dimanche 31 juillet 2016

Masculinité toxique : déni des hommes libéraux

Cette semaine je vous propose traduit, avec son accord, cet article de @MayorWatermelon, environnementaliste radical, pro-féministe, selon son profil Twitter. Les tueries de masse individuelles (Andreas Lubitz), d'extrême-droite -Anders Breivik-, les actes terroristes dijhadistes : Paris, Orlando, Nice, Munich, Saint-Etienne du Rouvray..., pour ne citer que les plus récents, sont perpétrés par des hommes à 99 %. Prenant conscience de l'horreur, des mouvements libéraux aux USA, mais aussi en Europe, -souvent masculinistes- souhaitent restaurer l'image du masculin en promouvant une "masculinité saine". Cet article leur répond.

Mass killers don't have a warp view of masculinity -liberal men do " - texte original en anglais.
" Les tueurs de masse n'ont pas une vision pervertie de la masculinité, mais les hommes libéraux, oui.


Il y a quelque chose de mauvais chez les hommes, quelque chose d'évidemment, indéniablement, tragiquement mauvais.
 
Il y a quelque chose qui nous conduit à violer, battre, acheter et vendre des femmes. Il y a quelque chose qui nous conduit à transgresser, puis à en rire, et à atteindre l'orgasme à travers cette transgression. Il y a quelque chose qui nous conduit à nous tuer les uns les autres, à exécuter nos partenaires et nos enfants.

Quelque chose nous conduit à brûler des cités entières, à lâcher des bombes, à déclarer des guerres et envahir les nations, à conquérir des terres libres et les faire nôtres. Et il y a quelque chose qui nous emmène dans des salles de cinéma, des centres commerciaux, des écoles élémentaires, avec des fusils en bandoulière.

Nous avons concocté tant de raisons pour faire ce que nous faisons : la Religion, la politique, la maladie mentale, la nature humaine, une folle fierté. Pourtant les femmes pratiquent aussi des cultes, votent, tombent malades, partagent également l'entière expérience humaine, tout ça sans pour autant décider de tuer des étrangers dans une ultime explosion de violence.

Les femmes commettent peut-être un dixième de tous les meurtres, et moins d'un dixième d'un pour cent de toutes les tueries de masse. Quand on enlève du panel des tueurs toutes les femmes qui tuent en situation de légitime défense des agresseurs étrangers ou des partenaires, le chiffre descend encore. Nier la nature spécifique des atrocités masculines est se duper soi-même.

Il y a une psychologie, pas une biologie, qui accompagne ces crimes ; nous ne tuons pas pour ce que nous sommes, mais pour qui nous sommes. Un système de croyances sur le monde, une collection de désirs et de fantasmes déterminent la signification de la masculinité beaucoup plus que la densité osseuse ou la forme génitale. Cette idéologie est la même, que ces crimes soient commis en privé contre une épouse ou une amie, ou fièrement contre le reste du monde vivant.

Le droit, la rage, la brutalité, le désir pathologique de franchir les frontières de l'Autre définit aussi bien Christophe Colomb et Andrew Jackson*, que Ted Bundy* ou Eric Harris*. Ces actes sont unis par un ensemble de traits, liés ensemble à travers l'histoire. Il y a un mot pour ce qui ne va pas chez les hommes. Il y a un tas de mots, bien sûr. Mais il y a un seul mot qui signifie tous les autres.

Le mot pour ce qui est mauvais chez les hommes apparaît momentanément dans toutes les tueries de masse, mais il est toujours accompagné. Ce mot est masculinité, et ses addenda sont nombreux dans le discours public : Confus. En crise. Défectueux. Perverti. Un article récent proclame que les hommes tuent sur des parkings d'universités parce qu'on leur enseigne une "vision défectueuse de la masculinité". Un autre se lamente sur la façon dont l'Amérique nourrit "des conceptions toxiques de ce qu'est être un homme".

Ce qu'implique l'omniprésence de ces adjectifs est clairement que la violence masculine a ses racines dans une incompréhension fondamentale de la nature de la virilité, pas de la virilité elle-même.

Il y a sûrement pas mal d'hommes dont la compréhension de la masculinité est tragiquement une illusion -malheureusement, ce sont ceux qui écrivent tous ces éditoriaux, pas ceux qui tirent dans les écoles. Les hommes qui tuent ou violent au hasard, ceux qui battent leur femme et leurs enfants à mort ne se trompent pas sur la masculinité. Leur violence psychotique, leur vide émotionnel, leur cruauté aveugle, montrent qu'il la comprennent parfaitement -mortellement bien.

Répondre au rejet par une femme en tirant sur neuf étrangers puis sur soi-même, c'est exprimer le diktat d'une masculinité dans sa forme la plus concentrée : exigez ce que vous voulez. Utilisez la violence pour le prendre. Détruisez ce que vous ne pouvez avoir. C'est l'idéologie de la virilité. Il n'y a rien de défectueux, confus ou imparfait à son propos. Et ce n'est pas non plus une forme toxique de quelque chose de bénin ailleurs.

La vraie confusion toxique de ce que signifie la masculinité se trouve chez les réformateurs, ces hommes qui espèrent remplacer dix mille ans de psychologie de la domination par une "masculinité saine" composée de gentillesse, de compassion, de leadership et de désir de disposer. Il n'y a aucun moyen de façonner une psychologie sex-spécifique à partir d'une décence humaine de base. Ces traits se sont manifestés à travers l'histoire par les hommes comme par les femmes ; mais la violence de hasard et les explosions de rage sont généralement du domaine des hommes.

Il n'y a jamais eu besoin d'un mot pour décrire la psychologie d'un homme adulte sain et fonctionnel en dehors de c'est une "bonne personne". Il y a eu, cependant, un très pressant besoin de créer un mot pour les qualités dont les hommes ont besoin pour garder leur pouvoir sur les femmes.

La plupart des traits qui définissent la notion libérale de "masculinité saine" ne peuvent être débarrassés de leurs racines patriarcales. Il n'y a rien de sain dans la notion que les hommes sont les uniques pourvoyeurs, défenseurs ou leaders. Historiquement, l'association hommes et protection accompagne l'association femmes et propriété, tout comme le rôle de mâle leader existe avec le parallèle de la femme disciple.

Ces interprétations supposées éclairées de la masculinité reposent sur et perpétuent un système de division genrée où les hommes maintiennent un contrôle tacite sur les femmes. La vision réellement progressiste qu'aucun comportement n'est valable plus ou moins en fonction de son appareil génital, n'a aucune place dans le réformisme néo-romantique de la virilité moderne.

La notion libérale de "masculinité saine" est soit un détournement, soit un mensonge. Détourner la masculinité en un terme vide non distinguable
d' "humain décent" peut être a-historique ou dénué de sens, ou le fait d'un patriarcat bénin qui confirme la stratification sexuée au cœur du pouvoir mâle. Mais ce que cela ne peut être, c'est un antidote à la psychologie militarisée de la domination qui conduit aux atrocités masculines allant des tueries de masse aux génocides.

Il y a quelque chose de mauvais chez les hommes -quelque chose d'évidemment, d'indéniablement, de tragiquement mauvais. Cependant ce n'est pas particulièrement perçu comme mauvais par les hommes en ce sens que les explosions de violence font beaucoup pour maintenir et renforcer la main de fer du pouvoir que nous avons sur les femmes. Le concept de "masculinité saine" permet aux hommes libéraux de partager ce pouvoir incontesté tout en prenant leurs distances par rapport au sale travail requis pour le maintenir.

Célébrer une masculinité saine, c'est célébrer une version aseptisée du massacre, quelque chose qui nous accorde l'entrée dans un club exclusif, sans exiger de sacrifice. Un homme pourrait être tendre, faire l'amour avec douceur, pleurer occasionnellement, le tout dans le confort de l'idée que pendant qu'il pleure, réconforte et baise, d'autres hommes hurlent, battent et violent, pour s'assurer que son pouvoir reste incontesté ?

Si nous voulons sérieusement mettre un terme aux tueries de masse, et dans une moindre mesure au viol et à la violence conjugale, nous ne pouvons pas nous permettre de nous exonérer de ces crimes en utilisant les mots "toxiques", "confus", ou "perverti". La masculinité en elle-même est toutes ces choses bien sûr, invariablement toxique, invariablement confuse, et invariablement pervertie. Mais si la compréhension que les hommes violents ont de la masculinité est chez eux bien repérée, ceux qui fantasment une masculinité purgée de la violence et de la cruauté, ceux-là se trompent désespérément de projet.

La société ne nous enseigne pas des idées toxiques à propos de la virilité. Elle nous apprend une idée toxique appelée virilité -une idée dont quantité de réformes ne pourront faire l'économie. "
@MayorWatermelon

*Respectivement, après Colomb découvreur de l'Amérique, donc colonisateur précurseur, 7ème Président des Etats-Unis, tueur en série et tueur de masse.

10 commentaires:

  1. Merci pour cet excellent texte que je vais faire circuler. Peut-on le publier sur le site du CLAS (http://clas.pe.hu/) en indiquant la source vers votre site ? Salutations féministes, Mélusine Vertelune (http://clas.pe.hu/spip.php?article4)

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    1. Merci de votre intérêt pour mon blog. Je ne pense pas qu'il y ait problème à publier sur votre blog ce texte que j'ai traduit de l'anglais. Je vais toutefois prévenir MayorWatermelon de votre intention, via la twittosphère, je ne pense pas que cela le contrarie du tout, mais pour la bonne forme, je préfère faire comme cela. Question de courtoisie. Le partage en ce qui me concerne se fait aux conditions Creative Commons avec citation de mon blog et du rétrolien vers le billet en question. Encore merci pour votre commentaire et votre intérêt pour mon blog :)))

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  2. Puis-je quand même savoir pourquoi vous avez un .hu (domaine Internet Hongrie) ? Facebook me refuse le partage de vos liens avec un message bizarre. Merci de votre réponse.

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  3. Pour le .pe.hu, c'est notre hébergeur qui nous l'a attribué (mais il ne nous semble pas que ce soit en Hongrie). En effet nous avons constaté que facebook refuse clas.pe.hu, par contre il accepte ce lien-ci : http://clas.pagesperso-orange.fr/
    (page d'accueil de notre site). Et nous avons aussi un facebook (https://www.facebook.com/Collectif-Libertaire-Anti-Sexiste-CLAS-1677314605837945/timeline/).
    Mélusine, Salutations féministes :-D

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    1. Merci. J'ai bien trouvé votre page FB et je me suis abonnée, j'ai même voulu partager le billet sur le voile mais je n'ai pas insisté. .hu pour internet c'est Hungary :)) J'ai envoyé un message en DM à MayorWatermelon, j'attends sa réponse. Je préfère avoir son accord. Je lui ai mis l'URL de votre site bien qu'il dise ne pas lire du tout le français.

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    2. C'est OK pour MayorWatermelon : je vous ai envoyé un message privé sur votre blog pour les modalité. Merci de me lire :)

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  4. Si hommes et femmes arrivaient enfin à une véritable égalité, sur tous les plans, chacun dans sa vérité, la domination masculine perdrait son sens.

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    1. J'ai bien peur que la revendication d'égalité sans contester le système fait par eux et pour eux, n'ait pas grand sens. On sera juste tolérées dans un système qui nous nie.

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  5. Je suis d'accord avec Hypathie. les formes sociales ne sont pas neutres. Il ne s'agit pas de se "réapproprier" un fonctionnement basé sur la valorisation, l'appropriation, la concurrence, et bien d'autres valeurs socialement masculines (le sexe est un rapport social), mais de les contester. Un monde axé sur d'autres priorités pourrait être, de fait, un monde sans hommes.

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    1. C'est effectivement toute la différence entre le féminisme réformiste libéral : revendiquer une place dans le système patriarcal, place où nous serons de toutes façons à peine tolérées en "conciliant" vie de famille et travail par exemple, les mecs rentrant du boulot, pour trouver le repas prêt. Ah Ah. En poussant la logique de ce monde paritaire mais non féministe, les femmes vont faire de la tauromachie par exemple, puisque les mecs en font. Au lieu de contester cette pratique barbare inventée et pratiquée par les hommes. C'est un exemple extrême mais qui montre bien l'impasse. Selon les féministes radicales, un monde axé sur d'autres priorités serait de fait un monde sans la construction sociale homme pourvoyeur/chasseur/viril/violent face à la construction sociale femme butin/disciple/dominée/niée. Foutons à bas ce vieux monde sans avenir basé sur le parasitisme et l'épuisement de la terre, de la nature et des femmes (sans sacraliser les deux premières) : le féminisme ou la disparition de l'espèce, au choix.

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