Puisque à l'occasion de la réforme des retraites on parle de celle des femmes et des écarts de salaires et donc de pension avec leurs collègues masculins (sans parler de la précarisation y compris de celles qui n'ont pas charge de famille, et des mi-temps non choisis assumés par les femmes), voici une anecdote qui m'est arrivée il y a quelque temps, anecdote montrant que les femmes ne méritent qu'un statut inférieur. Sursélection selon des critères virils, le double voire le triple d'entretiens de recrutement par rapport aux hommes* pour les candidates femmes, obligation de donner des gages au pouvoir masculin si nous voulons le poste, contrairement à une idée répandue les discriminations que subissent les femmes dans le monde du travail sont rarement frontales et brutales. Il est très mal porté de dire "pas de femmes chez nous" ou de reconnaître que les salaires des femmes sont diminués de 20 % parce qu'elles sont des femmes. En revanche, les petits arrangements, les coups tordus, les pratiques injustes, non éthiques et non professionnelles font les mêmes dégâts.
Contexte
Grande entreprise internationale de l'électronique, implantée sur les 5 continents : l'établissement où je travaille est dans une ville régionale.
Service fabrication : 3 500 salariés, en majorité des femmes, l'électronique nécessitant une excellente acuité visuelle et une bonne dextérité manuelle, et les femmes ont ces qualités. Service Recherche & Développement (R&D) : 1000 salariés, 95 % d'hommes, les quelques ingénieures qui y travaillent sont pratiquement indiscernables, elles évitent le maquillage, les bijoux voyants, elles sont généralement chaussées de Pataugas ou de Campers et elles portent jeans et bombers, coiffure courte petite tête pour se fondre dans la masse. Quand on traverse le service et qu'on y voit une femme un peu maquillée et habillée, c'est à coup sûr une assistante. Je suis consultante en ressources humaines (RH) en CDD de 4 mois puis 14 mois, total : 18 mois. Je recrute pour la R&D, les services hardware, hardware radio, software... sous la hiérarchie d'une Directrice des Ressources Humaines (DRH) de la R&D, Marie-Dominique, et plus lointain mais néanmoins là, d'un DRH site. Il y a deux cents descriptions de poste, donc 200 ingénieurs et techniciens à recruter.
Process
Pas de short-list : nous sourçons des CV sur Internet, traitons les candidatures spontanées, et insérons peu d'annonces sur les job boards. Nous lisons les CV, les rapprochons des fiches de postes à pourvoir, les proposons à la lecture aux managers et aux team leaders qui décident de les recevoir ou non. Les rendez-vous (RV) sont pris par une assistante ; trois entretiens sont prévus par candidat-e : un avec la consultante, un avec un manager, un avec un team leader (chef d'équipe), dans la même journée. Les transports sont remboursés aux candidats. L'entreprise pratique ce fléau de la cooptation avec intéressement au cooptant, et il me faut me battre pour que le cooptant n'assiste pas aux débriefings concernant le coopté ! La cooptation est un recrutement sur une appartenance et PAS SUR UNE COMPÉTENCE. On ne dénoncera jamais assez la cooptation mafieuse masculine dont nous faisons régulièrement les frais, parce qu'ils n'arrivent plus à penser, tellement ils sont consanguins !
Un débriefing avec les trois personnes ayant reçu les candidat-e-s suit rapidement, la candidature est examinée en fonction du parcours du candidat, du ressenti de chacun (totalement irrationnel), du poste à pourvoir et de l'équipe accueillante ; la consultante est chargée de conseiller les managers sur le recrutement en fonction du service, de ses besoins actuels et futurs, des gens qui y travaillent, des capacités d'évolution du candidat et de ses souhaits, le tout dans une optique de cohésion du service et d'atteinte des objectifs. Si c'est oui, une propale (proposition de salaire) est soumise au candidat par la consultante et s'il/elle accepte, les choses se font très rapidement.
La grille de salaire relève de la convention collective nationale de la métallurgie, et prend surtout en compte le diplôme, l'ancienneté dans le poste, l'âge et l'expérience professionnelle antérieure. Peu ou pas d'intéressement.
Plan de mes entretiens
De 45 minutes à une heure, jamais plus :
6 minutes de présentation de l'entreprise pour commencer (j'insiste, la plupart des entretiens de recrutement se déroulant à l'envers), déroulé de carrière du/de la candidate, la fin de l'entretien se fait en anglais pour évaluer si la personne pourra se débrouiller lors par exemple de tests du matériel à l'étranger avec des industriels à qui nous proposons nos produits, enfin calendrier avec dates précises de ce qui va suivre. Le/la candidat/e repart avec ma carte de visite, mon mail et ma ligne directe. Évidemment, il y a un service Intégration, mais je me fixe d'accueillir les candidats le premier jour, de veiller à leur installation dans le service et de faire un service après-vente dans les trois premières semaines de leur intégration.
Le service software recherche activement des ingénieurs de traitement du signal depuis plusieurs mois sans aboutir. Ces ingénieurs sont des concepteurs d'algorithmes de traitement de signaux voix (téléphone), données, et images (TV numérique et autres applications images sur des téléphones par exemple), transport, compression, décompression du signal à l'arrivée sur des avenues (broadband) numériques, le tout sans distorsion et dans la plus grande fidélité à l'original. Imaginez que vous téléphoniez à votre chèr-e et tendre dont vous êtes habituée à la voix et que le téléphone vous restitue ses réponses avec celle de Donald Duck, ce ne serait pas satisfaisant du tout !
Or, miracle, il se trouve que justement arrive sur mon bureau le CV d'une jeune femme, docteure en traitement du signal, qui en plus (ces managers ne croient JAMAIS qu'un transfert de compétence soit possible, sans doute parce qu'eux-mêmes n'ont jamais rien transféré, bloqués comme ils sont dans leurs postes à vie selon le modèle masculin considéré comme universel du travail posté), qui en plus donc, a travaillé 6 ans chez un concurrent proche. Je leur faxe le CV pour aller plus vite et par retour, tellement la charge de travail et le besoin sont là, ils me répondent qu'ils veulent la voir ASAP (as soon as possible). Rendez-vous est pris avec la candidate, elle arrive au RV ponctuelle, et elle enchaîne les entretiens comme prévu ; elle fera l'unanimité des trois, moi et mes deux collègues clairement enthousiastes : ils en ont un besoin terrible, on va lui faire une belle propale ; clairement, elle est la femme de la situation, elle n'est pas arrogante, elle ne "pèse" pas "100 KE" (travers courant chez certains hommes qui se surévaluent pour masquer leur incompétence) ; elle est plutôt effacée selon moi et elle parle, y compris couramment l'anglais avec une petite voix ; elle ne se survend pas, je dirai même qu'elle ne se vend pas du tout malgré son expérience R&D qui rassure les autres recruteurs car les thèses de doctorat effraient généralement les entreprises.
(La suite sur ce lien)
* Pour un CDD de 4 mois (en première instance) j'ai personnellement passé 6 entretiens de recrutement avec deux déplacements, soit le double de ce que je faisais passer aux garçons et aux juniors que je recevais moi-même ensuite ; les transports leur étaient remboursés ; à moi on n'a remboursé que le transport de la deuxième salve d'entretiens, en doublon donc, et encore parce que j'ai insisté ! Évidemment, comme c'était à une heure et demi de chez moi, j'ai dû prendre un deuxième logement : rien ne m'a été proposé pour m'aider ; à comparer avec les "primes de rideaux", "de moquette" et autres remboursements de plaque d'immatriculation et de déménagement que les ingénieurs mâles de la R &D percevaient lorsqu'ils déménageaient ! L'immense majorité, voire la totalité des CDD étaient tenus par des femmes, l'immense majorité des CDI l'étaient par des hommes. Autant l'univers de la R&D était un collectif d'hommes, autant les ressources humaines étaient peuplés de femmes car réputées plus "conviviales", plus "humaines" et surtout, analyse personnelle, plus souples du col : la preuve (aveu de la DRH), j'ai été recrutée parce que les chargées de recrutement junior ne tenaient tellement pas tête aux managers que la plupart des services ne recrutaient plus à cause des freins et barrières anti-femmes, anti-seniors, anti-handicapés et anti-techniciens, anti-ethniques... opposés par le management et les chefs de service qui ne recrutaient plus que des juniors sortant des mêmes écoles qu'eux !
" Combien de catastrophes nous auraient été épargnées si les hommes avaient gardé leur queue dans leur froc. " Marc-Uwe KLING - Quality Land
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mardi 28 septembre 2010
Au coeur de l'Industrie (suite)
Avec Marie-Dominique, la DRH, nous calculons la proposition de salaire que nous allons lui faire, et sans nous tromper car nous voulons l'engager. Comme l'exige la Convention Collective, nous calculons le salaire en fonction de trois paramètres : son âge (elle a 31 ans), son expérience et ancienneté dans le métier (7 ans d'expérience en R&D chez un concurrent), et son niveau de diplôme (Thèse de doctorat -considérée comme supérieure à ingénieur). Nous tombons d'accord, Marie-Dominique et moi sur 47 250 euros annuels - à l'époque. A charge pour moi de présenter ceci au manager du service. Là, les choses vont sérieusement se gâter. Lors de mon appel, il va ruer : en effet, elle a le plus gros salaire du service. Plus gros même que celui de mon interlocuteur qui gagne en fin d'année 42 700 euros, pauvre garçon ! Un vrai crime de lèse-majesté !
Évidemment, je lui rappelle le principe de la convention collective : calcul en fonction de l'âge, ancienneté et diplôme. Lui n'a que 28 ans, il est dans son premier poste et même s'il a bénéficié d'une promotion fulgurante, il n'est QU'INGÉNIEUR ! Et il est assez courant dans une hiérarchie qu'un salarié subalterne soit plus payé que son patron. Oui, mais bon, quand même... l'entends-je ronchonner, pendant qu'il prend une grosse humiliation narcissique, c'est audible de mon poste téléphonique. Aussi, je m'offre une petite mesure dilatoire, je lui promets d'en reparler avec Marie-Dominique. Je la rencontre justement entre deux portes, c'est elle qui me pose la question ; je lui donne le résultat de mon entretien et m'attire les remarques indiscutables suivantes : "Voilà ce que c'est que de recruter des managers en culotte courte" ! "C'est parce que c'est une fille, ou quoi "? Et pour finir, en se battant les flancs et d'un ton excédé : "Mais je croyais que c'était introuvable sur le marché, ce genre de mouton à 7 pattes, qu'est-ce qu'il leur faut à la fin ?"
L'épreuve de force va durer TROIS semaines ; coups de fils, rappel du parcours de la candidate, de son excellente formation, de sa rareté sur le marché et à chaque fois, blocage sur le différentiel de salaire entre "son équipe" (tu parles !) et une nouvelle arrivante : il y voit les pires ennuis se profiler à l'horizon : mise en péril de la cohésion du service, mauvaise ambiance, devoir de justification auprès des autres salariés..., j'ai beau lui rappeler ses responsabilités de MANAGER de service dont le travail consiste précisément à mettre en mouvement des intérêts divergents pour obtenir une cohésion et un RESULTAT, rien n'y fait, il est buté. Evidemment, je campe sur mes positions, je sais que ma DRH ne cèdera pas, que j'ai été recrutée pour cela : ne pas abonder dans le sens de mes interlocuteurs, soupçonnés d'être de mauvaise foi et de faire des caprices. Je tiens ma candidate au courant (sans lui dévoiler toutes mes tractations, cela ne serait pas déontologique ni politique) pour la faire patienter, car tous les délais que je lui ai donnés sont explosés. Un matin en petit-déjeunant, j'en ai tellement assez de leur incompétence et de leur frilosité, qu'une idée m'apparaît comme la seule possible pour nous en sortir le service et moi. Elle comporte un risque que j'accepte, car il est impossible de continuer comme cela et il faut que je me sorte du piège où je suis enfermée -crois-je encore à ce moment-là !
Épilogue : j'arrive à mon bureau vers 8 H 30 ce matin-là, relis posément le dossier, décroche le téléphone et fais le numéro du manager du software. Ma proposition qu'il va écouter dans un silence de mort est la suivante : j'ai bien réfléchi, Madame X, la candidate que je vous propose depuis maintenant presque un mois ne me paraît pas être de taille a affronter l'hostilité de tout votre service si, contre la volonté de tout le monde je l'imposais avec un salaire que votre équipe et vous-même désapprouvez. (Le pire, c'est que j'y croyais !) Aussi, comme je lui dois depuis longtemps la réponse promise contre son déplacement et sa visite, je vais l'appeler tout à l'heure et lui dire que nous ne donnons pas suite à sa candidature.
- Je prends !
Concentrée sur mon argumentation, je continue : "Je ne tiens pas à engager ma responsabilité envers une salariée qui sera malheureuse, jalousée par les collègues car beaucoup trop payée par rapport à ceux-ci, je me rends à vos arguments".
- Je vous dis que je l'engage !
La fin de sa phrase et son angoisse commencent à s'infiltrer dans mon cerveau, mais je suis sur ma lancée : "je ne suis quand même pas une tortionnaire, j'ai une conscience, je ne recrute pas pour rendre les gens malheureux professionnellement".
Le temps de finir ma phrase, l'idée qu'il serait en train de se déballonner à la vitesse de la lumière m'effleure. Que se passe-t-il ???
- Je l'embauche, me dit-il à bout de souffle en criant presque, vous êtes sourde ou quoi ?
Mais oui, il se déballonne, je comprends tout instantanément : il a JUSTE essayé pendant un mois (ce qui en dit long sur son irresponsabilité soit dit en passant : il a des objectifs quantitatifs à atteindre et des comptes à rendre à date précise !) de m'intimider, de me faire ravaler mes convictions, mon sens de l'équité, de la simple justice et de la DEONTOLOGIE PROFESSIONNELLE pour une proposition de salaire à une femme PLUS PAYEE QUE LUI, l'idée lui donnant des boutons et blessant son orgueil de mâle. Je réalise qu'avec une consultante junior, il y avait une sérieuse chance que cela passe, elle aurait sans doute flanché, elle aurait accepté l'injustice ! En tous cas, c'était bien essayé !
Je vais pousser mon avantage, prendre des assurances, lui dire que je porterai une attention toute particulière à son intégration, il me jure tout ce que je veux. Tout d'un coup c'est URGENT, elle peut commencer QUAND ?
Évidemment, il y aura des retombées radioactives, ce qui est un comble vu la futilité des arguments qu'on m'a opposés, le manque de professionnalisme et l'irresponsabilité d'un pseudo-manager. Il viendra très courageusement avec des collègues un samedi matin puisque je ne travaille pas, demander ma tête à la DRH qui la leur refusera. De toutes façons en CDD, s'ils voulaient me virer ils pouvaient, mais en payant jusqu'à la fin jusqu'au dernier centime. De plus, la candidate ne risquait rien, elle était en poste et ne souhaitait que changer : il n'y avait qu'un petit enjeu pour elle. Mais combien de fois des femmes, toute dignité et justice bafouée ont dû se résigner, soit par obligation, par faiblesse aussi ou par manque de conscience de classe, ou encore parce qu'elle n'avaient pas les coudées franches, à trahir une des leurs, donc à se trahir elles-mêmes, et pour des raisons d'ego, mêmes pas justifiées professionnellement ?
Dans les services de ressources humaines des entreprises privées, comme par hasard, il y a une majorité écrasante de femmes juniors : parce que plus malléables, plus dociles, plus vulnérables, et ne pouvant que s'incliner devant une hiérarchie masculine ? Il y a des jours, j'en suis absolument convaincue. J'ai eu une amie féministe qui avait une inscription au-dessus de la porte d'entrée de son bureau ; cette inscription disait : "Si tu t'écrases, ils t'écraseront !". Autant que possible, il vaut mieux éviter de s'écraser devant certains comportements.
En ce moment, on entend sur toutes les ondes OSEO ANVAR faire sa publicité et confirmer l'annonce de Christian Estrosi de 300 millions d'euros à distribuer aux entreprises nécessiteuses : on peut s'étonner que la manne de 40 à 60 milliards d'euros annuels qui tombent ainsi sur les entreprises au titres d'aides et d'incitations diverses ne soient JAMAIS ASSORTIES de garanties de bonnes pratiques et de contreparties éthiques, notamment en matière de gestion de ressources humaines : parité hommes/femmes, pyramide des âges harmonieuse, accueil des handicapés et des français issus de l'immigration, traitement équitable à toutes les différences !
Deux liens complémentaires et indispensables sur le dossier des retraites trouvés chez le Collectif Les mots sont importants : un sur "Replacer le débat", entre autres sur les gains de productivités et le travail productif et heureux des retraités, et un second bien argumenté qui recadre les discriminations que subissent les femmes au travail.
Évidemment, je lui rappelle le principe de la convention collective : calcul en fonction de l'âge, ancienneté et diplôme. Lui n'a que 28 ans, il est dans son premier poste et même s'il a bénéficié d'une promotion fulgurante, il n'est QU'INGÉNIEUR ! Et il est assez courant dans une hiérarchie qu'un salarié subalterne soit plus payé que son patron. Oui, mais bon, quand même... l'entends-je ronchonner, pendant qu'il prend une grosse humiliation narcissique, c'est audible de mon poste téléphonique. Aussi, je m'offre une petite mesure dilatoire, je lui promets d'en reparler avec Marie-Dominique. Je la rencontre justement entre deux portes, c'est elle qui me pose la question ; je lui donne le résultat de mon entretien et m'attire les remarques indiscutables suivantes : "Voilà ce que c'est que de recruter des managers en culotte courte" ! "C'est parce que c'est une fille, ou quoi "? Et pour finir, en se battant les flancs et d'un ton excédé : "Mais je croyais que c'était introuvable sur le marché, ce genre de mouton à 7 pattes, qu'est-ce qu'il leur faut à la fin ?"
L'épreuve de force va durer TROIS semaines ; coups de fils, rappel du parcours de la candidate, de son excellente formation, de sa rareté sur le marché et à chaque fois, blocage sur le différentiel de salaire entre "son équipe" (tu parles !) et une nouvelle arrivante : il y voit les pires ennuis se profiler à l'horizon : mise en péril de la cohésion du service, mauvaise ambiance, devoir de justification auprès des autres salariés..., j'ai beau lui rappeler ses responsabilités de MANAGER de service dont le travail consiste précisément à mettre en mouvement des intérêts divergents pour obtenir une cohésion et un RESULTAT, rien n'y fait, il est buté. Evidemment, je campe sur mes positions, je sais que ma DRH ne cèdera pas, que j'ai été recrutée pour cela : ne pas abonder dans le sens de mes interlocuteurs, soupçonnés d'être de mauvaise foi et de faire des caprices. Je tiens ma candidate au courant (sans lui dévoiler toutes mes tractations, cela ne serait pas déontologique ni politique) pour la faire patienter, car tous les délais que je lui ai donnés sont explosés. Un matin en petit-déjeunant, j'en ai tellement assez de leur incompétence et de leur frilosité, qu'une idée m'apparaît comme la seule possible pour nous en sortir le service et moi. Elle comporte un risque que j'accepte, car il est impossible de continuer comme cela et il faut que je me sorte du piège où je suis enfermée -crois-je encore à ce moment-là !
Épilogue : j'arrive à mon bureau vers 8 H 30 ce matin-là, relis posément le dossier, décroche le téléphone et fais le numéro du manager du software. Ma proposition qu'il va écouter dans un silence de mort est la suivante : j'ai bien réfléchi, Madame X, la candidate que je vous propose depuis maintenant presque un mois ne me paraît pas être de taille a affronter l'hostilité de tout votre service si, contre la volonté de tout le monde je l'imposais avec un salaire que votre équipe et vous-même désapprouvez. (Le pire, c'est que j'y croyais !) Aussi, comme je lui dois depuis longtemps la réponse promise contre son déplacement et sa visite, je vais l'appeler tout à l'heure et lui dire que nous ne donnons pas suite à sa candidature.
- Je prends !
Concentrée sur mon argumentation, je continue : "Je ne tiens pas à engager ma responsabilité envers une salariée qui sera malheureuse, jalousée par les collègues car beaucoup trop payée par rapport à ceux-ci, je me rends à vos arguments".
- Je vous dis que je l'engage !
La fin de sa phrase et son angoisse commencent à s'infiltrer dans mon cerveau, mais je suis sur ma lancée : "je ne suis quand même pas une tortionnaire, j'ai une conscience, je ne recrute pas pour rendre les gens malheureux professionnellement".
Le temps de finir ma phrase, l'idée qu'il serait en train de se déballonner à la vitesse de la lumière m'effleure. Que se passe-t-il ???
- Je l'embauche, me dit-il à bout de souffle en criant presque, vous êtes sourde ou quoi ?
Mais oui, il se déballonne, je comprends tout instantanément : il a JUSTE essayé pendant un mois (ce qui en dit long sur son irresponsabilité soit dit en passant : il a des objectifs quantitatifs à atteindre et des comptes à rendre à date précise !) de m'intimider, de me faire ravaler mes convictions, mon sens de l'équité, de la simple justice et de la DEONTOLOGIE PROFESSIONNELLE pour une proposition de salaire à une femme PLUS PAYEE QUE LUI, l'idée lui donnant des boutons et blessant son orgueil de mâle. Je réalise qu'avec une consultante junior, il y avait une sérieuse chance que cela passe, elle aurait sans doute flanché, elle aurait accepté l'injustice ! En tous cas, c'était bien essayé !
Je vais pousser mon avantage, prendre des assurances, lui dire que je porterai une attention toute particulière à son intégration, il me jure tout ce que je veux. Tout d'un coup c'est URGENT, elle peut commencer QUAND ?
Évidemment, il y aura des retombées radioactives, ce qui est un comble vu la futilité des arguments qu'on m'a opposés, le manque de professionnalisme et l'irresponsabilité d'un pseudo-manager. Il viendra très courageusement avec des collègues un samedi matin puisque je ne travaille pas, demander ma tête à la DRH qui la leur refusera. De toutes façons en CDD, s'ils voulaient me virer ils pouvaient, mais en payant jusqu'à la fin jusqu'au dernier centime. De plus, la candidate ne risquait rien, elle était en poste et ne souhaitait que changer : il n'y avait qu'un petit enjeu pour elle. Mais combien de fois des femmes, toute dignité et justice bafouée ont dû se résigner, soit par obligation, par faiblesse aussi ou par manque de conscience de classe, ou encore parce qu'elle n'avaient pas les coudées franches, à trahir une des leurs, donc à se trahir elles-mêmes, et pour des raisons d'ego, mêmes pas justifiées professionnellement ?
Dans les services de ressources humaines des entreprises privées, comme par hasard, il y a une majorité écrasante de femmes juniors : parce que plus malléables, plus dociles, plus vulnérables, et ne pouvant que s'incliner devant une hiérarchie masculine ? Il y a des jours, j'en suis absolument convaincue. J'ai eu une amie féministe qui avait une inscription au-dessus de la porte d'entrée de son bureau ; cette inscription disait : "Si tu t'écrases, ils t'écraseront !". Autant que possible, il vaut mieux éviter de s'écraser devant certains comportements.
En ce moment, on entend sur toutes les ondes OSEO ANVAR faire sa publicité et confirmer l'annonce de Christian Estrosi de 300 millions d'euros à distribuer aux entreprises nécessiteuses : on peut s'étonner que la manne de 40 à 60 milliards d'euros annuels qui tombent ainsi sur les entreprises au titres d'aides et d'incitations diverses ne soient JAMAIS ASSORTIES de garanties de bonnes pratiques et de contreparties éthiques, notamment en matière de gestion de ressources humaines : parité hommes/femmes, pyramide des âges harmonieuse, accueil des handicapés et des français issus de l'immigration, traitement équitable à toutes les différences !
Deux liens complémentaires et indispensables sur le dossier des retraites trouvés chez le Collectif Les mots sont importants : un sur "Replacer le débat", entre autres sur les gains de productivités et le travail productif et heureux des retraités, et un second bien argumenté qui recadre les discriminations que subissent les femmes au travail.
mardi 21 septembre 2010
SPACE 2010 : une conférence de Luc Ferry...
SPACE, Salon international de l'Elevage, est un salon de 4 jours réservé aux professionnels. Autant le Salon de l'agriculture est une vitrine de l'agriculture française avec des journées réservées au grand public, autant le SPACE montre l'arrière boutique et l'envers (l'enfer ?) du décor. Il ne représente qu'un seul mode d'élevage : l'intensif hors-sol. Je dois m'y rendre pour des raisons professionnelles. Je sélectionne deux conférences qui m'intéressent : une sur le bien-être animal, quelle approche pour les acteurs économiques (Il faut savoir que les aides européennes de la PAC* sont désormais conditionnées au bien être des animaux d'élevage selon des critères stricts) et l'autre sur l'évolution récente de la consommation de produits carnés par les ménages et en restauration hors foyer (RHF). Entre les deux conférences je projette de visiter l'exposition. Ca tombe le jeudi où l'horizon est à peu près dégagé : le ministre Bruno Lemaire et Jean-Michel Le Métayer se sont rencontrés dès le mardi jour d'ouverture, et les producteurs de lait en colère ont eu le temps de faire du petit bois avec les stands de la FNSEA* et de CNIEL*. Ils sont sur les nerfs et on les comprend : dérégulation, surproduction, abandon par la FNSEA et la grande distribution. Le SPACE de Rennes, c'est plus de 20 000 visiteurs régionaux, nationaux et internationaux.
L'ouverture de la première conférence est assurée par Luc Ferry, philosophe qui traite entre autres sujets d'environnement, et "droit" des animaux. Il sera suivi d'une ingénieure-chercheuse de l'INRA*, du président d'une association de protection animale l'OABA*, et de l'inévitable CIV* : comité interprofessionnel des viandes, véritable lobby de la viande.
Je vais tenter un résumé de l'intervention de Luc Ferry sur l'approche du droit de l'animal, auquel il est farouchement opposé.
Il introduit sa conférence en soulignant trois fondamentaux qui caractérisent notre époque : la disparition de la paysannerie (6 millions de paysans en 1950, et 400 000 aujourd'hui), l'avènement des femmes (!!! je verrai lors de la visite de l'exposition qu'en fait d'avènement des fâââmes, elles servent les cafés et les petits fours sur les stands), et la prolifération des peurs.
Luc Ferry voit trois traditions dans la protection des animaux :
- l'approche française avec DESCARTES : sa théorie de l'animal machine (commme une pendule ou une horloge, l'animal est un robot parfait) influence encore 80 % des éthologues contemporains selon Dominique Lestel.
En second on trouve Charles Grammont, premier député à proposer en 1850 une loi protégeant les animaux domestiques : Charles Grammont est cadre noir à Saumur, il passe sa vie avec des chevaux et il ne supporte plus de voir en pleines rues la façon dont on débite vivants les chevaux épuisés et fourbus qui s'effondrent sous les voitures et diligences dans les villes françaises ! La loi Grammont prévoit donc une peine d'amende à toute personne qui inflige publiquement et abusivement des mauvais traitements aux animaux domestiques.
Luc Ferry cite également Rousseau et ses deux pages du début de "L'Origine de l'inégalité entre les hommes" : la différence entre les animaux et les humains selon Rousseau, c'est la liberté ; les animaux sont dominés par la nature ; les humains ont une histoire politique et cognitive, les animaux, eux n'ont pas d'histoire, ils n'évoluent pas, la preuve, la termitière est immuable (alors que nos villes et nos maisons à nous évoluent avec le temps et les époques et ne sont jamais construites pareil). L'histoire humaine est anti-naturelle.
- La tradition allemande privilégie elle l'animal sauvage contre l'animal domestique. La nature sauvage est pure de toute contamination : Hitler (nous y voilà !) se fait photographier caressant des biches, il promulgue une loi sur la chasse et une loi protégeant la nature. (Je me suis levée à pas d'heure, ai déjeuné debout dans la cuisine, fait une centaine de kilomètres, affronté une demi-heure de bouchons, je ne sais plus où j'ai rangé ma voiture parmi des centaines sur un site gigantesque, tout cela pour me faire traiter d'hitlérienne : c'est vachement agréable !). Romantisme allemand : retour au paradis perdu, à la wilderness, à la pureté raciale, l'animal devient sujet de droit (???), avec une prédilection pour les animaux sauvages. Voilà les écologistes allemands habillés chaudement pour l'automne. Évidemment, il va citer trois fois le nom de Brigitte Bardot, qualifiée d'écologiste d'extrême-droite, aimant mieux les animaux que les humains, "ce qui est incontestable". Je suis d'accord, Bardot ferait mieux de se taire, elle dit des énormités, des faussetés, mais on pourrait aussi bien citer Jane Goodall qui aime et défend les animaux (sauvages pour le coup, ce sont des chimpanzés) et construit des écoles pour les garçons ET filles dans les régions où elle défend les singes ! Mais Jane Goodall est anglo-saxonne (beurk !),ce qui m'amène en trois à :
La tradition anglaise : L'utilitarisme de Bentham ou conséquentialisme. En un mot, une action est bonne, elle augmente le bonheur, une action est mauvaise, elle augmente le malheur. Cette doctrine (le pragmatisme britannique) devient une doctrine du droit des animaux (il cite le nom de Peter Singer), un modèle de la libération animale copié sur le modèle de la libération de noirs et des femmes. On procède par inclusion progressive de sujets de droit : noirs, femmes, animaux.
Il conclut en disant que bien qu'on reproche sans arrêt aux amis des animaux leur anthropomorphisme, il s'agit en fait au contraire selon lui de zoomorphisme : "les humains sont des animaux comme les autres", vision biologisante de l'humain. Selon Luc Ferry, le monde anglo-saxon règne sur le monde en général, la question du bien-être animal est une victoire de l'hégémonie américaine ; le lobby des amis des animaux communique très bien, le monde paysan lui, communique très mal -c'est normal précise-t-il, il a autre chose à faire que passer à la télévision (d'ailleurs il les félicite pour cela). Les pro-animaux obtiennent des victoires qui vont d'ailleurs dans le "bon sens", qu'on en juge, L'Oréal invente une peau synthétique pour faire ses expérimentations, pas pour épargner des vies animales -ce qui serait un bien- MAIS sous la pression du "lobby pro-animaux", ce qui est mal selon Luc Ferry ! De la même manière pour illustrer les exagérations des pro-animaux dans le "monde anglo-saxon" il cite "l'exemple extrême" des hôpitaux canadiens qui ont un comité d'éthique sur les animaux de laboratoire. Là j'avoue avoir du mal à suivre : mon pragmatisme s'oppose aux procès comme ceux-ci.
Luc Ferry reconnaît que le sadisme règne dans les cuisines : "le lapin demande à être dépecé vivant" disait un livre de cuisine de sa mère ! Tout comme les chinois qui mangent du chien le dépècent vivant, ça donne meilleur goût ! Luc Ferry qui "a eu trois chats" n'a "aucun respect pour les animaux", mais il ne veut pas qu'on leur fasse de mal. J'apprécie vraiment tout de même qu'il emploie durant toute sa conférence le mot humain pour désigner l'espèce humaine. Ce que ne fera pas la chercheuse ingénieure de l'INRA* qui lui succède : "bien sûr que l'homme est un animal" dit-elle, confirmant la vision biologisante que reproche Luc Ferry à l'époque !
Elle rappelle la loi : l'article L 214 du code rural français et le Traité d'Amsterdam de 1999 qui reconnaît "l'être sensible" qu'est l'animal, l'instauration par le Conseil de l'Europe d'une commission de protection animale qui dépend de la DG SANCO (Direction Générale de la Santé et des Consommateurs) qui protège le consommateur via l'EFSA -agence européenne de sécurité alimentaire-. C'est bien la sécurité alimentaire qui préside à tout cela. Jean-Pierre Kieffer de l'OABA qui intervient dans les abattoirs et tente d'humaniser l'abattage des animaux délevage, rappelle que chaque animal de rapport a sa directive, celle de la poule pondeuse datant de 1999. Même le CIV s'enorgueillit d'avoir un comité d'éthique !
Outre le fait qu'on peut reprocher à Luc Ferry son aversion pour le monde anglo-saxon : la "pensée anglo-saxonne" ne règne pas en France, pas plus que la langue anglaise ne menace la langue française, et l'hégémonisme culturel américain sévit plus sûrement au Mexique qu'en France où nous résistons bien, mais de tous temps, à chaque fois qu'on a voulu arracher de haute lutte et après des dizaines d'années de bataille, des droits pour les noirs, les femmes, les enfants et maintenant les animaux, on a obtenu le même argument : ce faisant on spolierait le dominant ! Tout se passe comme si donner aux uns/unes, ce serait retirer aux dominants ! Pas plus qu'en donnant le droit de vote aux noirs et aux femmes, on n'a privé les hommes blancs de ce même droit de vote, pas plus en donnant la libre disposition de leur corps aux femmes on n'a privé les hommes de la libre disposition du leur, il n'est pas plus question de priver les humains -sujets de droit- de la soi-disant "spécificité" humaine. Il s'agit de traiter de façon humaine des milliards d'animaux qui n'ont pas la parole, pas de bulletin de vote, qui ne nous ont rien demandé (animaux domestiques comme animaux sauvages sur lesquels nous nous sommes arrogés le droit de vie et de mort) et dont nous exploitons le travail et les facultés d'adaptation depuis toujours, et de façon devenue implacablement industrielle depuis les 60 dernières années dans des fermes-usines, des abattoirs et des laboratoires pharmaceutiques et de cosmétologie ; si des lois forcément imparfaites et souvent inappliquées (plaintes non instruites, dossiers classés sans suite la plupart du temps...) qui criminalisent les comportements maltraitants et violents peuvent tenir à distance les malfaisants et les criminels contre les femmes, les enfants et les animaux, on obtient tout de même me semble-t-il une société moins violente, plus apaisée et plus humaine. Tout le monde, y compris les dominants réactionnaires, y gagne ! Mais en disant cela, je démontre que je suis contaminée par l'utilitarisme anglo-saxon. DAMNED !
* PAC : Politique Agricole Commune ; FNSEA : Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles ; CNIEL : Centre National Interprofessionnel de l'Economie Laitière ; INRA : Institut National de Recherche Agronomique ; CIV : Centre d'Information des Viandes ; OABA : Oeuvre d'Assistance aux Bêtes d'Abattoir.
(Suite de l'article sur la consommation de viande ci-dessous)
Ces deux images, dont une version du cri d'Edvard Munch figuraient dans le Powerpoint de l'ingénieure de l'INRA.
(Suite de l'article sur la consommation de viande ci-dessous)
Ces deux images, dont une version du cri d'Edvard Munch figuraient dans le Powerpoint de l'ingénieure de l'INRA.
SPACE 2010 : l'évolution de la consommation de viande en France
Conférence donnée par France Agrimer.
La france consomme 88 Kg de viande par an et par habitant ; elle se situe au 8ème rang en Europe dont les plus gros consommateurs sont Malte 135 kg (!), l'Espagne 104 kg et le Portugal 100 Kg par an et par habitant. La consommation de viande de boeuf (boeuf et veau) se maintient en France : 25 kg par an et par habitant contre 15 kg pour la moyenne européenne.
Elle connaît un tassement partout ailleurs au profit de la viande de volaille et de porc. Effet crise et retour du "fait à la maison", la consommation de chair à saucisse, de lardons et de jambon progresse notablement, la crème fraîche aussi selon les études de France Agrimer. Le veau, viande chère reste une viande festive, consommée le dimanche, jour où les gens ont le temps de s'adonner à la cuisine.
La viande de bovin est en baisse (tendance lourde), le porc et la charcuterie, comme les volailles sont en constante augmentation tandis que la viande de cheval (300 g/ an et par habitant) et de lapin sont en net déclin partout. Un cinquième de la consommation de viande se fait hors-foyer (cantines, restaurants d'entreprises, hôpitaux, maisons de retraite, restaurants divers...). Par rapport au revenu des ménages, le budget consacré à la nourriture en France est en baisse constante : de
21 % en 1970, il est passé à 13 % en 2006 et la tendance est lourde là aussi.
La moyenne de consommation de viande dans le monde est de 40 Kg par an et par habitant. Les américains consomment eux 125 kg (chiffre 2002) de viande par an et par habitant. Les suédois en consomment deux fois moins -mais il doivent manger plus de poisson !
La consommation de viande des Chinois, avec la croissance économique qu'ils connaissent est passée de 20 à 52 kg par an et par habitant (en ville, les ruraux sont plus pauvres). L'Inde qui est un pays en croissance comme la Chine consomme 3,7 kg par an et par habitant en 2003 ! Cela ne s'explique pas par la pauvreté, l'Inde est un pays de végétariens : dans l'hindouisme tous les animaux sont sacrés et les vaches sont au sommet de la hiérarchie (ce qui ne veut absolument pas dire que les vaches n'y sont pas maltraitées). La filière ne parle jamais de l'Inde : c'est une espèce de trou noir. La filière mentionne toutefois les végétariens en général en précisant que "la France n'est pas un pays de végétariens au contraire des anglo-saxons" ! Paul Mc Cartney (cité plusieurs fois) bouche littéralement la vue : de l'Inde il ne sera rien dit.
France Agrimer constate également une stagnation voire une régression de la consommation de légumes.
Plus de détails pour les intéressés ICI chiffres AGRIMER
La france consomme 88 Kg de viande par an et par habitant ; elle se situe au 8ème rang en Europe dont les plus gros consommateurs sont Malte 135 kg (!), l'Espagne 104 kg et le Portugal 100 Kg par an et par habitant. La consommation de viande de boeuf (boeuf et veau) se maintient en France : 25 kg par an et par habitant contre 15 kg pour la moyenne européenne.
Elle connaît un tassement partout ailleurs au profit de la viande de volaille et de porc. Effet crise et retour du "fait à la maison", la consommation de chair à saucisse, de lardons et de jambon progresse notablement, la crème fraîche aussi selon les études de France Agrimer. Le veau, viande chère reste une viande festive, consommée le dimanche, jour où les gens ont le temps de s'adonner à la cuisine.
La viande de bovin est en baisse (tendance lourde), le porc et la charcuterie, comme les volailles sont en constante augmentation tandis que la viande de cheval (300 g/ an et par habitant) et de lapin sont en net déclin partout. Un cinquième de la consommation de viande se fait hors-foyer (cantines, restaurants d'entreprises, hôpitaux, maisons de retraite, restaurants divers...). Par rapport au revenu des ménages, le budget consacré à la nourriture en France est en baisse constante : de
21 % en 1970, il est passé à 13 % en 2006 et la tendance est lourde là aussi.
La moyenne de consommation de viande dans le monde est de 40 Kg par an et par habitant. Les américains consomment eux 125 kg (chiffre 2002) de viande par an et par habitant. Les suédois en consomment deux fois moins -mais il doivent manger plus de poisson !
La consommation de viande des Chinois, avec la croissance économique qu'ils connaissent est passée de 20 à 52 kg par an et par habitant (en ville, les ruraux sont plus pauvres). L'Inde qui est un pays en croissance comme la Chine consomme 3,7 kg par an et par habitant en 2003 ! Cela ne s'explique pas par la pauvreté, l'Inde est un pays de végétariens : dans l'hindouisme tous les animaux sont sacrés et les vaches sont au sommet de la hiérarchie (ce qui ne veut absolument pas dire que les vaches n'y sont pas maltraitées). La filière ne parle jamais de l'Inde : c'est une espèce de trou noir. La filière mentionne toutefois les végétariens en général en précisant que "la France n'est pas un pays de végétariens au contraire des anglo-saxons" ! Paul Mc Cartney (cité plusieurs fois) bouche littéralement la vue : de l'Inde il ne sera rien dit.
France Agrimer constate également une stagnation voire une régression de la consommation de légumes.
Plus de détails pour les intéressés ICI chiffres AGRIMER
samedi 18 septembre 2010
Les quatre sorcières
Actualisation 23/9/10 : Le blog des Économistes atterrés propose une alternative à la finance régissant le monde. On peut déplorer comme moi qu'il n'y ait pas une femme à l'horizon chez eux non plus :-(((( !
Entendu hier soir au détour d'un coup de zapette sur LCI : "Aujourd'hui c'est le jour des Quatre sorcières !" Qu'est-ce que c'est ?
Les quatre sorcières (quadruple witching day en anglais) est un phénomène boursier craint les 3èmes vendredis de mars, juin, septembre et décembre à 16 Heures. Les investisseurs débouclent ces jours-là leurs positions sur les marchés à terme (futures en anglais) : le contrat à terme comme son nom l'indique est un contrat de vente ferme qui doit intervenir à la date (terme) et au prix convenus, c'est le "débouclage". On attend donc des volumes de transactions importants (4 à 5 milliards d'euros échangés en une journée selon le Figaro !).
Comme les traders débouclent (ou choisissent de reporter) leurs transactions au tout dernier moment, il s'ensuit une très grande volatilité du marché et une totale imprévisibilité. Haussier, baissier ? Plutôt baissier en général, vu le volume de transactions, c'est logique que ça baisse
Irrationalité, imprévisibilité, danger, ça ne vous rappelle pas quelqu'une dans la mythologie masculine ? Mais la méchante sorcière, voyons ! Et bien entendu, dans ces milieux tellement rationnels et masculins que sont les bureaux de trading, le vendredi est un jour noir : jour de la mort du Christ après un dîner où, malheur de malheur, ils étaient treize à table, (treize mecs, mais ça n'est pas versé au dossier !), bref, le vendredi est un jour funeste ! Rationnels, on vous dit. L'irrationnalité des marchés ces jours-là est due précisément à la compétition qu'ils se livrent : c'est le premier qui perd ses nerfs et se déclare vendeur qui plonge.
Quand on pense qu'ils sortent de X Palaiseau où on leur a enseigné les maths financières et les statistiques, disciplines réputées rationnelles où les hommes excelleraient et où les femmes n'y entendraient rien, ces marques gratuites de misogynie les disqualifient ! Ils nous ont précipités, ces parasites irrationnels, dans la tourmente financière puis la récession depuis deux ans, ils se sont refait une santé sur la bête et grâce aux puissances publiques et leurs contribuables, les seules capables de boucher les trous abyssaux engendrés par leurs activités, avec pour résultat le triplement des déficits des états, et tout continue comme avant sans que personne bouge, et surtout sans qu'on exige une quelconque parité dans ces endroits où se joue le devenir de la planète et de ses habitant-e-s.
Et je vais boycotter les journées du patrimoine et ses granzomes : les granzomes, les vieilles barbes et leurs endroits poussiéreux m'embêtent. Je réviserai éventuellement ma position le jour où on les appellera Journées du Matrimoine. Les occasions d'éternuer et d'attraper une poussière dans l'œil sont innombrables, inutile donc d'en rajouter !
mardi 14 septembre 2010
Agriculture Urbaine : des balcons aux terrains vagues, une tendance lourde
Cela ressemble à un oxymore. Pourtant devant les effets sévères de la récession, des citadins se mettent à faire pousser leurs légumes dans leur jardin, dans leurs arrières cours et même sur des friches urbaines et des terrains vagues.
Le mot ne s'y prête pas : jardin, garden (en anglais), gardenia, le mot vient de gardé, enclos : pas touche à mes épinards, autrement dit !
Un Arte reportage du 11 septembre démontre le contraire. DETROIT, la ville qui a inventé le travail en miettes, la Mecque de l'automobile jusqu'à la faillite de GM (General Motors) et de Chrysler, la capitale de l'automobile triomphante : GM, Ford, Chrysler, 2 millions d'habitants réduits à 700 000, avec 100 km carrés de friches industrielles, urbaines, commerciales, Détroit devenue capitale de la "rust belt", la ceinture rouillée américaine, se lance dans la production agricole sur ses terrains vagues.
Les populations restantes (15 000 habitants quittent la ville chaque année), prolétaires au chômage (30 % de chômage officiel) ou retraités pauvres de l'industrie automobile en faillite, squatters, presque tous issus de la communauté afro-américaine, vivent en autarcie dans un "food desert" (désert alimentaire) : ils n'ont plus que les épiceries de quartiers ou les stations services pour faire leurs courses alimentaires, et on n'y vend aucun produits frais, légumes ou fruits. Ceci dit, il n'y a pas que Détroit qui est touché : dans des villes comme Chicago, Los Angeles, Birmingham, on trouve des déserts alimentaires, où les seuls produits "frais" qu'on trouve sont soit fanés, soit à date de fraîcheur expirée !
Revenons à Détroit : le revenu moyen par habitant y est 10 000 dollars par an ! Certains vivent au milieu de maisons délabrées et inhabitées, d'écoles vides, de terrains vagues, anciens emplacements d'hypermarchés, à tel point que les animaux sauvages (renards, ratons-laveurs, daims...) réinvestissent la ville. Voici un quartier de Détroit la nuit : ça surprend dans le continent le plus éclairé qu'on voit des stations orbitales ! Les deux habitants de la tour à droite doivent se sentir bien seuls.
Des habitants ont commencé par faire pousser des fleurs puis des légumes sur leur bout de pelouse, puis sur le passage que la municipalité n'arrive plus à entretenir derrière la maison, ensuite d'autres, nécessité faisant loi, se sont carrément mis à squatter les terrains vagues dont la municipalité est propriétaire, et en ont fait des jardins potagers. Ils investissent les terrains et y font de la culture en bacs à cause d'une éventuelle pollution des sols ; en effet, selon une habitude historique, les industriels s'implantent, polluent les sols, l'atmosphère et les cours d'eau et... délocalisent en laissant leurs saletés derrière eux sans un regard pour ceux qui restent ! Personne ne les oblige à dépolluer. C'est d'autant plus vrai en cas de faillite.
Les projets consistent à produire en bio intensif (petites surfaces, bacs...) pour subvenir à leurs besoins, des légumes frais, des animaux (poules), des conserves et du miel. Il s'agit bien d'une agriculture de subsistance comme on en trouve dans le tiers-monde. Ils compostent, cultivent selon les saisons, éduquent les enfants des écoles qui reviennent ainsi à la compréhension de la terre et de la nature, et militent pour la cause noire et pour que les gens reprennent le contrôle de leur propre vie. Et cela marche tellement bien, qu'ils fournissent désormais 15 % des légumes de la ville, inclus les restaurants, et qu'ils travaillent à l'instauration d'un label "Cultivé à Détroit" !
Tant et si bien que des capitalistes opportunistes veulent se lancer dans ce type d'investissement en lorgnant sur les 100 km2 inoccupés
de Détroit : produire une agriculture intensive à super rendements, avec des machines, des pesticides et des herbicides, tout en bénéficiant de terres peu chères et surtout d'une main-d'oeuvre à bas coût, quasiment de tiers-monde, en "bénéficiant" du taux de chômage élevé.
Dans le monde, 700 millions de gens vivent de l'agriculture urbaine ou périurbaine -définitions-, selon la FAO : petites parcelles, toits de maisons, microjardins. Cela permet aux pauvres dont la majorité sont des femmes, il faut le répéter, d'accéder à l'autosuffisance alimentaire, voire de se faire 2 ou 3 dollars par jour en revendant leurs surplus. En Europe, elle se fait sur des fermes maraîchères aux alentours de villes, fermes qu'il est très important de maintenir et conserver. En attendant, vous pouvez toujours semer des cosmos, des bleuets ou des coquelicots sur la friche ou le terrain inoccupé, même tout petit, en face ou à côté de chez vous : cela fera revenir les pollinisateurs. Pour les plus hardies, trois plans de tomate, des fraises, ou des haricots à rame égaieront le paysage ! Et si aucun gros engin ne vient tout fiche en l'air un petit matin sans prévenir (c'est le jeu !), vous aurez le plaisir de cueillir vos légumes et de les déguster avec vos voisins !
J'ai remarqué cet été en me promenant chez moi en ville des cueilleurs de cerises (il y a plein de cerisiers partout), un cueilleur de mûres dans un magnifique roncier au bord de la rivière, un cueilleur de noisettes, et avec ma voisine, nous avons ramassé sous un prunier "communal" au bout d'une allée sans pollution automobile, de quoi faire 4 pots et demi de confiture qui ont bien agrémenté mes tartines du petit déjeuner. Je surveille en ce moment le noyer voisin du prunier, dont la récolte de noix paraît prometteuse.
Crédit photo : PhotoBucket pour les photos de Détroit, Vandalia Gardens et Saveurs de saison.
Le mot ne s'y prête pas : jardin, garden (en anglais), gardenia, le mot vient de gardé, enclos : pas touche à mes épinards, autrement dit !
Un Arte reportage du 11 septembre démontre le contraire. DETROIT, la ville qui a inventé le travail en miettes, la Mecque de l'automobile jusqu'à la faillite de GM (General Motors) et de Chrysler, la capitale de l'automobile triomphante : GM, Ford, Chrysler, 2 millions d'habitants réduits à 700 000, avec 100 km carrés de friches industrielles, urbaines, commerciales, Détroit devenue capitale de la "rust belt", la ceinture rouillée américaine, se lance dans la production agricole sur ses terrains vagues.
Les populations restantes (15 000 habitants quittent la ville chaque année), prolétaires au chômage (30 % de chômage officiel) ou retraités pauvres de l'industrie automobile en faillite, squatters, presque tous issus de la communauté afro-américaine, vivent en autarcie dans un "food desert" (désert alimentaire) : ils n'ont plus que les épiceries de quartiers ou les stations services pour faire leurs courses alimentaires, et on n'y vend aucun produits frais, légumes ou fruits. Ceci dit, il n'y a pas que Détroit qui est touché : dans des villes comme Chicago, Los Angeles, Birmingham, on trouve des déserts alimentaires, où les seuls produits "frais" qu'on trouve sont soit fanés, soit à date de fraîcheur expirée !
Revenons à Détroit : le revenu moyen par habitant y est 10 000 dollars par an ! Certains vivent au milieu de maisons délabrées et inhabitées, d'écoles vides, de terrains vagues, anciens emplacements d'hypermarchés, à tel point que les animaux sauvages (renards, ratons-laveurs, daims...) réinvestissent la ville. Voici un quartier de Détroit la nuit : ça surprend dans le continent le plus éclairé qu'on voit des stations orbitales ! Les deux habitants de la tour à droite doivent se sentir bien seuls.
Des habitants ont commencé par faire pousser des fleurs puis des légumes sur leur bout de pelouse, puis sur le passage que la municipalité n'arrive plus à entretenir derrière la maison, ensuite d'autres, nécessité faisant loi, se sont carrément mis à squatter les terrains vagues dont la municipalité est propriétaire, et en ont fait des jardins potagers. Ils investissent les terrains et y font de la culture en bacs à cause d'une éventuelle pollution des sols ; en effet, selon une habitude historique, les industriels s'implantent, polluent les sols, l'atmosphère et les cours d'eau et... délocalisent en laissant leurs saletés derrière eux sans un regard pour ceux qui restent ! Personne ne les oblige à dépolluer. C'est d'autant plus vrai en cas de faillite.
Les projets consistent à produire en bio intensif (petites surfaces, bacs...) pour subvenir à leurs besoins, des légumes frais, des animaux (poules), des conserves et du miel. Il s'agit bien d'une agriculture de subsistance comme on en trouve dans le tiers-monde. Ils compostent, cultivent selon les saisons, éduquent les enfants des écoles qui reviennent ainsi à la compréhension de la terre et de la nature, et militent pour la cause noire et pour que les gens reprennent le contrôle de leur propre vie. Et cela marche tellement bien, qu'ils fournissent désormais 15 % des légumes de la ville, inclus les restaurants, et qu'ils travaillent à l'instauration d'un label "Cultivé à Détroit" !
Tant et si bien que des capitalistes opportunistes veulent se lancer dans ce type d'investissement en lorgnant sur les 100 km2 inoccupés
de Détroit : produire une agriculture intensive à super rendements, avec des machines, des pesticides et des herbicides, tout en bénéficiant de terres peu chères et surtout d'une main-d'oeuvre à bas coût, quasiment de tiers-monde, en "bénéficiant" du taux de chômage élevé.
Dans le monde, 700 millions de gens vivent de l'agriculture urbaine ou périurbaine -définitions-, selon la FAO : petites parcelles, toits de maisons, microjardins. Cela permet aux pauvres dont la majorité sont des femmes, il faut le répéter, d'accéder à l'autosuffisance alimentaire, voire de se faire 2 ou 3 dollars par jour en revendant leurs surplus. En Europe, elle se fait sur des fermes maraîchères aux alentours de villes, fermes qu'il est très important de maintenir et conserver. En attendant, vous pouvez toujours semer des cosmos, des bleuets ou des coquelicots sur la friche ou le terrain inoccupé, même tout petit, en face ou à côté de chez vous : cela fera revenir les pollinisateurs. Pour les plus hardies, trois plans de tomate, des fraises, ou des haricots à rame égaieront le paysage ! Et si aucun gros engin ne vient tout fiche en l'air un petit matin sans prévenir (c'est le jeu !), vous aurez le plaisir de cueillir vos légumes et de les déguster avec vos voisins !
J'ai remarqué cet été en me promenant chez moi en ville des cueilleurs de cerises (il y a plein de cerisiers partout), un cueilleur de mûres dans un magnifique roncier au bord de la rivière, un cueilleur de noisettes, et avec ma voisine, nous avons ramassé sous un prunier "communal" au bout d'une allée sans pollution automobile, de quoi faire 4 pots et demi de confiture qui ont bien agrémenté mes tartines du petit déjeuner. Je surveille en ce moment le noyer voisin du prunier, dont la récolte de noix paraît prometteuse.
Crédit photo : PhotoBucket pour les photos de Détroit, Vandalia Gardens et Saveurs de saison.
jeudi 9 septembre 2010
Monique Wittig : Guérillère
Pour ceux et celles qui ne trouvent pas matière à redire quand on nomme "homme" l'espèce entière ; quand féminiser un mot ou une fonction sont impossibles (voir le billet d'Euterpe ici) sauf pour minorer, trivialiser, péjorer ou insulter ; puisque la langue de plomb qu'on nous impose nous écorche la bouche à quelques-unes, voici trois extraits des Guérillères de Monique Wittig (Editions de Minuit 1969) :
"Elles disent, malheureuse, ils t'ont chassée du monde des signes, et cependant ils t'ont donné des noms, ils t'ont appelée esclave. Comme des maîtres ils ont exercé leur droit de maître. Ils écrivent de ce droit de donner des noms qu'il va si loin que l'on peut considérer l'origine du langage comme un acte d'autorité émanant de ceux qui dominent. Ainsi ils disent qu'ils ont dit, ceci est telle ou telle chose, ils ont attaché à un objet et à un fait tel vocable et par là ils se le sont pour ainsi dire appropriés. Elles disent ce faisant, ils ont gueulé hurlé de toutes leurs forces pour te réduire au silence. Elles disent, le langage que tu parles t'empoisonne la glotte la langue le palais les lèvres. Elles disent le langage que tu parles est fait de mots qui te tuent. Elles disent, le langage que tu parles est fait de signes qui à proprement parler désignent ce qu'ils se sont approprié. Ce sur quoi ils n'ont pas mis la main, ce sur quoi ils n'ont pas fondu comme des rapaces aux yeux multiples, cela n'apparaît pas dans le langage que tu parles. Cela se manifeste juste dans l'intervalle que les maîtres n'ont pas pu combler avec leurs mots de propriétaires et de possesseurs, cela peut se chercher dans la lacune, dans tout ce qui n'est pas la continuité de leur discours, dans le zéro, le O, le cercle parfait que tu inventes pour les emprisonner et pour les vaincre."
Page 164
"Il faut, disent-elles, faire abstraction de tous les récits concernant celles qui parmi elles ont été vendues battues prises séduites enlevées violées et échangées comme marchandises viles et précieuses. Elles disent qu'il faut faire abstraction des discours qu'on leur a fait tenir contre leur pensée et qui ont obéi aux codes et aux conventions des cultures qui les ont domestiquées. Elles disent qu'il faut brûler tous les livres et ne garder de chacun d'eux que ce qui peut les présenter à leur avantage dans un âge futur. Elles disent qu'il n'y a pas de réalité avant que les mots les règles les règlements lui aient donné forme. Elles disent qu'en ce qui les concerne tout est fait à partir d'éléments embryonnaires. Elles disent qu'en premier lieu le vocabulaire de toutes les langues est à examiner, à modifier, à bouleverser de fond en comble, que chaque mot doit être passé au crible".
Page 192
Ce texte écrit sur le mode épique "cite" des auteurs comme Homère, Clausewitz, Confucius, Mao Tsé Toung, Nietzsche... et le livre par excellence, la Bible... mais ici au contraire des précédents, ce sont les femmes qui parlent et décrivent le monde. J'ai bien sûr respecté la ponctuation de Monique Wittig. Seuls les caractères en gras sont de mon fait.
Ce magnifique texte de 207 pages est évidemment disponible dans les librairies et les bonnes bibliothèques. J'espère que ces trois paragraphes vous donneront envie de le lire, si ce n'est déjà fait.
"Elles disent, ils t'ont tenue à distance, ils t'ont maintenue, ils t'ont érigée, constituée dans une différence essentielle. Elles disent, ils t'ont telle quelle, adorée à l'égal d'une déesse, ou bien brûlée sur leurs bûchers, ou bien ils t'ont reléguée à leur service dans leurs arrière-cours. Elles disent, ce faisant, ils t'ont toujours dans leurs discours traînée dans la boue. Elles disent, ils t'ont dans leurs discours possédée violée prise soumise humiliée tout leur saoul. Elles disent que, chose étrange, ce qu'ils ont dans leurs discours érigé comme une différence essentielle, ce sont des variantes biologiques. Elles disent, ils t'ont décrite comme ils ont décrit les races qu'ils ont appelées inférieures. Elles disent, oui ce sont les mêmes oppresseurs dominateurs, les mêmes maîtres qui ont dit que les nègres et les femelles n'ont pas le coeur la rate le foie à la même place qu'eux, que la différence de sexe, la différence de couleur signifient l'infériorité, droit pour eux à la domination et à l'appropriation. Elles disent, oui, ce sont les mêmes oppresseurs dominateurs qui ont écrit des nègres et des femelles qu'ils sont universellement fourbes hypocrites rusés menteurs superficiels gourmands pusillanimes, que leur pensée est intuitive et sans logique, que chez eux la nature est ce qui parle le plus fort et caetera..."
Page 146"Elles disent, malheureuse, ils t'ont chassée du monde des signes, et cependant ils t'ont donné des noms, ils t'ont appelée esclave. Comme des maîtres ils ont exercé leur droit de maître. Ils écrivent de ce droit de donner des noms qu'il va si loin que l'on peut considérer l'origine du langage comme un acte d'autorité émanant de ceux qui dominent. Ainsi ils disent qu'ils ont dit, ceci est telle ou telle chose, ils ont attaché à un objet et à un fait tel vocable et par là ils se le sont pour ainsi dire appropriés. Elles disent ce faisant, ils ont gueulé hurlé de toutes leurs forces pour te réduire au silence. Elles disent, le langage que tu parles t'empoisonne la glotte la langue le palais les lèvres. Elles disent le langage que tu parles est fait de mots qui te tuent. Elles disent, le langage que tu parles est fait de signes qui à proprement parler désignent ce qu'ils se sont approprié. Ce sur quoi ils n'ont pas mis la main, ce sur quoi ils n'ont pas fondu comme des rapaces aux yeux multiples, cela n'apparaît pas dans le langage que tu parles. Cela se manifeste juste dans l'intervalle que les maîtres n'ont pas pu combler avec leurs mots de propriétaires et de possesseurs, cela peut se chercher dans la lacune, dans tout ce qui n'est pas la continuité de leur discours, dans le zéro, le O, le cercle parfait que tu inventes pour les emprisonner et pour les vaincre."
Page 164
"Il faut, disent-elles, faire abstraction de tous les récits concernant celles qui parmi elles ont été vendues battues prises séduites enlevées violées et échangées comme marchandises viles et précieuses. Elles disent qu'il faut faire abstraction des discours qu'on leur a fait tenir contre leur pensée et qui ont obéi aux codes et aux conventions des cultures qui les ont domestiquées. Elles disent qu'il faut brûler tous les livres et ne garder de chacun d'eux que ce qui peut les présenter à leur avantage dans un âge futur. Elles disent qu'il n'y a pas de réalité avant que les mots les règles les règlements lui aient donné forme. Elles disent qu'en ce qui les concerne tout est fait à partir d'éléments embryonnaires. Elles disent qu'en premier lieu le vocabulaire de toutes les langues est à examiner, à modifier, à bouleverser de fond en comble, que chaque mot doit être passé au crible".
Page 192
Ce texte écrit sur le mode épique "cite" des auteurs comme Homère, Clausewitz, Confucius, Mao Tsé Toung, Nietzsche... et le livre par excellence, la Bible... mais ici au contraire des précédents, ce sont les femmes qui parlent et décrivent le monde. J'ai bien sûr respecté la ponctuation de Monique Wittig. Seuls les caractères en gras sont de mon fait.
Ce magnifique texte de 207 pages est évidemment disponible dans les librairies et les bonnes bibliothèques. J'espère que ces trois paragraphes vous donneront envie de le lire, si ce n'est déjà fait.
samedi 4 septembre 2010
Cinq sujets dans l'actualité brûlante...
Les retraites des femmes : rappel de quelques chiffres.
Avec 20 % de différentiel de salaire en moins au détriment des femmes (à qualification et responsabilité égales, diplômes supérieurs) par rapport aux hommes, avec 90 % des mi-temps et temps partiels non choisis occupés par les femmes, avec des carrières en morceau pour cause d'arrêt pour raisons familiales et à trous pour cause de plus grande précarité, les femmes touchent des pensions en moyenne 48 % INFERIEURES à celles des hommes. Les femmes sont sur-représentées chez les récipiendaires du minimum vieillesse. La réforme des retraites prévue par l'actuel gouvernement, malgré quelques aménagements cosmétiques, va aggraver la situation en allongeant notamment leur durée de cotisation.
Le laboratoire de l'Egalité propose une pétition à signer ICI
(Source : Les nouvelles News)
La cité du mâle déprogrammée sur ARTE : raisons du revirement d'Arte sur le site de Télérama. Espérons que la chaîne nous permettra de voir ce film (à condition bien sûr que les témoins soient floutés et protégés), et qu'il ne passe pas définitivement à la trappe !
On peut en voir des extraits sur le site Rue 89.
Les débats sont ouverts sur les blogs : Mademoiselle ICI et Le merle moqueur LA. Ce qui est insupportable et indéfendable juste après le sujet des violences aux femmes, c'est le relativisme culturel.
4 000 milliards de dollars de transactions financières s'effectuent par JOUR en volume dans le monde selon le Figaro ; en comparaison, le PIB de la France (total des richesses produites) est d'environ 2 600 milliards de dollars par AN. Et les pauvres du tiers-monde majoritaires sur la planète vivent avec moins de 2 euros par jour. C'est obscène. Depuis le krach financier d'il y a deux ans, le trading financier reprend de plus belle et les traders retrouvent leur joie de vivre et leurs bonus. Leurs activités criminelles n'ont aucune utilité sociale à part remplir les fouilles d'un petit nombre d'acteurs du trading bancaire et des marchés à terme. Depuis la crise des liquidités de 2008 qui nous a tous précipités dans la récession et après que les gouvernements et leurs contribuables aient soutenu les financiers, personne n'a rien appris et rien retenu !
Les traders du Chicago Board of Trade ou, depuis 2007, date de son rachat, le Chicago Mercantile Exchange (bourse des matières premières), spéculent à tout va à la hausse des céréales depuis que Poutine a annoncé un moratoire de 6 mois sur ses exportations de blés et de céréales à la suite des incendies de cet été qui ont détruit des récoltes. Leurs traders se font des couilles en platine avec notre nourriture. Je pense bien fort au milliard d'habitant-e-s de la planète (dont 7 femmes et filles sur 10) n'atteignent pas la ration alimentaire quotidienne et donc souffrent de la faim.
Copinage : Le samedi 11 septembre prochain à 14 H devant la gare de Nîmes RV à tous les opposants à la corrida, cette extension du domaine de la barbarie. Si vous détestez le lycra moulant rose à poutre apparente et ne supportez pas les souffrances infligées aux animaux, et que vous ayez l'occasion d'un covoiturage ou soyez dans la région, vous êtes cordialement invité-e-s ; code couleur : noir, blanc et rouge avec de préférence un tee-shirt noir sans inscription ou alors anticorrida. Plus d'info sur le site de l'Alliance Anticorrida. La marche est internationale et inter-associative.
Avec 20 % de différentiel de salaire en moins au détriment des femmes (à qualification et responsabilité égales, diplômes supérieurs) par rapport aux hommes, avec 90 % des mi-temps et temps partiels non choisis occupés par les femmes, avec des carrières en morceau pour cause d'arrêt pour raisons familiales et à trous pour cause de plus grande précarité, les femmes touchent des pensions en moyenne 48 % INFERIEURES à celles des hommes. Les femmes sont sur-représentées chez les récipiendaires du minimum vieillesse. La réforme des retraites prévue par l'actuel gouvernement, malgré quelques aménagements cosmétiques, va aggraver la situation en allongeant notamment leur durée de cotisation.
Le laboratoire de l'Egalité propose une pétition à signer ICI
(Source : Les nouvelles News)
La cité du mâle déprogrammée sur ARTE : raisons du revirement d'Arte sur le site de Télérama. Espérons que la chaîne nous permettra de voir ce film (à condition bien sûr que les témoins soient floutés et protégés), et qu'il ne passe pas définitivement à la trappe !
On peut en voir des extraits sur le site Rue 89.
Les débats sont ouverts sur les blogs : Mademoiselle ICI et Le merle moqueur LA. Ce qui est insupportable et indéfendable juste après le sujet des violences aux femmes, c'est le relativisme culturel.
4 000 milliards de dollars de transactions financières s'effectuent par JOUR en volume dans le monde selon le Figaro ; en comparaison, le PIB de la France (total des richesses produites) est d'environ 2 600 milliards de dollars par AN. Et les pauvres du tiers-monde majoritaires sur la planète vivent avec moins de 2 euros par jour. C'est obscène. Depuis le krach financier d'il y a deux ans, le trading financier reprend de plus belle et les traders retrouvent leur joie de vivre et leurs bonus. Leurs activités criminelles n'ont aucune utilité sociale à part remplir les fouilles d'un petit nombre d'acteurs du trading bancaire et des marchés à terme. Depuis la crise des liquidités de 2008 qui nous a tous précipités dans la récession et après que les gouvernements et leurs contribuables aient soutenu les financiers, personne n'a rien appris et rien retenu !
Les traders du Chicago Board of Trade ou, depuis 2007, date de son rachat, le Chicago Mercantile Exchange (bourse des matières premières), spéculent à tout va à la hausse des céréales depuis que Poutine a annoncé un moratoire de 6 mois sur ses exportations de blés et de céréales à la suite des incendies de cet été qui ont détruit des récoltes. Leurs traders se font des couilles en platine avec notre nourriture. Je pense bien fort au milliard d'habitant-e-s de la planète (dont 7 femmes et filles sur 10) n'atteignent pas la ration alimentaire quotidienne et donc souffrent de la faim.
Copinage : Le samedi 11 septembre prochain à 14 H devant la gare de Nîmes RV à tous les opposants à la corrida, cette extension du domaine de la barbarie. Si vous détestez le lycra moulant rose à poutre apparente et ne supportez pas les souffrances infligées aux animaux, et que vous ayez l'occasion d'un covoiturage ou soyez dans la région, vous êtes cordialement invité-e-s ; code couleur : noir, blanc et rouge avec de préférence un tee-shirt noir sans inscription ou alors anticorrida. Plus d'info sur le site de l'Alliance Anticorrida. La marche est internationale et inter-associative.