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mardi 30 juillet 2019

DETTE, 5000 ans d'histoire

David Graeber, l'auteur, est anthropologue : il écrit une histoire de la dette, de la monnaie et de la guerre, une histoire des échanges humains.


Demandez à un économiste ce qu'est la monnaie ? Il va vous répondre en bafouillant que c'est un instrument financier parmi d'autres ; je dirais moi que c'est une fabrication, une convention sociale ; David Graeber ne répond pas de façon tranchée.

Rédemption, rachat (redeem en anglais), péché, défaut (faire défaut), jour du Jugement dernier, jour de bilan où on solde tous les comptes, le vocabulaire économique de la dette est religieux ; les paraboles ambivalentes du Christ parlent aussi de dettes et de gratification de celui qui sait agrandir un capital : exemple, la parabole des talents. Nous serions tous nés avec une dette primordiale : une dette envers nos ancêtres qui nous ont donné la vie, et que nous devons rembourser avec des sacrifices, et en transmettant nous aussi la vie reçue, créant ainsi de nouveaux endettés. Reconnaissez qu'on pourrait commencer plus léger ? Non, on naîtrait tous lestés d'une dette !

Lequel, du crédit, de la monnaie, du troc, est arrivé en premier dans l'histoire humaine ? La thèse défendue par Graeber est que, contrairement à ce que prétendent les économistes, ce n'est pas le troc, mais bien le crédit qui arrive en premier, ensuite la monnaie, née du besoin de financement des guerres par les états, puis le troc, quand les monnaies s'effondrent, quand arrive la perte de confiance ou le trop plein d'émission de monnaie. Le troc est un pis-aller quand tous le reste part en morceaux, il s'arrête quand la valeur de la monnaie est restaurée, car il n'est pas commode du tout. Le crédit, système d'échange basé sur la confiance (racine credo en latin, qui donne aussi créance) est possible dans des proto-sociétés où les gens échangent des biens et des services ; l'invention de l'écriture est imposée par le besoin de recenser des stocks de grains issus des récoltes, de tenir la comptabilité des débits et des crédits : on trace d'abord des bâtons sur des tablettes d'argile, puis on élabore un système plus fin et compliqué, des chiffres puis des idéogrammes. Ca calme bien, hein, Marcel Proust ? Pour annuler les dettes, on casse les tablettes. Dans l'Antiquité, quand la dette fait fuir les paysans nourriciers des villes, car criblés d'impôts, de taxes et de corvées, pour redevenir bergers itinérants, on casse toutes les tablettes ; toutes les révolutions humaines ont eu le même acte fondateur, annuler la dette, la Révolution Française n'y a pas manqué, abolissant du même coup le servage. Les serfs (péons) sont une classe sociale qui doit des dîmes, des corvées à un suzerain ; accumulée au fil des générations, leur dette impossible à rembourser, ils ne pouvaient quitter le domaine où ils travaillaient. A comparer avec le statut des femmes pourvues de maris et d'enfants qui doivent des services ménagers sans contrepartie. Au nom de quelle dette ? Par la pesanteur de l'HIStoire.

La traite (la lettre de change de mes cours de compta !) sur l'avenir a commencé quand les humains ont commencé à marcher sur leurs pattes de derrière ; devinez qui gageait les dettes ? Mais les femmes et filles, bien sûr ! Certains s'endettaient au point de donner en gage leurs femmes (comme servantes ou comme prostituées) et filles à naître sur trois ou quatre générations ! Les filles et femmes furent en réalité les premières monnaies d'échange. Comme elles font des petits, elles sont traitées comme on traite les bêtes d'élevage, qui gageaient aussi les dettes. On revient donc de loin, nous les femmes en terme de poids de culpabilité et de péché. Parce que le péché et la dette, c'est la même chose : remettre des péchés et remettre une dette, c'est pareil.

Ecrit en 2008, commencé avant la crise des subprimes qui précipita des familles entières dans la misère et le troc pour survivre, Graeber compose un livre brillantissime couvrant 5000 ans d'histoire de l'humanité vue à travers le prisme de la dette. David Graeber, anthropologue et marxiste voulait écrire une "thèse élégante et érudite" sur comment nous en sommes arrivés au point où nous en sommes aujourd'hui de cette crise majeure du capitalisme qui fabrique ses propres accidents, semble s'en relever en racontant une autre histoire (les prévisions apocalyptiques sur le climat n'en seraient qu'une de plus). Mais combien de temps encore pourra-t-il tenir en épuisant la nature, ce qui est son essence même, sa vraie histoire ?

Vous saurez tout de l'invention de l'esclavage, puis du servage (péonage, dans les termes de Graeber), de l'invention des états, des guerres, puis de la monnaie pour les financer, de la colonisation et du capitalisme qui en découle -accumulation primitive-, des "dettes d'honneur" des hommes violents exacerbés par leur honneur et celui de LEURS femmes, biens échangeables dont il est prudent de ne pas démonétiser les qualités, toujours sujettes à caution, parce que les femmes même asservies, assujetties, même tenues sous un joug féroce, ont toujours des velléités de révolte et de libre-arbitre comme n'importe quel péon ou esclave ! Parsemé de notations drôles, d'hypothèses historiques sur la colonisation (reconstitution de la dernière partie de jeu entre l'affreux Cortès et le roi Moctezuma), de citations d'auteures féministes dont Silvia Federici, avec laquelle il a des affinités marxistes, et de Gerda Lerner, historienne du patriarcat entre autres, best seller aux Etats-Unis dès sa première parution, cet ouvrage est dans la lignée d'auteurs de très bonne vulgarisation comme Jared Diamond (Effondrement, De l'inégalité parmi les sociétés...) ou, dans une autre discipline, de Mike Davis, historien de l'urbanisme et ses productions remarquables sur les catastrophes urbaines, ses conjectures sur l'avenir de l'humanité dans des mégalopoles tentaculaires. Le livre s'arrête sur la tension du moment présent :
quelle sera notre histoire future ? Avons nous épuisé tout notre crédit envers la nature et la planète qui nous font vivre, la continuation de l'histoire humaine est-elle possible ?

" Quelles sortes de promesses des hommes et des femmes authentiquement libres pourraient-ils se faire entre eux ? Au point où nous en sommes, nous n'en avons pas la moindre idée. La question est plutôt de trouver comment arriver en un lieu qui nous permettra de le découvrir. Et le premier pas de ce voyage est d'admettre que, en règle générale, comme nul n'a le droit de nous dire ce que nous valons, nul n'a le droit de nous dire ce que nous devons ". David Graeber 

Décidément, le livre de mon été 2019 !

dimanche 14 juillet 2019

Combattre le voilement - Fatiha Agag-Boudjahlat

 

Cette semaine, deux livres de la même auteure Fatiha Agag-Boudjahlat (FAB) : Combattre le voilement, une réflexion "au-delà du voile comme objet, sur l'acte du voilement", et Le grand détournement, sur les communautaristes et identitaires de toutes obédiences, sur l'instrumentalisation du féminisme, du racisme et de la culture, cette dernière servant d'alibi permanent au cultuel, auquel elle sert de masque permettant de noyer le poison des entorses à la loi de 1905 de séparation des églises et de l'état.

"Mon corps, mon droit". Dans les années 70, ce magnifique slogan a servi aux féministes à revendiquer le droit à disposer de leur corps au moment de militer pour le droit à l'avortement, qui suivait le droit à la contraception. Perverti et poussé à l'extrême, détourné de son sens premier, il sert aujourd'hui à revendiquer de s'enrouler dans des mètres de tissus en revendiquant un "droit à la pudeur" et en criant à l'outrage quand des organismes publics (piscines par exemple) ou des entreprises privées veulent imposer leur règlement intérieur qui prévoit que le personnel observe un minimum de parties découvertes, ne serait-ce que pour assurer la sécurité. Pour certaines salafistes, ce serait même un "droit civique" puisqu'elles invoquent (abusivement, car en France, comme en Europe, il n'y a jamais eu de politique ségrégationniste* comme en subissaient les afro-américains dans les années 60 aux USA) les mânes de Rosa Parks dans son bus qui, la pauvre, ne peut pas se défendre.

La thèse de FAB est d'ailleurs que ces femmes françaises converties ou d'origine (3ème génération souvent) du Mahgreb qui se portent le jilbeb (tenue salafiste très couvrante des femmes saoudiennes) sont en rupture avec les traditions de leur pays car les femmes marocaines, algériennes ou tunisiennes n'ont jamais été vêtues traditionnellement de la sorte. De même, pour ce qui concerne le kamis des hommes. Elles choisissent de porter, sans connaître l'histoire de leurs communautés originelles, un vêtement salafiste, utilisé en Arabie et au Qatar, montrant ainsi en plus de leur entrisme, leur inculture.

Car il y a  entrisme. Les patriarcaux qui ne veulent à aucun prix de l'autonomie des femmes -elle mettrait en péril leur reproduction à l'identique et leur primauté dans l'espace public- sont bien décidés à utiliser toutes les possibilités offertes par nos démocraties pour imposer leur agenda politique. D'abord, faire montre de manœuvres procédurières, utiliser toutes les possibilités offertes par nos démocraties et par les juridictions nationales et même internationales -y compris les obscures officines de l'ONU sans pouvoir juridictionnel ni contraignant (la maltraitante mère de Vincent Lambert et son fan club de curés catholiques fanatiques ont utilisé le même procédé), ou de la CEDH (Cour Européenne des Droits de l'Homme) dont les textes sont ambivalents, pour tenter d'imposer le voilement dans l'espace public.
Autres moyens offerts par nos démocraties libertaires et émancipatrices, les moyens consuméristes du commerce et du marketing tels Nike qui promeut la "mode modeste" et propose des hijabs de running, Mattel qui propose des poupées habillées à la manière salafiste...

Deuxième manœuvre, utiliser le soft power, stratégie qui consiste à utiliser des femmes comme porteuse de messages, à savoir les "mamans voilées", les artistes pop femmes, une syndicaliste convertie revendiquant de porter costume religieux dans la fac où elle représente son syndicat (UNEF). Explication : entre un homme imam de 60 balais, ventripotant, barbu, à qui il manque deux dents, même érudit, et une femme de l'échantillon cité ci-dessus, qui à votre avis a le plus de chance de se concilier l'opinion publique ? Les dames bien sûr, les "mamans voilées" (je vous assure que au-dessus de 10 ans, quelqu'un-e qui dit "ma maman" pour parler de sa MÈRE, ça me donne des envies de meurtre, tellement cette époque est régressive à tous les niveaux), la jeune femme syndicaliste. Les mecs ont mauvaise réputation et ils le savent, même, surtout, leurs abbés. Il n'y a qu'à entendre les arguments qu'ils utilisent pour promouvoir le voilement : les mecs ne seraient que des pourceaux opportunistes (je suis désolée pour le spécisme, mais je cite) avides de tirer un coup et de s'esbigner aussitôt la chose faite. Toutes aux abris de tissus, fuyez ces hordes d'irréformables. Donc, mise en avant des "mamans voilées" (expression obligatoire), des sorties scolaires (école hors les murs, rappelle FAB, donc soumise à la loi de 1905 ; il ne s'agit plus de "mamans", mais bien d'accompagnatrices ayant un rôle pédagogique). Les patriarcaux les trouvent très bien faisant illusion en locomotives "automobiles" comme écrivait Nicole Claude Mathieu : automobiles au sens où elles se déplacent seules, mais avec un conducteur qui tient le volant ! Sauf qu'aujourd'hui en Europe, même pour une femme arrivant de Syrie, fuyant la guerre, il est possible de dire non à ces "capsules spatio-temporelles" que sont les tenues couvrantes (jilbeb, burkini...), que la loi les protège elles et les choix qu'elles font. Nous sommes dans un pays qui garantit, au moins par les textes, mais ce qui est écrit est fort car on peut faire un rappel à la loi, l'égalité femmes-hommes.

" Les femmes se voient investies de la mission de la perpétuation du modèle culturel et religieux de leur communauté, par leur consentement aux règles, par l'éducation dont elles sont chargées dans ce modèle genré par excellence. Elles peuvent être d'excellents agents de leur propre aliénation par l'éducation reçue et l'éducation qu'elles vont à leur tour donner. Les néoféministes s'interdisent d'identifier, de nommer et de combattre les facteurs de subordination et d'aliénation de la femme quand celle-ci est orientale. [...] Se pose la question de la préservation du modèle patriarcal qui attribue l'espace public aux hommes et l'espace privé aux femmes, sujettes et dominées [...]. Cette domination est la clé de voûte du statu quo social. Leur passage dans l'espace public doit être le plus furtif, le plus anonyme et le plus utilitaire possible, aux conditions imposées par les hommes, ce que garantit le voilement. "

Entrisme politique et propagation d'une doctrine archaïque qui cadastre le corps des femmes pour mieux le soumettre aux rigueurs patriarcales : en pratiquant l'inversion et le dévoiement des concepts antiracistes et féministes, le différentialisme culturel est définitivement un racisme. Celui de ses prosélytes et de celles/ceux qui ne voient pas le mal et laissent faire, au nom du libertarisme, du choix individuel. L'argumentation de FAB est remarquable. Elle écrit :

" Le label AOP-AOC ne s'applique pas à l'humain. Il y a des fondamentaux non négociables, ils ne sont pas blancs, ils ne sont pas occidentaux, ils sont universels : l'égalité femme-homme, l'enfant comme personne et non comme bien meuble, le droit des minorités sexuelles, la dignité des êtres humains." Ces combats ont été menés en Occident et ailleurs, avec difficulté, lentement, au fur et à mesure que la société progressait. " Ils s'inscrivent dans une historicité qui n'amoindrit en rien leur portée, qui les inscrit précisément à porté humaine. "

Je voudrais évoquer trois cas de progressistes qui soutiennent soit le voilement, soit d'autres aliénations, au nom du libre choix ou de la solidarité. J'ai choisi trois cas emblématiques qui sont des porte-drapeaux, qu'on voit et entend dans différents médias, et réfuter leurs arguments.

Libertarisme et angles morts : trois cas
Badinter, Goupil et Delphy

Elisabeth Badinter, qui a soutenu la crèche Baby Loup, contre une femme qui voulait y imposer son choix du voile, préface le livre de FAB Combattre le voilement, du bout des lèvres, en précisant qu'elles ne sont pas d'accord sur tout. En effet, au nom du slogan "mon corps m'appartient", Badinter est pro-prostitution et pro-GPA.  Fatiha Agag-Boudjahlat (FAB) est, elle, farouchement contre. Pour Badinter, si mon corps, dont je fais effectivement ce que je veux, peut devenir ma "petite entreprise" avec laquelle, dans une économie informelle, je peux arrondir mes fins de mois et celles de ma famille en pratiquant l'altruisme (ah, ces garçons affligés de misère sexuelle qui n'auraient pas accès au sexe, comme si avoir du sexe était un droit, et ces autres que l'homosexualité afflige de ne pouvoir porter une descendance car ils n'ont pas d'utérus, mais quelle injustice, mon Dieu !), Madame Badinter ne voit aucune objection à ce que les femmes vendent leur corps à la découpe dans la pornographie, la prostitution et la reproduction, au nom de choix individuels. Les femmes font-elles partie partout des plus pauvres de la planète, et sont-elles maintenues à dessein dans ce statut ? Angle mort. Elle ne voit pas la moindre objection.

Romain Goupil, défenseur de voilement, qui a son rond de serviette sur les plateaux de LCI, cinéaste, éditorialiste, et surtout ancien soixante-huitard, lui veut "interdire d'interdire" selon le slogan de la même époque, "il est interdit d'interdire". Au nom de ce principe, interdire le voilement (des seules femmes, il ne remarque pas qu'au nom de l'égalité, les hommes ne demandent pas à se voiler) est liberticide. Slogan contradictoire dans les termes, et surtout, oublieux du fait que les femmes qui refusaient les échanges multipartenaires en 1968 et années suivantes, étaient traitées de "prudes", "coincées" ; son angle mort à lui, c'est ce droit inaltérable des hommes à l'accès sans limite au corps des femmes, droit aussi vieux que l'humanité depuis qu'elle marche sur ses pattes de derrière, mais bon, le souligner, franchement, serait déplacé. Parions qu'en 1968, il aurait sans doute accusé les femmes voilées de "prudes" et "coincées", autre temps, autre position.

Quand à Delphy qui nous a produit les plus excellentes analyses sociologiques de l'oppression des femmes, au nom d'une solidarité, d'une sororité sans faille avec toutes les femmes, opprimées de tous temps et sous toutes les latitudes par le système patriarcal, elle voudrait que nous soyons solidaires de femmes instrumentalisées, agentes du Patriacat, car, n'en déplaise à Madame Delphy, il y a des femmes qui ne veulent à aucun prix du féminisme qui revendique bel et bien l'autonomie, une individualité, et un destin séparés de celui des hommes. Lire les femmes de droite de Dworkin pour s'en convaincre. Sans compter que certaines se laissent instrumentaliser par calcul politique, pensant, espérant en récolter quelques dividendes. Angle mort, là aussi : on refuse de voir le calcul, le refus de la liberté, car la liberté se paie d'un prix : plus de solitude, l'angoisse de devoir faire des choix déchirants seule, pour certaines d'ailleurs en étant rejetées de leur communauté d'origine, choix qui sont discriminants : en effet quand vous faites un choix, vous fermez toutes les autres possibilités. Vouloir le beurre, l'argent du beurre, le crémier, la bite du crémier, de beaux enfants, une belle carrière, en plus de savoir choisir ses dessous pour plaire à Jules, toutes ces injonctions aliénantes des magazines féminins : certaines veulent encore se bercer d'illusions. Tout faire, et tout faire bien n'est pas possible. Sauf à courir derrière un leurre. Une obligation de multi-réussite qui n'est, bien sûr, exigée que des seules femmes.

Le grand détournement est tout à fait complémentaire du précédent, et il balaie plus large. Détournement des mots et concepts forgés par des penseurs pour l'égalité et le libre-arbitre par les zélotes de l'Islam politique pour faire accepter l'agenda des communautaristes.

Dans ce second ouvrage, FAB débusque les fausses symétries mettant tout sur le même plan : minijupe et voilement (Benbassa), la minijupe n'est pas une prescription patriarcale, le voilement oui ; culturel au lieu de cultuel, c'est au nom du "culturel" que Nathalie Appéré, Maire de Rennes, a réussi à faire voter par son conseil une subvention de 430 000 euros à la mosquée sud de la ville pour la réfection de son toit, le cultuel étant implaidable selon la loi de 1905 ; l'auto-stigmatisation des porteuses de voile qui se plaignent d'être discriminées après avoir fait des arbitrages qu'elles refusent ensuite d'assumer, elles ne sont pas obligées de choisir une tenue extériorisant des convictions religieuses qui devraient relever de l'intimité ; "On n'est pas victime d'exclusion quand on choisit de désobéir à la loi " écrit FAB ; les oxymores tels que "féministes musulmanes" ; la confusion des vêtures déjà évoquée plus haut, le jilbeb "capsule spatio-temporelle" est saoudien, pas marocain ni algérien ; l'a-historicité des tenant-es de l'Islam politique qui s'imposent de vivre comme au 7ème siècle de Mahomet, et l'allochronie ou double régime d'historicité, illustré par la mise en parallèle de deux époques différentes (comparaison du voilement avec le fichu des françaises des années 50-60), et "retard" condescendant (minimum) et post-colonial, surtout raciste bon teint. Ces pauvres ex-colonisés ne seraient pas arrivés au même stade de développement que nous, voire ne vivraient pas dans le même siècle que nous (sécularisme) alors qu'ils ont délaissé le transport en chameaux pour prendre l'avion ou de puissantes voitures, et qu'ils utilisent tous/tes couramment les derniers modèles d'iphone ou de smartphone ! Mais la boutade féministe a toujours cours : "quand un homme est opprimé, c'est une tragédie, quand une femme est opprimée, c'est la "tradition" ;(

Fatiha Agag-Boudjahlat dénonce les " accommodements raisonnables qui ressemblent à des redditions ". Deux exemples :
Au Canada, où résident des communautés Sikhs, les hommes, y compris garçonnets, portent traditionnellement à la ceinture un kirpan, sorte de petit coutelas, symbole traditionnel de défense contre l'oppression. Sauf que selon les normes canadiennes, laisser pénétrer dans les écoles des garçonnets avec ce petit poignard pose évidemment un problème de sécurité ; le Canada communautariste, dont le Premier Ministre Justin Trudeau s'affiche régulièrement avec les objets et vêtures, couvre-chefs rituels de ses minorités, a adopté un "accommodement raisonnable", le kirpan sera autorisé, mais il sera en plastique.

En Grande-Bretagne, pays qui a adopté le différentialisme selon les communautés sur son territoire, les tribunaux "sharia law" sont tolérés ; évidemment, leurs jugements ne sont pas légaux devant la juridiction britannique, mais si certain-es souhaitent s'y soumettre pourquoi pas, disent les libéraux ? C'est oublier que dans les communautés, le libre-arbitre des femmes et des enfants est nié, et qu'ils n'ont pas souvent la force d'affirmation (pour les enfants échangés comme des objets, vendus dans des mariages forcés, c'est absolument incontestable) de se couper de la communauté où ils/elles ont toutes leurs attaches. Nos lois démocratiquement votées protègent les plus faibles, n'en déplaise aux différentialistes culturels.

Enfin, FAB plaide pour des lois écrites clairement, afin d'éviter des interprétations hasardeuses, créant des précédents, et des "effets de cliquet" préjudiciables à la cohérence de notre système et servant ensuite de chevaux de Troie aux militants des régressions ethniques. C'est le fameux " mythe du "bon sauvage" stipendié quand il est repéré chez les colonisateurs de droite, opératoire et admis quand il est le fait des condescendants de gauche ". Elle défend un féminisme et une laïcité sans adjectifs.

Ces deux petits livres de deux cent pages chacun se transporteront partout, ils pourront ainsi accompagner votre été avec profit. Les démocraties sont des systèmes tolérants, mous, qui ont du mal à lutter contre les offensives idéologiques des défenseurs des emprises communautaires : identitaires, indigénistes, islamistes ! La prise de conscience est indispensable, nous devons être fermes sur nos principes. Ces deux ouvrages y contribuent.

Les citations de l'auteure sont en caractères gras et rouge.

* Le mouvement des droits civiques aurait démarré par la prise de conscience des afro-américains envoyés se battre en Europe lors de la Première Guerre mondiale : ils demandaient aux Français de la Somme et aux Belges "où sont les toilettes pour noirs ?". Les européens leur répondaient évidemment que les toilettes étaient les mêmes pour tout le monde. Une puissante aide à la prise de conscience que la ségrégation n'était pas un état naturel, mais bien une organisation politique discriminatoire.

Liens :

Editions du Cerf : Combattre le voilement.
Editions du Cerf : Le grand détournement.

VIDEO - Fatiha Agag-Boudjahat parle de son livre Combattre le voilement

Nathalie Appéré, Maire de Rennes, après avoir autorisé le burkini à la piscine des Gayeulles (Cédric Piolle, maire de Grenoble, victime de l'entrisme du faux-nez communautariste d'une association de défense de locataires annexée par l'islam politique, vient lui, de faire marche arrière après moultes tergiversations) verse une subvention de 430 000 euros du budget de la ville pour refaire le toit menaçant de s'écrouler de la Mosquée, lieu de célébration de culte construite en 1983 sur un terrain de Ville dans la zone sud de Rennes (bail emphytéotique) ; renommée fort à propos "lieu culturel", une lettre de plus permettant d'échapper aux rigueurs de la loi de 1905, la subvention a été votée, et le bas calcul électoral commis aux frais des droits de femmes. Madame Appéré se fait même photographier en groupe à l'occasion de l'inauguration avec des fillettes voilées. Tollé général : article avec la photo sur le site des Vigilantes.

jeudi 4 juillet 2019

Créatrices : expos dédiées aux femmes artistes à Rennes

Une exposition résolument féministe aux Musée des beaux-Arts de Rennes, Marie-Jo Bonnet, historienne de l'art, est la commissaire de l'exposition.

Des femmes exposées nues parmi des hommes habillés (les musées en sont truffés), interdites d'écoles et ateliers de peinture, contraintes à se former seules, artistes autodidactes excellentes, ou juste tolérées dans l'atelier de leur père, mais en payant le prix fort par le viol par un collègue masculin comme Artemisia Gentileschi, qui n'aura de cesse de s'autoportraiturer dans ses tableaux, y compris dans le résilient Judith décapitant Holopherne, -la femme en bleu, tenant le couteau, c'est elle-, produisant des oeuvres envers et contre tout, notamment contre l'hostilité masculine, et dans la violence des rapports familiaux pour Louise Bougeois et Nikki de Saint-Phalle, pour ne citer que ces deux-là.

Elizabeth Vigée-Lebrun, Annette Messager, Louise Bourgeois, Georgia O'Keeffe, Louyse Moillon, Nelly Trumel, Orlan, peintresses, photographes, sculptrices (trois oeuvres de Camille Claudel sont exposées, ainsi qu'une "nana" de Nikki de Saint-Phalle), Lee Miller, Raymonde Arcier et sa "nana" géante en mousse et textiles, ménagère-épouse encombrée de bébés et de paniers à provisions géants, et d'autres. Elles utilisent des matériaux non nobles du quotidien, ce qu'elles ont à la maison ; elles brodent (Annette Messager et ses proverbes), utilisent la dentelle, des blocs de mousse, des chutes de tissus et de laines. Vidéastes, elles exécutent des performances qu'elles filment, utilisant leur corps comme support d'expression en se scarifiant, évacuant ainsi les traumatismes de l'enfance face à un père agresseur ou volage, installant sa maîtresse à la maison dans le cas de Louise Bourgeois.


Raymonde Arcier - Au nom du père 




Annette Messager - Mes proverbes - Une série de broderies de proverbes sexistes. 


Chiharu Shiota - State of being (Baby Carriage) : un landau dans un cadre en métal et fil noir, complètement flippant.

Expo exaltante de 80 oeuvres en tout, même si on doit se contenter généralement d'une oeuvre unique par artiste, c'est l'inconvénient des expos thématiques, et dont on peut déplorer également les horaires restrictifs du Musée des Beaux Arts de Rennes qui ferme à 17 H. Il y a aussi deux oeuvres en plumes d'oiseaux, dont une très fragile, sous la verrière, créée exprès pour l'expo, que je trouve contestables, je n'aime pas qu'on utilise les animaux, hormis en représentation, dans l'art.

Le catalogue de l'exposition par Marie-Jo Bonnet, historienne de l'art, vous permettra de compléter par le texte et leur histoire, les oeuvres présentées et répertoriées en photo :

Dans la même journée, en restant dans la même thématique, vous pouvez voir aussi
At the gates à la Criée - Centre d'art contemporain petite galerie d'expos temporaires, près des Halles centrales.

Inspirées des engagements de Silvia Federici, féministe marxiste et altermondialiste, brodeuses, créatrices de patchwork, vidéastes et installation sonore, couseuses de bannières, peintresses à l'acrylique, affichistes, trouvent leur place dans cette petite galerie à deux pas du Musée des Beaux-arts, les œuvres présentées compléteront bien votre après-midi d'artistes et artivistes féministes.


Des bannières abordent le mouvement #repealthe8th en Irlande, qui a vu les femmes militer contre le 8ème amendement de leur constitution lors d'un referendum victorieux en avril 2018, permettant ainsi de faire voter dans la foulée une loi autorisant l'avortement par le Parlement. Une grande victoire pour les femmes irlandaises, arrachée contre leur influente église catholique.

Deux bannières militantes :




Liens complémentaires :

Musée des beaux arts Rennes
Créatrices, à Rennes, une exposition retrace l'émancipation des femmes par l'art
Rennes, au musée, les femmes artistes au pouvoir 
Le discours de Marie-Jo Bonnet lors du vernissage de l'exposition.