n'avons jamais porté d'enfant, sommes appelées les nullipares -terme, ô combien glamour, évoquant l'idée de "sans" comme si quelque chose nous manquait.

Aucune opinion ne résiste à l'épreuve du temps et de l'expérience. Essayez donc la tolérance et l'ouverture d'esprit en questionnant intelligemment sur les raisons de nos choix indépendamment de vos attentes personnelles, de vos croyances et de vos comportements empiriques.

Via mon non désir d'enfant, j'expérimente probablement la peur de perdre ma liberté et de ne pas être à la hauteur en tant que mère pendant que d'autres répondent à la crainte de vieillir et de finir seule. Mais qui peut juger quelle peur est la plus légitime ?

La chance d'être tatie ! 

Nous sommes fréquemment étiquetées d'immatures. Et pourtant, il me semble significativement plus responsable d'évaluer en amont les enjeux pour le moins irréversibles de la maternité car, plus tard, personne ne nous autorisera à avouer que nous regrettons nos enfants.

Fort heureusement, mon rôle de tatie me permet de goûter aux joies de l'innocence tout en évitant les affres de l'éducation au quotidien. La solution est donc là ! Laissez vos frères et sœurs faire des enfants pour contenter les grands-parents et récoltez uniquement les moments de rire et d'insouciance.

Livre : Pas d'enfant, merci ! Annah Scott

Le livre Pas d'enfant, merci ! dévoile le regard porté sur ces femmes au travers de témoignages humoristiques, d'expériences personnelles, d'études et de données scientifiques. Il explore l'origine des exigences sociales, culturelles et familiales qui dictent le devoir d'enfanter, et se penche sur les aspirations de la nouvelle génération dans sa quête d'épanouissement personnel. Publié à compte d'auteur, l'ouvrage est disponible sur Amazon.



2 commentaires:

  1. J'apprécie ce billet mais quand l'autrice écrit : "Essayez donc la tolérance et l'ouverture d'esprit en questionnant intelligemment sur les raisons de nos choix indépendamment de vos attentes personnelles, de vos croyances et de vos comportements empiriques.", je ne suis pas d'accord dans le sens où personne ne devrait se permettre de nous questionner sur "les raisons de nos choix" de ne pas devenir mère, nous ne devrions pas avoir davantage à nous justifier que les gens qui ont des enfants et à qui l'on ne demande jamais aucune explication ni justification, et personne n'a à se mêler de ce qui se passe dans notre utérus ! D'ailleurs je parlerais plus du désir de ne jamais avoir d'enfant (au moins dans mon cas) que du non désir d'enfant. Ce qui est révoltant c'est qu'il est mal vu de ne pas devenir parent alors qu'être un mauvais parent n'est absolument pas condamné par la société ! On parle de "la peur" qu'auraient les femmes de ne pas devenir mère, mais il s'agit d'une projection, ce sont en réalité les gens qui veulent des enfants qui ont peur : peur de finir seul, peur de ne pas trouver de sens à leur vie, peur de ne pas être comme les autres, peur de ne pas avoir réussi leur rôle social, peur de ne pas perpétuer leurs gènes... Et ils projettent leurs peurs sur celles qui justement ne les ressentent pas.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. D'accord avec ce commentaire. Sauf, qu'à mon avis, il n'y a pas de réel choix : quand on est appropriée, assignée à la reproduction sans questionnement social (voir toutes les productions culturelles incitant furieusement à être mèèèère), et si les refusantes sont toujours présentées comme des étrangetés, je n'appelle pas ça une possibilité de choix éclairé. D'autre part, le patriarcat n'a jamais été dans la qualité mais dans la quantité : bon parent est une invention de la modernité, puisqu'avec la contraception on est théoriquement dans le choix, alors que la soi-disant libération sexuelle des années 70 (voir billet suivant) a surtout permis un accès plus facile des hommes aux femmes, leur faisant porter la responsabilité de tout, des ratages surtout (témoin le psychodrame permanent de l'accès à l'IVG tout juste tolérée), les "révolutions"féministes sont détournées à leur profit ; l'injonction du patriarcat, c'est la production indifférenciée quantitative, le qualitatif n'a jamais été sa préoccupation ! Tant que les femmes sont arrimées à la sacro-sainte "maternité" ils gardent du temps pour s'occuper des choses sérieuses on déclarées telles par eux ; c'est finalement tout ce qui compte pour eux. Le débat est piégé.
      Les citations de Nicole-Claude Mathieu en tête d'article étaient destinées à éclairer le billet en ce sens ;))

      Supprimer