jeudi 22 mai 2014

Trinités

Billet librement inspiré du texte de Mary Daly Contemporary trinities dans Gyn/Ecology (non traduit en français) - The Women's Press - 1979, et 1981 pour la réimpression.

Le dogme de la Trinité chrétienne (le Père, le Fils et le  Saint-Esprit) est le paradigme (masculin) de la procession* : le Fils procède du Père, et le Saint-Esprit procède du Fils. Il s'agit d'une procession masculine : ils s'engendrent entre eux sans passer par les femmes en produisant du même, le fameux entre-soi masculin des corporations mâles si souvent dénoncé par les féministes. Système clos, communion où l'on s'auto-congratule yeux dans les yeux entre père et fils, entre hommes. C'est la fusion modèle, le comité central, l'accomplissement congloméré, la suprême immobilité, stale-mating dit Mary Daly, l'anglais permet le
jeu de mots (mating en anglais : appariement). Accouplement stérile des mêmes : reproduction à l'identique, clones. Les femmes, elles, produisent du différent, de la biodiversité, puisqu'elles font des garçons comme des filles.

Ce conglomérat masculin, cette Trinité patriarcale, au pouvoir partout, sont les contrôleurs invisibles du système militaro-industriel lui-même contrôlé par des machines, -évoquées dans un précédent billet- qui tue la terre. Ce système patriarcal est nihiliste et destructeur selon Mary Daly, qui illustre son propos en donnant l'exemple du premier test nucléaire à Los Alamos le 16 juillet 1945, issu du Manhattan project, dont le nom de code était Trinity, test aboutissant trois semaines plus tard au bombardement atomique de Hiroshima le 6 août 1945, puis, 3 jours après comme si un ne suffisait pas, celui de Nagasaki, le 9 août 1945, sous les noms de code respectifs de "Little Boy" et "Fatman". Ça ne s'invente pas. La perversité de la pensée patriarcale est telle que ces bombes sont non seulement la progéniture des scientifiques qui les ont produites, mais emphatiquement elles sont une progéniture mâle, écrit Marylin French dans The war against women. En 1952, après que la première explosion de la bombe à hydrogène prénommée "Mike" fut testée avec succès sur l'atoll d'Eniwetok aux Iles Marshall, Edward Teller "père" de la bombe à hydrogène, télégraphie à Los Alamos : "It's a boy" -c'est un garçon- comme s'il annonçait une naissance ! Tout se passe comme si toute l'histoire de la bombe est pénétrée par une imagerie qui confond l'écrasant pouvoir technologique de l'homme (dans son sens sexué) à détruire la nature, avec le pouvoir de créer, écrit Carol Cohn, spécialiste du genre dans les conflits armés et la sécurité.

Même si de nos jours la menace nucléaire n'est pas éloignée de nous, d'autres fléaux se précisent -accomplissements du doomsday -jour du Jugement- promis par la doctrine patriarcale chrétienne. Prophétie auto-réalisatrice et jusqu'auboutiste pour avoir raison ? La menace climatique se fait plus proche tous les jours, dans l'apathie générale, comme le démontre la vidéo "CO : 2 - Humains : 0" ci-dessous :

Dans cette vidéo, on peut identifier une trinité à l'oeuvre : l'ONU, les industriels regroupés au sein du GCC, Global Climate Coalition, et leurs lobbyistes. Tous dirigés par des hommes cooptés. Le GIECC peut toujours s’époumoner, l'immobilisme (stalemate en anglais) prévaut. Les trinités patriacales, fermées à tout ce qui n'est pas eux, sont enfermées, immobiles, dans leur fusion éternelle. La Trinité masculine clonée et donc stérile se regarde dans les yeux pendant que la Terre meurt.

* La notion de "procession" a été formulée pour la première fois par Virginia Woolf dans Trois Guinées, pamphlet dénonçant le fascisme patriarcal qui annonce tous les autres : " La voici, défilant devant nous, cette procession des fils d'hommes cultivés, accédant à ces chaires, gravissant ces marches, entrant et sortant par ces portes, prêchant, enseignant, faisant la justice, pratiquant la médecine, gagnant de l'argent".

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