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mercredi 25 avril 2018

Les hommes au volant, la mort au tournant

En fouillant sur Twitter je trouve ça : Le manifeste des femmes pour une route plus sûre.



Déjà que vous leur faites la vaisselle, le ménage, les courses, élevez leurs enfants, en plus, selon la sécurité routière, vous devez les empêcher de conduire bourrés ! Dans ce cas, curieusement, vous avez le pouvoir de dire non. Alors que sur d'autres sujets, c'est carrément mal vu, voire prohibé. Ils trouvent normal dans des tas d'endroits de se passer de nous, de nous interdire l'accès. Et là, on nous somme de faire quelque chose ? Faire assistante sociale, aide-soignante, BEQUILLE, c'est le rôle des femmes. En revanche, ce n'est pas le rôle des femmes de tenir un volant, quand monsieur est dans la voiture, selon mes observations atterrées. Malgré le fait qu'il n'a peur de RIEN, même pas du gendarme, ni de la vitesse, ni de faire concours de petites bites. Ils sont pourtant responsables de 85 % des accidents mortels sur les routes, j'ai entendu un pompier un jour dire "toutes ces femmes qui meurent et qui étaient passagères" ! C'est carrément l'hécatombe :



Si les femmes prenaient le volant au lieu de le laisser à Kevin, les assurances feraient des économies, la Sécurité Sociale aussi. Qu'est-ce que les femmes attendent pour exiger de conduire à la place de Paulo ? Combien de vies seraient sauvées ? Mais non, ce serait une atteinte de plus à leur petite virilité  mal placée ? Le terrorisme routier fait des victimes ; s'ils ne sont pas adaptés à la conduite prudente sur les routes qu'y pouvons-nous ? Alors, moi je ne signe pas. Evidemment, si un mec bourré de mon entourage veut conduire sa caisse, je lui confisque ses clés, je l'enferme dans le garage le temps qu'il digère sa cuite, je le fais surtout pour les autres usager.es de la route. Mais surtout, je conduis la voiture quand je suis dedans, à moins qu'une autre femme se propose. Je n'ai aucune confiance en leur "conduite sportive". Je propose même un périmètre de sécurité de 500 m autour des auto-écoles : interdit aux gars. Ils n'approchent pas. Toujours autant de carbone qui ne serait pas balancé dans l'atmosphère, parce qu'en plus, ce sont de gros carbonés : grosses caisses et vitesse. Conduire la voiture, c'est un acte d'assertivité, ce n'est pas réservé aux mecs. Les ponts et viaducs de mai approchant, et les transhumances qui vont avec, c'est le moment de prendre des résolutions. Si vous voulez à tout prix leur sauver la vie, mais surtout la vôtre et celle des autres, conduisez, Mesdames ! Tout le monde sera gagnant. Et s'il ne veut pas lâcher le volant, quittez-le.

lundi 16 avril 2018

King Kong Théorie


Télérama s'étant fendu cette semaine d'un article : Pourquoi il est urgent de (re)lire King Kong Théorie de Virginie Despentes, du coup j'ai suivi son conseil ! Je l'ai lu en 2006, année de sa parution, il y a une éternité. Je l'ai vite retrouvé sous une pile d'autres livres féministes.
Virginie Despentes est une punk (keupon) rock : dans les années 70, 80, elle fréquentait les milieux punks et les concerts rock en faisant du stop, cheveux courts verts ou crête rouge, en vivant de petits boulots en CDD chez Virgin au département musique vinyles et CD, pour payer ses sorties. Comme Michel Houellebecq qui travaillait, lui, à peu près à la même époque, certainement en CDI, normal, c'est un mâle, comme ingénieur recettes -évaluation et maintenance- des logiciels vendus au ministère de l'agriculture par UNILOG sa SSII, expérience dont il tirera Extension du domaine de la lutte. Puis lui aussi est devenu Michel Houellebecq ! Tous deux publient en effet sous leur véritable identité.

En rentrant un week-end d'un concert rock en stop avec une amie, elle est embarquée par trois sales mecs qui violent les deux sous la menace d'un fusil. Sauf que, bien sûr, le mot viol n'est pas employé : les gars "serrent les filles", les "persuadent un peu durement", de toutes façons, si elles n'en sont pas mortes, c'est qu'elles ne se sont pas défendues, donc qu'elles étaient consentantes.
" Car les hommes condamnent le viol, ce qu'ils pratiquent, c'est toujours autre chose ". " Dans la plupart des cas, le violeur s'arrange avec sa conscience, il n'y a pas eu de viol, juste une salope qui ne s'assume pas et qu'il a suffi de savoir convaincre ".

Virginie Despentes en fera un roman BAISE MOI*, qui lui permettra de devenir Virginie Despentes comme elle l'écrit : "et puis je suis devenue Virginie Despentes ", sorte de résilience par l'écriture et la reconnaissance littéraire. Romancière reconnue, mais aussi femme à baffer pour être sortie des clous assignés du "féminin" : ce qui passe bien chez Bukowski et Jack Kerouac (rouler bourré et écrire, en beuglant des gros mots sans ponctuation, en gros) ne passe pas du tout chez une femme. On va la réassigner à son statut de femme, surtout quand elle sortira (double blasphème) Baise moi au cinéma, avec une ex actrice de porno, Coralie Trinh Thi, à la réalisation. Pendant les interviews, raconte-t-elle, les journalistes ne lui posaient des questions qu'à elle, Virginie Despentes ; une ex actrice de porno, fût-elle passée derrière la camera, ne pouvant décidément pas formuler la moindre idée et opinion, n'ayant apparemment pas de tête, puisqu'on n'a jamais vu que son cul.

Dans un chapitre " Coucher avec l'ennemi ", Virginie Despentes voit deux volets à la prostitution : celui prescrit, encouragé par la société, le mariage qui garantit aux hommes une femme pour leur service sexuel gratuit, ainsi que l'entretien de leur ménage et l'élevage de leurs enfants, corvées tout aussi bénévoles, et celui condamné socialement par la société, le service sexuel payant, travail** renvoyé aux marges, dont les femmes portent seules le stigmate social. Il est à noter toutefois que leurs prestations n'incluent ni la lessive, ni la vaisselle, ni l'élevage. Je vous rassure, je ne suis pas passée du côté politique des "travailleuses** du sexe" : les deux asservissements des femmes, mariage comme prostitution m'indignent l'un autant que l'autre. Pareil pour la maternité-élevage. Pondre dans un cas sur deux de l'oppresseur par 70 kg, c'est définitivement non. D'ailleurs je me le suis appliqué. Je ne laisserais pas mes gamètes derrière moi. Tant mieux.

Coup de gueule phénoménal, King Kong Théorie permet à Virginie Despentes d'expliciter ses idées sur le genre, la prostitution et la pornographie, dont elle a sur ces sujets la vision néo-libérale des gens de gauche -elle s'est elle-même livrée au "travail** du sexe" durant trois années en indépendante, via le fameux minitel des années 80, sans y rencontrer de prédateurs, prostitution-addiction dont elle écrit toutefois qu'elle a eu autant de mal à arrêter que certaines drogues dures ou que l'alcool.

La lecture de King Kong est désinhibante, donc à conseiller : on voit qu'elle a lu ses classiques féministes, et les citations "à la manière de" parsèment son pamphlet : Valerie Solanas particulièrement, il y a aussi une citation des Guérillères de Monique Wittig à trouver ! C'est assez jouissif. Personnellement j'ai toujours adoré les citations au cinéma et dans la littérature, sorte de clins d’œils aux initiées, qui partagent une culture commune.

Virginie Despentes conclut son livre par une incitation aux femmes à se dépouiller des oripeaux de la féminité, cette impuissance ("vous n'êtes pas assez connectée à votre féminité, vous ne l'assumez pas" lui dira un psychanalyste qu'elle consulte) pour renouer avec la puissance des femmes, devenir une King Kong Girl, (dans le film King Kong, seule une femme pénétrera sans dommage le monde de la Bête à qui les hommes font une guerre impitoyable) refuser l'humiliation, refuser les rôles auxquels on nous assigne, riposter, pour que la terreur change de camp. Dans cette acception-là, King Kong théorie est indiscutablement un livre féministe puisque le féminisme, c'est tout à son honneur, c'est refuser l'impuissance de la féminité.

" C'est extraordinaire qu'entre femmes on ne dise rien aux jeunes filles, pas le moindre passage de savoir, de consignes de survie, de conseils pratiques simples. Rien. " " Une entreprise politique ancestrale, implacable, apprendre aux femmes à ne pas se défendre. Comme d'habitude double contrainte : nous faire savoir qu'il n'y a rien de grave, et en même temps, qu'on ne doit ni se défendre, ni se venger. Souffrir et ne rien pouvoir faire d'autre. C'est Damoclès entre les cuisses. "
" ...des femmes sentent la nécessité de l'affirmer encore : la violence n'est pas la solution. Pourtant le jour où les hommes auront peur de se faire lacérer la bite à coups de cutter quand ils serrent une fille de force, ils sauront brusquement mieux contrôler leurs pulsions "masculines" et comprendre ce que "non" veut dire. J'aurais préféré cette nuit-là être capable de sortir ce qu'on a inculqué à mon sexe, et les égorger tous, un par un. Plutôt que vivre en étant cette personne qui n'ose pas se défendre, parce qu'elle est une femme, que la violence n'est pas son territoire, et que l'intégrité physique du corps d'un homme est plus importante que celle d'une femme ".

" Ce que les femmes ont traversé, c'est non seulement l'histoire des hommes, comme les hommes, mais encore leur oppression spécifique. D'une violence inouïe. D'où cette proposition simple : allez tous vous faire enculer, avec votre condescendance à notre endroit, vos singeries de force garanties par le collectif, de protection ponctuelle ou de manipulations de victimes, pour qui l'émancipation féminine serait difficile à supporter. Ce qui est difficile, c'est encore d'être une femme, et d'endurer toutes vos conneries. Les avantages qui vous tirez de notre oppression sont en définitive piégés. Quand vous défendez vos prérogatives de mâles vous êtes comme ces domestiques de grands hôtels qui se prennent pour les propriétaires des lieux... des larbins arrogants, et c'est tout. "
Virginie Despentes - King Kong Théorie - Grasset Editeur - 2006 

Complètement d'accord, il n'y aura que l'empowerment (par la loi, par l'éducation, mais aussi par nous-mêmes) pour nous sortir de ce système féminin masochiste. Soyons, redevenons des King Kong Girls. "Rien ne vaut un bon rapport de forces" disait Frederick Douglass, le militant des Civils Rights, à quoi rajoutait Martin Luther King (de mémoire, je ne l'ai pas retrouvée) "mon pacifisme ne fait mouche que parce que j'ai derrière moi un groupe de gens en colère avec des calibres dans les poches" ! Il est temps d'instaurer un bon rapport de forces. Il est temps que la terreur change de camp.

* Je me souviens de l’œil désapprobateur de la libraire du Mans qui a encaissé en 2000 mon achat de Baise-moi, qui reste pour moi, le grand roman de Despentes, quoi qu'on dise ou pense.

** Je fais toujours le distinguo entre travail et emploi. Le travail peut souvent être bénévole, l'emploi lui, est généralement salarié, en tous cas payé. L'un est féminin, l'autre masculin. Précision qui vaut pour les défenseurs des "travailleuses du sexe" qui trimbalent par leur vocabulaire cette notion de travail-, corvée, due en remboursement d'une dette aux dominants par les serfs (attachés à un fief, sans possibilité de le quitter) et les femmes, qui échangent dans un contrat de dupes, leur autonomie et leur sécurité à un seul homme contre services gratuits, et contre une "protection" bien illusoire contre toutes les saloperies aux femmes perpétrées possiblement par les autres mâles.

Les citations de Despentes sont en caractères gras et rouge.

lundi 9 avril 2018

C'est quoi la ZAD #NDDL ?

L'évacuation de la ZAD de Notre-Dame Des Landes a commencé ce lundi 9 avril 2018 :
2500 gendarmes contre 100 zadistes, la presse, tenue à l'écart, est priée de se fournir en images et communiqués auprès de la Préfecture de Loire-Atlantique. Guerre des images, la Macronie En Marche.

La ZAD et la guerre civile mondiale

Editorial par Hervé Kempf à Reporterre.


Pour suivre les derniers évènements sur la ZAD :

Le site des occupants de la ZAD (avec radio Klaxon à droite de l'écran)
Reporterre (plusieurs journalistes sur le site NDDL)
Presse Océan (avec des journalistes sur le site)
L'éclaireur de Chateaubriant
(journaliste sur place)
La Gendarmerie et la Préfecture de Loire Atlantique contrôlent l'accès des journalistes (pour leur sécurité, ben tiens ;(( et produisent leurs propres photos et articles. Guerre des images et de la communication.

mardi 3 avril 2018

A un clic du pire : comment la pornographie a colonisé nos pratiques sexuelles


Cantonnée dans les années 70 à quelques cinémas à public largement masculin, la pornographie est ensuite entrée dans les foyers en utilisant le support video de la cassette VHS, puis le DVD. Désormais, elle est sur Internet, en accès libre, les formats VHS des années 80/90 ont été piratés et mis en streaming gratuit sur Internet ; des actrices qui ont aujourd'hui 70 ans voient leur image exposée en public sans percevoir de droits (les hommes tiennent la caisse enregistreuse, merci pour eux) ni sans pouvoir interdire quoi que ce soit ; tout ceci ruine évidemment les éditeurs et producteurs, et fait baisser les salaires des actrices d'aujourd'hui. L'industrie du porno s'est elle aussi uberisée. Tout le monde peut accéder à ces images : pas de paiement, juste un déclaratif sur l'âge, sans aucun contrôle. De plus, les algorithmes de Google peuvent proposer à tout moment un film pornographique dans les pubs et les liens qu'ils affichent. Les contrôles parentaux ne tranquillisent que les parents crédules, la majorité des films vus par les enfants le sont sur leurs smartphones. Ce qui fait que des enfants -à partir de 8 ans selon leurs déclarations- peuvent être exposés à des images crues de fantasmes sexistes, à une image dégradée des femmes. Ils sont plus familiers du vocabulaire qui accompagne ces images (fist fucking, éjaculation faciale, double pénétration...) que ne le sont leurs parents. Évidemment, cette industrie qui correspond davantage aux fantasmes sexuels masculins, même si, et il n'est pas question de le nier, les femmes regardent et sont intéressées, propose une image sexiste des femmes ; à force de saturer d'images les yeux du public, les enchères montent : " Aujourd'hui, on met des tartes aux filles dans les films, et tout le monde à l'air d'y trouver son compte, sans se demander pourquoi ce qui était marginal est devenu normal en l'espace d'une poignée d'années ", écrit Ovidie.

Pire, la pornographie formate les pratiques sexuelles, et les corps doivent être conformes aux codes pornographiques : épilation partielle ou intégrale du sexe, maquillage et chirurgie de la vulve -nymphoplastie des petites lèvres-, paillettes vaginales dans le but de faire s'écouler des paillettes parfumées durant le rapport sexuel. Toutes ces pratiques qui peuvent être dangereuses pour la santé répondent à un dégoût généralisé du sexe féminin. Les femmes trouvent leur sexe "moche" ! Les garçons trouvent qu'un sexe féminin non épilé c'est "dégoûtant" ! " Le porno, comme n'importe quel media, joue un rôle normatif dans notre rapport au corps " écrit Ovidie, qui constate qu'il est en train de réintroduire les "parties honteuses" du corps, concept dont on avait eu tant de mal à se débarrasser.

Après constat des ravages, Ovidie propose des solutions de bon sens aux parents : éviter l'interdiction qui sera de toute façon contournée, éduquer et avertir très tôt les enfants que cela existe, qu'ils peuvent refuser qu'on leur impose des images qui les dérangent, contextualiser, les prévenir que ce sont des mises en scène, que c'est infaisable dans la vraie vie, et dire aux filles qu'elles peuvent dire non et qu'elles ont le droit de dire ce qui leur ferait plaisir à ELLES AUSSI dans l'acte sexuel ! Il n'y a pas que le plaisir du partenaire qui compte. La conscience de classe n'a apparemment pas accompagné la pseudo libération sexuelle. Internet, le libéralisme radical, et la pornographie ont colonisé nos vies et celles de nos enfants. Il faut les avertir et les éduquer sans tabous, leur apprendre à contrôler leur image. C'est en substance ce que recommande ce petit ouvrage de 120 pages, à mettre entre les mains de tous les parents.

Définition : La pornographie c'est la domination des femmes par les hommes.
N'oubliez pas que ce sont eux qui tiennent le tiroir-caisse et qu'ils dominent le métier, comme dans toutes les industries.

Liens supplémentaires : j'avais fait une précédente chronique sur la pornographie à propos du livre de Jean-Luc Marret : Pornification, qui restitue bien le porno des années 80/90, celui d'avant Internet, à travers la carrière de Karin Schubert, actrice de La folie des grandeurs de Gérard Oury.

La biographie d'Ovidie sur Wikipedia.